Joël Forgeau
Avoir une communication positive

Régis Gaillard
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Président de Vin & Société, Joël Forgeau estime que la baisse de la consommation de vin dans l’hexagone n’est pas une fatalité. Toutefois, pour séduire notamment la génération des trentenaires, il convient non seulement de simplifier les codes inhérents à la viticulture mais aussi d’avoir une communication à la fois moderne et positive.

Avoir une communication positive
Le président de Vin & Société entends avoir une communication moderne, notamment adaptée à la cible des trentenaires.

Qu’en est-il de la situation de l’export ?

Le marché de l’export est pratiquement à l’arrêt pour quasiment tous les vignobles. Il est actuellement difficile d’expédier du vin en situation de confinement dans certains pays. L’exportation souffre vraiment beaucoup de la situation actuelle.

La consommation de vin en France a-t-elle subi un important contrecoup suite à la crise du covid-19 ?

Il y a une baisse des ventes en GMS pour les vins tranquilles de l’ordre de 7% à 8% en volume. La baisse pour les vins effervescents est bien plus importante, de l’ordre de 50% à 60%. Ces chiffres s’expliquent parce qu’en France, le vin est associé à la convivialité, au partage, notamment à l’occasion de repas en famille ou entre amis. Les bulles, quant à elles, sont associées à la fête. Quand on regarde plus précisément les achats de vins tranquilles, on constate que les vins qui profitent le plus de la situation sont les vins d’entrée de gamme, notamment en BIB. Les IGP tirent également leur épingle du jeu.

La vente par correspondance a-t-elle profité de la situation actuelle ?

La vente par correspondance a explosé. Toutefois, il convient de signaler que l’on part d’un niveau très bas. Confinement oblige, les consommateurs se sont tournés vers les sites Internet. En fait, là où le bât blesse, c’est au niveau de la vente directe. Ceci étant accentué par l’arrêt de l’œnotourisme. Même si les viticulteurs se creusent la tête en essayant de trouver des solutions à l’image du drive. Ou en proposant des livraisons au domicile de leurs clients. Néanmoins, cela ne représente que des volumes très faibles. L’arrêt total de la CHR, des CE, des repas de famille ou entre amis a un impact très important. Globalement, il y a une baisse de consommation de 40% à 50% tous vignobles confondus.

Une telle baisse de consommation est-elle surprenante ?

Je ne suis pas surpris par une telle baisse. De manière générale, neuf Français sur dix sont des consommateurs occasionnels en temps normal. Le vin c’est le partage. Le vin n’est plus un produit aliment, ni un produit de soif. Dès lors, la crise actuelle a mis à mal cette consommation conviviale et de partage. Les gens ont moins envie de déboucher une bouteille.

Que pensez-vous des moments de convivialité et de partage sur Internet autour du vin ?

On a en effet pu voir le développement sur les réseaux sociaux de choses sympathiques. A l’image des apéro visio qui sont des moments de sociabilité reconstitués. Les Français perpétuent une tradition, celle de l’apéritif, avec les moyens d’aujourd’hui dans le contexte contraint du confinement. C’est aussi l’occasion d’échanger les expériences personnelles ou professionnelles autour d’une dégustation. A noter que certains sommeliers ont temporairement perdu leur odorat avec le covid-19.

N’y a-t-il pas de risque à organiser de tels rendez-vous virtuels avec la loi Evin ?

Internet est un support autorisé par la loi Evin. Pour un producteur, cette communication s’analyse comme une publicité pour ses boissons alcoolisées et est, de ce fait, soumise à la loi Evin. Par contre, il n’y a pas de risque s’il s’agit de moments privés.

N’y a-t-il pas également un risque de basculement des consommateurs vers d’autres produits à l’image de la bière ?

La consommation de bière est en hausse croissante. Notamment pour ce qui est de la bière artisanale qui progresse énormément. Il y a des codes simples avec la bière alors que le vin peut faire peur avec ses codes plus complexes. Beaucoup de jeunes consommateurs parlent de cette complexité. Dès lors, l’œnotourisme peut être une porte d’entrée intéressante pour découvrir le vin simplement.

Comment alors séduire les jeunes ?

En premier lieu, il faut faire un constat : le consommateur régulier de vin a plus de 65 ans. Les consommateurs de vin en France sont certes prêts à mettre un peu plus cher dans une bouteille mais ils consomment moins souvent et souhaitent des codes plus simples. Au niveau de Vin & Société, nous souhaitons mettre en avant la communication positive auprès de nos adhérents et des OP nationales. Pour s’adresser aux trentenaires, il convient d’avoir des outils adaptés. L’idée est de désacraliser tous les codes autour du vin, d’expliquer par exemple ce que sont les AOP, les IGP. L’idée est vraiment d’accompagner le consommateur. Nous avons également développé un partenariat avec l’Union de la Sommellerie Française. Au final, le but est de faire en sorte qu’un trentenaire ouvre une bouteille de vin plutôt qu’une bouteille de bière. Car il faut faire attention de ne pas perdre toute une génération de consommateurs et, avec elle, un patrimoine exceptionnel.