Fédération des oléoprotéagineux
Interview De Benjamin Lammert, Président De La FOP : « Il faut renforcer la souveraineté protéique de la France »

Le président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP), Benjamin Lammert, revient sur les enjeux stratégiques auxquels la filière oléoprotéagineuse est confrontée : Plan protéines, souveraineté alimentaire, recherche et innovation, protection des cultures… Interview de Benjamin Lammert, président de la Fop.

Interview De Benjamin Lammert, Président De La FOP : « Il faut renforcer la souveraineté protéique de la France »

Comment se présentent les récoltes 2023 en oléoprotéagineux ?

Benjamin Lammert : Dans l’ensemble et à date (mi-septembre, NDLR), les résultats sont plutôt contrastés et moyens. Il n’y aura de record nulle part, ni en colza, ni en tournesol, ni en soja, ni en pois. En colza, les augmentations de surfaces (+11 % à 1,2 million d’ha) ont quelque peu compensé des rendements en baisse, autour de 33 quintaux/ha (q/ha). En tournesol et en soja, nous n’avons pas encore une grande visibilité, mais la récolte s’annonce plutôt timide. Sur le pois, les rendements avoisinent environ 32 q/ha, mais surtout les prix de marché restent assez bas ce qui ne rend pas cette production suffisamment attractive pour les producteurs.

En conséquence, ne craignez-vous pas que la France recoure plus aux importations ?

B.L. : Elles seront limitées sur le colza et sur les autres grains aussi, même si nous continuons d’importer bon an mal an environ 3,5 millions de tonnes de soja. De manière plus structurelle, notre déficit en protéines végétales s’est fortement réduit en 50 ans grâce au développement du colza et du tournesol, mais la France importe encore 45 % des besoins en protéines végétales et l’Union Européenne 70 %. C’est tout le sens de l’action de la FOP d’encourager toujours davantage les productions oléoprotéagineuses pour favoriser la souveraineté protéinique de la France et aller vers des débouchés traçables, durables, de qualité et rémunérateurs.

Sur le volet des substituts végétaux, quelle est votre réaction à la volonté du gouvernement de modifier les dénominations « carnées » ?

B.L. : Le marché des produits végétaux est en croissance et nous accompagnons ce développement de manière mesurée et collective. Nous n’oublions pas que notre première cible est l’alimentation animale pour apporter aux animaux les protéines nécessaires à leur bonne croissance pour faire des viandes de qualité. Pour nous, il n’y a ni débat ni opposition sur les modes de consommation humaine. Nous sommes convaincus que l’intérêt du consommateur est d’avoir une offre large, diversifiée et durable d’aliments sources de protéines, dans laquelle les produits carnés, les protéines animales et les protéines végétales ont tous leurs places. Les agriculteurs disposent des outils et de nombreux atouts pour répondre aux attentes, parfois contradictoires, des consommateurs.

Le plan protéines a été lancé il y a un peu plus de deux ans. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

B.L. : Ce plan a bénéficié d’un financement de 100 millions d’euros (M€) dans le cadre de France Relance et de 55,5 M€ issus de la filière des huiles et protéines végétales alloués à la recherche, au développement, à l’innovation et au transfert. Le plan poursuit son développement avec l’objectif de doubler les surfaces de légumineuses en 2030 et de maintenir 2 millions d’hectares d’oléagineux. Ce plan doit aussi concrétiser les actions menées en termes de recherche et d’innovation. Par exemple, en pois protéagineux les exploitations ne disposent pas de ressources génétiques suffisamment adaptées. Il faut aussi tenir compte du changement climatique, des résistances aux maladies, etc. C’est pourquoi nous accompagnons quatre semenciers qui ont mis leurs moyens en commun pour trouver des gênes d’intérêt, mais aussi des débouchés commerciaux. Ce programme de « pré-breeding » consommera, avec l’appui de l’interprofession, de la filière et des pouvoirs publics, pas moins de 50 millions d’euros sur cinq ans.

Ce plan n’est-il pas trop ambitieux ?

B.L. : Renforcer nos moyens de production est indispensable pour assurer notre souveraineté alimentaire et énergétique. C’est ce que nous essayons de développer à travers ce Plan protéines qui se décline en transition agroécologique à travers, notamment, l’allongement des rotations et le stockage carbone. À travers ce plan, les agriculteurs sont également engagés dans la transition énergétique en fournissant plus de biomasse nécessaire à la production de biocarburants. Enfin, sur le volet de la transition alimentaire, nous travaillons avec les régions, la restauration collective pour introduire plus de légumineuses dans les restaurants scolaires. Ce qu’il faut avant tout, c’est de la cohérence entre toutes ces déclinaisons, avec une attention particulière sur le volet économique pour les agriculteurs.

La profession agricole dans son ensemble est, depuis quelques mois, malmenée sur ses moyens de productions : eau, produits phytosanitaires… Comment le vivez-vous au quotidien ?

B.L. : La Première ministre avait annoncé sur le dernier Salon de l’agriculture un « plan de développement d’alternatives pour les produits phytosanitaires les plus importants ». Les agriculteurs et les interprofessions déjà engagés dans cette transition sont parties prenantes dans les discussions pour structurer la démarche. Cependant, le monde agricole regrette l’opacité, le manque d’informations qui entourent les modalités d’application de ce plan : Par exemple, le gouvernement a dressé une liste de 75 molécules dont il faudrait restreindre ou interdire l’usage. Sur quels critères ? Sur quelles bases scientifiques et empiriques ? La méthode employée nous semble très descendante, peu collaborative et peu concertée. C’est une attitude assez désagréable, je n’ose dire méprisante. Nous attendons de vraies réponses. Il va falloir qu’on nous explique comment nous pourrons décarboner et renforcer notre souveraineté alimentaire sans eau, sans produits phytosanitaires. Nous avons besoin de cohérence. Plus encore quand l’Anses fait cavalier seul sur ce dossier. Ce qui ne manque pas de nourrir l’inquiétude de la profession.

Confirmez-vous que vous allez adhérer à Irrigants de France ?

B.L. : Oui, je vous le confirme. La FOP va adhérer à Irrigants de France, car notre souhait est d’appuyer cette association dans ses démarches. Nous sommes nous-mêmes cohérents puisqu’il n’y a pas d’agriculture sans eau et qu’en France, contrairement à ce que certains veulent nous faire croire, nous n’en manquons pas. L’important est de bien la gérer.