SAS BioÉnergie Pierroise
Inauguration de l'unité de méthanisation de BioÉnergie Pierroise

Florence Bouville
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Le jour de l’inauguration, le 15 septembre, cela faisait un an jour pour jour que les premiers mètres cubes de gaz produits par la SAS BioÉnergie Pierroise étaient injectés dans le réseau. Aujourd’hui, cette unité de méthanisation implantée sur la commune de Pierre-de-Bresse alimente l'équivalent de 2.000 logements neufs. Alors qu’en Bourgogne-Franche-Comté les projets de méthaniseurs agricoles repartent à la hausse, voici l’exemple parfait de ce que peut entreprendre, soutenu par de l’ingénierie, un collectif de producteurs.

Inauguration de l'unité de méthanisation de BioÉnergie Pierroise
Les 15, 16 et 17 septembre, l'unité de méthanisation de BioÉnergie Pierroise était ouverte au grand public, dans le cadre d'un week-end inaugural.

La plateforme BioÉnergie achevant sa première année de mise en service, il est possible que sa capacité de production augmente encore dans les semaines et mois à venir. Malgré quelques aléas techniques et péripéties administratives, pour l’équipe, les objectifs ont été atteints : le projet, à la fois local et durable, répond pleinement aux attentes sociétales. Tous sont fiers du chemin parcouru.

« Un pari pour l’avenir »

Dès 2010, les producteurs membres de la Cuma Pierroise ont commencé à réfléchir à un projet de méthanisation. Le groupe a alors pensé à la cogénération* ; mais « on ne trouvait pas le projet idéal », explique Julien Gauthey, président de la SAS BioÉnergie Pierroise. « Le taux de valorisation devait être suffisamment important », poursuit-il. Finalement, « on a préféré mettre tous nos œufs dans le même panier », ou plutôt dans le même méthaniseur. Les premières études d’impact et de faisabilité ont été réalisées avec la chambre d’agriculture départementale. Depuis le départ, les agriculteurs financent tout ensemble, afin d’amortir les coûts. Personne ne savait si cela aboutirait à quelque chose ; aujourd’hui aucun d’entre eux ne regrette cet investissement. En 2018, GRDF (Gaz réseau distribution France) est revenu avec de nouvelles propositions. La SAS a ainsi été créée en 2019. Elle regroupe actuellement 11 exploitations (dont deux céréalières), ce qui représente au total 20 agriculteurs, 2.600 ha, deux salariés à plein temps et 30 associés. En plus des aides de la Région et du Feader, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a financé bon nombre d’études, menées par l’association Solagro.

Au-delà de la valorisation des effluents agricoles (33.000 tonnes d’intrants par an) et de la production d’énergie (12 GWh), l’équipe souhaite faire du site de Pierre-de-Bresse un véritable « lieu de vie et d’échanges ». En plus des locaux de la Cuma installés sur place, un espace sera entièrement dédié à l’accueil de séminaires (entreprises agricoles et autres).

En résumé, Julien Gauthey déclare, s’adressant directement aux élus présents : « on a acquis un deuxième métier pour permettre au premier de perdurer ». Tout en rassurant la profession : « nos élevages ne seront pas impactés » et « la valeur ajoutée n’est pas délocalisée ».

Des installations optimales

Pour la construction des méthaniseurs, la SAS a souhaité faire appel à une entreprise française (Naskeo, filiale du groupe Keon). En arrivant sur le site, les tonnes de matière solide sont immédiatement pesées. Une fosse en béton juxtaposée récupère les corps étrangers. Les CIVE (Cultures intermédiaires à vocation énergétique) sont quant à elles entreposées sous une bâche. À noter que la ferme de Julien Gauthey est directement reliée au site par un lisioduc. Ce tuyau permet à lui tout seul d’économiser 280 voyages. Les effluents 100 % agricoles sont ensuite enfermés 50 jours, en milieu anaérobie, dans une première cuve. Puis 30 jours dans la deuxième. « Même principe que pour la panse des bovins », vulgarise Julien. Au sein des méthaniseurs, qui s’apparentent à de grands dômes, le gaz n’est pas sous pression, contrairement aux idées reçues. En effet, seulement quelques millibars de plus que la pression atmosphérique. La phase "liquide" est constamment brassée et homogénéisée pour laisser s’échapper le gaz. À la sortie du pressoir (voir l’image), la phase solide contient essentiellement du phosphore et du potassium tandis que la phase liquide restant dans le circuit est très ammoniacale. Autour des méthaniseurs, une membrane protège le sol et le milieu naturel, en cas d’avarie. Autre équipement de sécurité : la torche, brûlant les potentiels surplus de gaz. Enfin, une fois dans l’épurateur, le biogaz est transformé en biométhane, composé en permanence analysé par GRDF.

