Chèvrerie La Trufière à Chissey-les-Mâcon
Le changement climatique déclencheur des travaux de rénovation

Marc Labille
-

Confrontés aux effets du réchauffement climatique, les associés de la Chèvrerie La Trufière ont rénové leur bâtiment pour un meilleur confort des animaux en été. Ces travaux ont aussi été l’occasion de réagencer l’espace en créant une nouvelle nurserie et en automatisant la distribution des fourrages et des concentrés. 

Le changement climatique déclencheur des travaux de rénovation
La nouvelle nurserie occupe la première partie de la chèvrerie et peut accueillir 150 chevreaux.

En 2018-2019, la Chèvrerie La Trufière a effectué une importante rénovation de son bâtiment d’élevage datant d’un peu plus de vingt ans. C’est le changement climatique qui a été le déclencheur. Sur cette exploitation du haut-Mâconnais où les chèvres ont pour coutume de pâturer au grand air, les étés caniculaires compromettent de plus en plus la ressource en herbe, au point de contraindre les éleveurs à parquer leur troupeau en bâtiment à la belle saison. « En 2018, les chèvres rentrées au mois d’août n’ont jamais pu ressortir faute de repousse dans les prés », confie Sylvain Chopin associé en Gaec avec Marie-Émilie Robin. « En 1995, une chèvrerie était faite pour abriter les animaux en hiver. En 2020, elle sert aussi à les protéger de la chaleur, de la sécheresse et du manque d’herbe de l’été ! », résume Sylvain. Un constat amer pour une exploitation qui recherche l’autonomie alimentaire et pratique un pâturage dynamique de mars à novembre. Mais quand l’herbe grille sur place, sortir les animaux n’a plus d’intérêt, d’autant que les chèvres n’aspirent plus qu’à se mettre à l’ombre. Et sans pâturage tournant, le risque lié au parasitisme augmente tandis que la production laitière se dégrade, explique Sylvain. 

L’autre motif de cette rénovation était le besoin de réorganiser l’espace en créant une nurserie digne de ce nom tout en libérant de la place pour les chèvres. Le but était aussi de créer les conditions d’une meilleure ambiance à travers une ventilation et une luminosité adéquates.

Un tapis d’alimentation pour gagner de la place

Le bâtiment de 1995 a été allongé de 200 m² et le couloir central surélevé a été démoli. À la place, les associés ont opté pour un tapis d’alimentation automatisé qui dessert deux rangées de cases de chèvres sur aire paillée. Large de seulement 90 cm, ce système d’affouragement mécanisé libère beaucoup de surface en comparaison de l’ancien couloir de 3 m. Le fourrage est déposé à la dérouleuse à l’extrémité du tapis qui le distribue sur toute la longueur de la chèvrerie. Le Gaec en a profité pour s’équiper de cornadis (de part et d’autre du tapis), « ce qui règle un problème de contention », fait valoir Sylvain. Les concentrés sont quant à eux distribués par un robot autonome qui circule au-dessus du tapis (lire encadré).

Les 110 à 120 chèvres en lactation ont désormais 2 m² d’aire paillée à leur disposition contre 1,5 à l’origine, sachant que le manque de surface par chèvre nuit à leur production, fait valoir l’éleveur.

Une nurserie de 144 m2

Au bout de l’aire paillée des chèvres, une nurserie de 144 m² a pu être aménagée. Auparavant, l’élevage ne disposait que de 20 m² pour loger ses cabris et chevrettes d’où le besoin d’empiéter sur les cases des chèvres. La nurserie est en partie amovible et modulable au gré des besoins liés à la croissance des animaux (classement par âge, cases de surveillance, séparation des chevreaux de boucherie, chevrettes d’élevage…). Elle est équipée d’un cornadis spécifique qui donne sur le hall d’entrée du bâtiment. La nouvelle nurserie est alimentée en eau et en lait ce qui évite aux éleveurs d’innombrables aller et venues pour les soins aux chevreaux. Cette réorganisation de l’espace a aussi permis de créer une aire d’attente pour la salle de traite. 

