Ferme expérimentale de Jalogny
Les travaux démontrent que l’herbe en a encore sous le pied !

Marc Labille
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Mercredi dernier, la ferme expérimentale de Jalogny dévoilait ses derniers résultats sur la valorisation de l’herbe pâturée. En route vers une meilleure autonomie alimentaire, le pâturage tournant est le levier incontournable pour réduire la dépendance aux concentrés.

Les travaux démontrent que l’herbe en a encore sous le pied !
Mercredi dernier, la ferme expérimentale de Jalogny était le théâtre d’une journée technique sur la valorisation de l’herbe. Eleveurs, techniciens et élèves sont venus assister à cette présentation experte.

En pleine envolée des prix des matières premières, le rendez-vous donné par la Ferme expérimentale de Jalogny tombait à point nommé. En pleine pousse printanière, la Chambre d’agriculture, l’Institut de l’Élevage et ses partenaires ont livré les derniers résultats de travaux portant sur la valorisation de l’herbe pâturée. Suivait un point sur le sursemis de prairies permanentes (lire encadré). Durant cette après-midi experte, il a été question de solutions pour économiser des intrants. Les expérimentations menées à Jalogny démontrent que des gains économiques sont possibles dans un retour à l’autonomie des exploitations herbagères. Et une des clés de cette autonomie retrouvée, c’est une meilleure gestion de l’herbe et du pâturage dont les ressources sont souvent sous-exploitées.

Les promesses du pâturage tournant

Dans cette quête, le pâturage tournant n’en finit pas de révéler ses vertus. Ce n’est pourtant qu’une redécouverte, faisait remarquer Véronique Gilles, experte sur le sujet à la Chambre d’agriculture. D'ailleurs, le réseau Herbe qu’elle anime s’appuie avant tout sur « la valorisation des expériences d’éleveurs ». Par rapport à un pâturage classique, « le pâturage tournant peut faire gagner + 20 % de pousse supplémentaire et en cas de sécheresse, il permet de gagner environ 15 jours de pâturage », faisait valoir la technicienne. La Chambre d’agriculture suit également des éleveurs parvenant à engraisser des bovins à l’herbe et rien qu’à l’herbe…

Moins de concentré en hiver

Le pâturage tournant fait partie du protocole expérimental que la Ferme de Jalogny a mis en œuvre sur la conduite des veaux. Depuis 2015, ces travaux visent à économiser sur la complémentation des veaux, notamment dans le cas de vêlages d’automne (fin août à fin octobre) pour produire des broutards vendus en juin à 400-450 kg de poids vif. De la naissance au premier hivernage, les petits veaux sont nourris grâce au lait de leurs mères. Une bonne production laitière des mères permet d’assurer de bonnes croissances à peu de frais. Pour la durée d’hivernage en bâtiment, deux niveaux de complémentation ont été testés : un lot dit « haut » à 1,5 kg de concentré par 100 kg de poids vif et un lot dit « bas » à 1 kg de concentré par 100 kg de poids vif. Le lot « haut » réalise un GMQ (gain moyen quotidien) supérieur à celui réalisé par le lot « bas » et les veaux du lot « haut » sont un peu plus lourds que les veaux du lot « bas ». Mais « cet écart se gomme lors du pâturage suivant », rapportait Jérémy Douhay, de l’Idele. Durant l’hivernage donc, 1 kg de concentré par 100 kg de poids vif peut suffire pour produire des broutards de 400 kg vifs. À condition que le pâturage qui suit soit maîtrisé.

Zéro concentré au printemps ?

La même recherche d’économie de concentrés a été effectuée lors de la phase de pâturage de printemps. On a comparé des lots conduits en pâturage tournant avec des lots conduits en pâturage simple, avec complémentation dans les deux cas et même sans complémentation dans le cas du pâturage tournant.

Ces travaux ont confirmé que le pâturage tournant permettait de réduire la consommation de concentré en comparaison du pâturage simple. Une économie qui va de 80 à 130 kg de concentré par veau. Les travaux de Jalogny ont mis en évidence que grâce au pâturage tournant, l’objectif de croissance peut même être atteint sans aucune complémentation. 100 kg de concentré par veau peuvent ainsi être économisés. Cette conduite induit cependant un retard de 15 jours quant à la date de vente des broutards, signalait Jérémy Douhay. Pour le printemps 2022, l’expérimentation est poursuivie sur les prairies jouxtant la Ferme de Jalogny. Les participants ont pu voir deux lots de vaches à veaux, le premier en pâturage tournant sans complémentation et le second en pâturage continu avec nourrisseur.

 

 

La technique du sursemis de prairies permanentes

La technique du sursemis de prairies permanentes

La deuxième partie de cette réunion portait sur le sursemis. Cette technique revient sur le devant de la scène avec la recherche d’autonomie protéique en élevage. Cette dernière fait d’ailleurs l’objet d’un projet national « Cap Protéines ». Le sursemis vise à enrayer le vieillissement des prairies lequel se manifeste par la disparition des bonnes graminées, une présence croissante de trous colonisés par des espèces indésirables. Alternative à la rénovation totale, le sursemis consiste à renforcer le couvert en place soit avec des espèces fourragères pérennes, soit avec des espèces annuelles. Dans ce dernier cas, la prairie devient le support d’installation de cultures annuelles, expliquait Patrice Pierre de l’Idele.

Le sursemis d’espèces pérennes soulève plusieurs difficultés : agressivité des espèces, fertilité, accès à la lumière, reprise du couvert en place… Mais la prairie fait montre « d’une capacité de régénération phénoménale », faisait valoir l’expert.

Parmi « les conditions de mise en place », il faut disposer sur la prairie de zones de sol nues. La végétation doit être aussi rase que possible. Il est recommandé d’agrandir les vides mécaniquement et de semer dense des espèces qui lèvent vite. Un tassement du sol est indispensable. La végétation doit être maintenue rase après la levée car l’accès à la lumière est déterminant pour les jeunes plantules. Un passage rapide des animaux ou une fauche sont indiqués. Un apport d’engrais localisé au semis donne un coup de boost, complétait Patrice Pierre. Si le sursemis peut améliorer la composition botanique, les risques d’échecs sont tout de même importants. Les conditions climatiques de la levée comptent pour beaucoup. Semis de printemps ou d’automne : la date n’a pas d’importance. En revanche, l’agrostis est une espèce limitante dans la réussite du semis, signalait-on.

Le sursemis à l’essai à la ferme de Jalogny

En septembre dernier, une plateforme d’essai de sursemis de prairie permanente a été mise en place sur une parcelle de la ferme de Jalogny. L’étude portera sur différents types de matériels plus ou moins agressifs en termes de travail du sol et plusieurs types de mélanges d’espèces sont également impliqués. Les modalités prévoient aussi une partie gyrobroyée au préalable et l’autre non. Des mesures de rendements seront réalisées de même qu’un suivi de l’évolution de la composition floristique.