Comme l’unité tourne 365 jours par an, 24 heures/24, elle ne peut fournir du gaz qu’aux particuliers. En été, là où les consommations des foyers louhannais et chalonnais sont faibles, ce sont les entreprises qui permettent au site de ne pas produire à perte. Gros avantage : la canalisation de gaz passe à 400 m de la plateforme.

D’autre part, les bâtiments administratifs et de stockage ont un équipement photovoltaïque : 330 kg de panneaux alimentant des habitants de Pierre-de-Bresse et 200 kg couvrant un tiers des consommations de la SAS.

Un retour au sol

Sur la plateforme et même lors des épandages, l’odeur n’est absolument pas dérangeante. En matière de conditions d’acceptabilité, « on a quand même gagné quelque chose », souligne Julien. En pointant du doigt le tas de digestat (29.000 tonnes produites par an), Julien ajoute : « on peut aller mettre la main dedans », tant le composé est stable et abouti. Aux alentours, la zone de polyculture élevage est donc adaptée, aussi bien en termes de surface cultivée que d’approvisionnement en matière organique. Ne serait-ce que derrière le grillage du site, 200 ha attendent leur fertilisant. L’hiver dernier, des parcelles de blé, d’orge et de méteil ont été amendées, ce qui a permis d’éviter le recours aux engrais chimiques.

Un projet qui fait réagir

À l’issue de la visite et du discours du président, les élus n’ont pas tari d’éloges sur la réussite et la vertu d’un tel projet. Toutefois, n’oublions pas que malgré les aides publiques significatives, les vrais acteurs restent en premier lieu les agriculteurs, les concepteurs et constructeurs. Aline Gruet, maire de la commune, ayant suivi et soutenu le projet, se dit « flattée de servir d’exemple » à d’autres territoires. La députée de la 4e circonscription, Cécile Untermaier insiste sur l’importance de « trouver les énergies là où nous vivons ». Elle a d’ailleurs bien entendu l’appel lancé en faveur de la simplification des démarches et souhaite, sans mauvais jeu de mots, « ne pas faire d’usine à gaz avec la méthanisation ». Elle rappelle également qu’il existe déjà un dispositif qui encadre les CIVE, visant à s’éloigner du modèle allemand. Enfin, la présidente de Région Marie-Guite Dufay espère surtout que les soutiens publics via l’Ademe se poursuivront.

Les projets de la SAS ne s’arrêtent pas là ; « on en garde encore sous le pied », déclare Julien, léger sourire aux lèvres. Faisant ici référence à la possible valorisation du dioxyde du carbone. En parallèle, les associés ont déjà en tête « le plan de renouvellement des installations », souligne-t-il. Ce site a réellement été pensé et construit pour perdurer et ainsi servir aux générations futures. Vous l’aurez compris, BioÉnergie n’a pas fini de « faire fonctionner la matière grise des agriculteurs ».

Un week-end de portes ouvertes réussi

Le matin même de l’inauguration, 350 élèves de Pierre-de-Bresse ont foulé le sol du site. Heureux de découvrir la mini-ferme aménagée pour l’occasion dans un joli coin de verdure, qui, à terme, fera aussi office de verger. Le samedi, 750 visiteurs ont été accueillis, 980 personnes le dimanche. Chacun a pu repartir avec un petit sachet de digestat. Le site voisin de la coopérative Bourgogne du Sud était lui aussi ouvert au grand public. Finalement, cet événement aurait presque pu faire partie de la programmation du week-end du patrimoine !

La filière méthanisation en quelques chiffres

Éric Passetti, directeur territorial BFC chez GRDF, a clôturé sa semaine en beauté, avec une troisième inauguration de méthaniseur agricole. BioÉnergie Pierroise constitue ainsi la 5e unité de Saône-et-Loire et la 20e au niveau régional. En sachant que 42 projets sont déposés au registre. L’objectif de GRDF est de développer « un maillage de gaz vert », tout en s’appuyant sur la « multiplicité des énergies » et en travaillant avec le monde agricole. En France, sont actuellement implantés 603 méthaniseurs, produisant au total 11 TWh. La méthanisation assurant 8 % des consommations bourguignonnes, soit 400 GWh.