CLIMAT
Les thermomètres s'affolent, la France transpire

Canicules à répétition, sécheresse, vents et orages violents… Tandis que la météo s’emballe, le mois de juin 2023 a été classé comme le deuxième plus chaud après celui de 2003. En Auvergne-Rhône-Alpes, ce dérèglement climatique entraîne des conséquences néfastes sur certaines cultures et l’élevage bovin, mais impacte également des zones de baignade et de rafraîchissement extrêmement prisées en période estivale.

Les thermomètres s'affolent, la France transpire
L'agro-climatologue Serge Zaka. ©DR

« On a plutôt des températures qui sont assez normales, pour un été. » Coup de chaud pour le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, dont l’intervention au micro de France Inter le 15 juillet dernier, est loin d’être passé inaperçue. Quelques jours plus tôt, l'observatoire européen Copernicus annonçait pourtant que le monde avait connu son mois de juin le plus chaud jamais enregistré. Le 30 juin, c’était au tour de Météo France d’affirmer que la France venait de connaître « son deuxième mois de juin le plus chaud sur la période 1900-2023, derrière juin 2003 ». Autant d’arguments renvoyés au ministre de l’Agriculture sur le réseau social Twitter, auxquels Marc Fesneau a finalement rétorqué : « cette année, globalement, et à date, c’est un début d’été un peu moins sec que 2022 et des épisodes caniculaires moins forts que l’an passé avec en revanche une température moyenne plus élevée ».

Le blé et le maïs souffrent

« Il y a quatre fois plus de canicules après les années 2000 », énonce l'agro-climatologue Serge Zaka, avant d’affirmer que 27 canicules sont survenues entre 2000 et 2022, contre 17 entre 1940 et 2000. « Nous ne parlons plus de risques de canicules, mais bel et bien de saison de canicules. » Un phénomène qui a de lourdes conséquences sur la végétation. Selon le spécialiste, la croissance du grain de blé ralentit à partir d’une température externe de 25 °C. « La période de remplissage du grain s’effectue généralement entre la fin du mois de mai et le mois de juin, période à laquelle nous avons beaucoup de journées au-dessus des 25 °C. » Mais le blé n’est pas le seul à subir un stress thermique important. À partir de 35 °C, la pollinisation du maïs est ralentie et finit par s’arrêter une fois les 40 °C dépassés. Face à cette impasse, la recherche a choisi de se tourner vers un changement d’espèce. « Nous n’avons pas de variétés plus résistantes qu’une autre quand le thermomètre atteint les 40 °C, continue le scientifique. Mais nous pouvons miser sur des espèces comme le sorgho, dont la température optimale est de 34,1 °C lorsqu’il a de l’eau. »

Repenser l’élevage

Outre les espèces céréalières, le stress thermique apporte également son lot de problèmes aux troupeaux. En Europe, ce facteur est à l’origine d’une baisse de la production laitière annuelle de 5 à 15 %. Cette moyenne atteint même les 30 % l’été. En Auvergne-Rhône-Alpes, la moyenne annuelle serait plutôt de 10 à 20 %, excepté en Ardèche. « La génétique des vaches laitières ne permet pas de résister à de fortes températures, assure l’agro-climatologue. Sans parler du fait que les canicules entraînent des problèmes de boiteries et de reproduction, puisqu’une vache qui a chaud reste debout plus longtemps. » Afin de limiter les conséquences néfastes du stress thermique sur l’élevage laitier, une des hypothèses évoquées par Serge Zaka serait de privilégier progressivement les élevages ovins et caprins dans les plaines rhônalpines.

Léa Rochon

Arrêté sécheresse

Les élevages classés ICPE non concernés

Un arrêté du 30 juin, paru au Journal officiel le 5 juillet, prévoit des mesures de restriction de prélèvement et de consommation d’eau pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en période de sécheresse. Les élevages classés ICPE ne sont cependant pas concernés par les restrictions pour ce qui regarde l’abreuvement des animaux et le nettoyage des bâtiments. L’arrêté précise en effet que les installations nécessaires à « l’alimentation en eau pour l’abreuvement, la santé, la survie et le bien-être des animaux et le respect des règles sanitaires liées aux animaux » ne seront pas soumises aux restrictions prévues dans l’arrêté (jusqu’à 25 % de réduction des prélèvements d’eau). De même, les usines agroalimentaires « en flux poussé » qui transforment des matières premières agricoles « périssables à l’état frais, qui ne sont pas à l’état congelé, et dont la transformation ne peut être différée », comme les laiteries, échappent aux restrictions. Selon le décompte de Greenpeace, réalisé à partir de la base de données des installations classées émise par le ministère de la Transition écologique, plus de 3 000 élevages sont classés ICPE en France.

Agra