Pour optimiser l’ambiance du bâtiment, le Gaec a fait appel au GDS avec lequel a été étudié le bon dimensionnement de la ventilation, explique Sylvain. Sur les deux longs pans de la chèvrerie, des translucides perforés ont été posés pour assurer l’entrée d’air. Au faitage, la sortie d’air se fait à travers le support de lanterneau Ubak. Inventé par Stéphane Charvet à Trambly, ce système de fixation de lanterneau est simple et rapide à mettre en œuvre. Il a la propriété d’assurer la ventilation par « effet cheminée » tout en servant de pare-vent contre les intempéries. Les associés ont opté pour une couverture de lanterneau translucide qui garantit une grande clarté à l’intérieur de la chèvrerie.

Ventilation et laine de bois contre la chaleur

Le toit, qui n’avait reçu aucune isolation à sa construction, a été doublé avec de la laine de bois (panneaux rigides de 10 cm d’épaisseur). Plus chère que les matériaux de synthèse, la laine de bois a été préférée par les associés au regard du risque d’incendie. Sachant aussi que la laine de bois est plus efficace pour lutter contre la chaleur que le polyuréthane ou le polystyrène. Cette couche isolante est recouverte d’un plafond de panneaux d’OSB (panneaux en particules de bois orientées). L’ensemble étant constitué de matériaux naturels, fait valoir Sylvain. Ces travaux ont été réalisés par un charpentier local, en l’occurrence l’entreprise Toutant de Saint-Point, signale l’éleveur.

Au total, cette rénovation a coûté 135.000 € hors subvention. La charpente de l’allongement de la chèvrerie et l’isolation comptent pour 60.000 €. Le tapis et le robot ont coûté environ 25.000 €, auxquels il faut ajouter 11.000 € de cellules de stockage et vis. La maçonnerie et le terrassement sont revenus à 25.000 €. Une bonne partie des travaux ont été réalisée par le Gaec lui-même (démolition, maçonnerie, barriérage, etc.). « La transformation de la chèvrerie s’est déroulée de septembre 2018 à janvier 2019 et les chèvres n’ont dû quitter le bâtiment que pendant 30 jours ! », indique l’éleveur. Grâce au PCAE, le Gaec a pu bénéficier d’une subvention de 44.000 €. « L’annuité de l’emprunt contracté est l’équivalent du montant de l’ICHN que nous avons perdue dans notre secteur ! », fait remarquer Sylvain. 

Dix degrés de gagnés !

Après deux années d’utilisation, la nouvelle chèvrerie donne entièrement satisfaction aux associés. Dans une ambiance saine et lumineuse, les chèvres auraient même tendance à produire davantage de lait. La nouvelle nurserie spacieuse et fonctionnelle a permis aux éleveurs de « gagner en ergonomie, autant pour nous que pour les animaux », se félicite Sylvain. Grâce à l’isolation thermique, 10 degrés sont gagnés à l’intérieur de la chèvrerie en été, calcule-t-il. En effet, sans isolation, la température dans le bâtiment était 5 degrés plus élevée qu’à l’extérieur et aujourd’hui, elle est de 5 degrés inférieure. Le robot a quant à lui permis « un gain de temps de travail monstrueux », affirme l’éleveur qui évalue ce gain à 1 h voire 1 h 30 par jour. Cela en ayant supprimé la manutention des seaux de concentrés, les nombreux coups de balai ou de fourche pour repousser le fourrage et les concentrés, ôter les refus, etc. « C’est très confortable », assure Sylvain Chopin qui ajoute que lorsque l’élevage est en monotraite, l’astreinte liée à l’élevage ne se limite plus qu’au matin. 

Du temps et des concentrés économisés grâce au robot
Le robot distributeur de concentrés se déplace au-dessus du tapis de distribution des fourrages.

