EXCLU WEB : PAC : une réforme qui pose toujours question

L’Association française des journalistes agricoles (AFJA) et l’Association des journalistes européens (AJE) avaient convié, mi-octobre, au siège des Chambres d’Agriculture France, des experts pour débattre de la PAC 2023-2027. Tout n’est pas encore réglé. Loin s’en faut.

EXCLU WEB : PAC : une réforme qui pose toujours question

Quels changements la future PAC va-t-elle apporter ? Comme va-t-elle s’articuler avec le Green Deal ? Quelles sera la place de la France dans ce nouveau dispositif ? Voici quelques-unes des questions auxquelles quatre spécialistes ont tenté de répondre. Pierre Bascou directeur durabilité et aide au revenu à la direction de l’Agriculture de la Commission européenne, a indiqué l’un des objectifs majeurs de la PAC : « accompagner une croissance différente ». Minimisant les conclusions de l’impact d’impact du Centre commun de recherche de la Commission européenne, étude qui prévoit une baisse de la production agricole, des revenus des agriculteurs, une chute des exportations et une hausse des importations, il considère en substance que les estimations de cette étude sont hautes. « C’est un schéma maximaliste », a-t-il soutenu, expliquant que l’objectif de cette PAC 2023-2027 est aussi de « produire mieux pour consommer mieux et que l’agriculteur ait un prix rémunérateur ». Le système de production durable n’est, selon lui, « pas durable et il faut changer de système, de paradigme, car il ne répond plus aux besoins des agriculteurs et des enjeux climatiques ». De plus consommateurs et la société demandent des produits moins issus de l’agriculture conventionnelle. Reste qu’il sera « compliqué d’adapter l’offre à la demande », lui a rétorqué Thierry Fellmann, directeur « Économie, agriculture et territoires », à Chambres d’agriculture France « Vous demandez de produire mieux. Soit. Encore faut-il et faudra-t-il vendre mieux », a-t-il ajouté, inquiet de voir les producteurs bio pénalisés par l’engorgement de leur produits, boudés ces derniers mois par les Français.

 

« Laisser de la flexibilité »

 

« On a tout fait à l’envers dans cette PAC » a renchéri le député européen, Éric Andrieu, par ailleurs premier vice-président de la Commission agriculture. « Il aurait fallu, dès la nomination de la nouvelle Commission tout remettre à part pour mettre les objectifs avant les moyens. Or on a commencé par fixer les moyens, c’est-à-dire le budget et on rafistole des objectifs dessus ». De l’avis des différents orateurs, l’un des sujets majeurs de la future PAC reste son adéquation avec les accords internationaux, qu’ils soient bilatéraux ou dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Autant il est facile pour l’Union européenne de fixer ses règles au sein de son marché intérieur, autant inclure de nouvelles normes qu’elles soient environnementales, agroécologiques, et autres dans les accords de libre-échange ou dans le corpus international (OMC, Codex Alimentarius) « devient nettement plus compliqué », a expliqué Jérôme Brouillet, Secrétaire général adjoint aux Affaires européennes. Les Plan stratégiques nationaux doivent « laisser de la flexibilité dans les politiques publiques pour soutenir les agriculteurs selon les pays », a indiqué Pierre Bascou. Cependant, là encore, l’application des règles prend quelques libertés. Si le PSN français devrait être prêt pour la fin de l’année 2021 afin d’être examiné en 2022, d’autres pays semblent aujourd’hui vouloir repousser l’échéance au 1er avril 2022. Si Pierre Bascou « n’envisage pas de retard », l’Europe ne semble avoir aucun moyen de sanction pour les éventuels retardataires. Si l’on ajoute notamment que cette réforme a déjà pris deux ans de retard ; que la transparence des PSN n’est pas cadrée, que la manière dont ces 28 PSN devront être validés est encore en discussion ; que les députés européens réclament le retour de certaines organisations communes de marché ou encore que l’agroforesterie (lire encadré) reste un parent pauvre de la réforme, on se dit que la PAC 2023-2027 aura décidément été compliquée à mettre en œuvre.

Agroforesterie : un casse-tête administratif

Interpelé sur le sort de l’agroforesterie dans la PAC, Pierre Bascou a répondu qu’une nouvelle stratégie était en place depuis le 16 juillet et qu’elle est l'une des initiatives phares du pacte vert pour l'Europe qui s'appuie sur la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030. Cependant, si la stratégie européenne, « la compétence en revient aux États-membres de l’Union européenne.  Il n’y a pas de budget commun alors qu’il faudrait des moyens dédiés », a insisté le député européen Éric Andrieu. Si les mesures agro-environnementales et climatiques actuelles encouragent l’agroforesterie, encore faut-il que l’administration s’adapte. En effet, « planter des arbres en “interparcellaire” dans les vignes a un impact positif contre le gel et la sécheresse. Mais cela devient un vrai casse-tête administratif sur le plan cadastral pour classer les vignes », a souligné Thierry Fellmann qui au passage demande de faire passer les MAEC de 100 à 120 arbres par ha en raison des pertes qui existent.