Du temps et des concentrés économisés grâce au robot

Le robot distributeur de concentrés circule au-dessus du tapis d’alimentation qui dessert deux rangées de cornadis. Il est soutenu par deux rails qui surplombent les deux cornadis espacés d’environ 90 cm. Au repos, le robot stationne à l’une des extrémités du tapis où il se recharge en matières premières de façon autonome. Il est alimenté par deux vis reliées à deux silos extérieurs au bâtiment. L’un contient du tourteau Expellor et l’autre un mélange de céréales et de minéral. Ce mélange maison est élaboré sur place par un camion aliment (ABMF). Il contient des céréales et du méteil produits sur l’exploitation ainsi que du maïs grain. Le robot distribue quatre repas dans la journée contre deux ou trois auparavant, signale Sylvain Chopin. « Un premier repas est donné le matin avant la traite. Un second est programmé après la traite. En hiver, une troisième distribution de concentrés est réalisée à midi. Enfin, un quatrième passage intervient à l’issue de la traite du soir. Le fourrage est quant à lui distribué une fois par jour à l’aide du tapis », détaille l’éleveur. Un paramétrage préalable est nécessaire. Il consiste à peser l’aliment et à programmer la dose à distribuer par place de cornadis. L’appareil se repère sur la ligne de cornadis à l’aide d’une roulette qui mesure la distance parcourue. Le robot donne la possibilité de fractionner les repas, de moduler au jour le jour ou case par case la composition du mélange distribué (plus ou moins de tourteau). À la Chèvrerie La Trufière, le robot alimente deux catégories d’animaux : les primipares (ainsi que les gestantes) et les autres. Outre un gain considérable en termes de main-d’œuvre, le robot a permis une économie de 1.000 € de matières premières dès sa première année d’utilisation, fait valoir Sylvain Chopin.

Une centrale photovoltaïque pour l’autoconsommation
Au mois d’avril, la centrale photovoltaïque a couvert plus de 50% de la consommation de l’exploitation.

Une centrale photovoltaïque pour l’autoconsommation

Fin 2020, la Chèvrerie La Trufière a mis en service une toiture photovoltaïque de 180 m². Au préalable, les associés ont fait réaliser une étude d’opportunité par la chambre d’agriculture avec l’objectif de l’autoconsommation. Concrètement, il s’agit de produire, avec cette centrale solaire, au moins 40 % de l’électricité consommée par l’exploitation, l’équivalent de 7.000 € hors taxe, fait valoir Sylvain Chopin. Mais il faut aussi parvenir à consommer 80 % de ce que produit la centrale, précise l’éleveur qui ajoute que les 20 % restants sont rejetés dans le réseau à un tarif de rachat peu attractif (6 centimes). L’enjeu est donc de consommer un maximum de l’électricité produite, résume Sylvain. Mise en service au mois de novembre dernier, la centrale semble tenir ses promesses. Au mois d’avril, elle a couvert plus de 50 % de la consommation de la ferme, fait valoir l’éleveur. De fait, la consommation de l’exploitation coïncide avec la production solaire. Le tarissement du troupeau en hiver induit une faible consommation d’électricité à cette saison. Le pic de lactation et donc de production fromagère intervient au printemps quand l’énergie solaire est la plus forte. La consommation électrique de la chèvrerie atteint son pic pour la traite, et notamment en matinée lorsque le lave-vaisselle est en service, quand la fromagerie consomme de l’eau chaude, que les portes des séchoirs, haloir et chambres froides sont régulièrement ouvertes… La climatisation et le chauffage sont aussi gourmands en électricité. L’installation de cette centrale solaire a coûté 40.000 € au Gaec dont 8.000 € pour le remplacement des plaques de toit de fibre-ciment non amiantées par des bac-aciers, informe l’agriculteur. « L’économie sur la consommation d’électricité facturée va couvrir l’emprunt », conclut Sylvain Chopin.