Vins de Bourgogne
Le début d’un « bourgogne bashing » ?

Cédric Michelin
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Dans la torpeur de cet été, plusieurs signaux faibles sont revenus aux oreilles des journalistes, réunis par l’Interprofession des vins de Bourgogne le 10 octobre dernier à Beaune (lire notre précédente édition), à l’occasion de la conférence de presse sur le millésime 2023. Si les récoltes 2022 et 2023 ont été qualitatives et quantitatives, la « cherté des » bourgognes a été questionnée à plusieurs reprises. La spéculation des grands crus va-t-elle désormais empêcher toute montée en gamme des autres appellations ? Le BIVB se veut confiant. 

Le début d’un « bourgogne bashing » ?

Le titre de l’édito du sommelier alsacien Romain Iltis, dans la Revue des vins de France le 6 juillet dernier, est limpide : « Prix des bourgognes : Stop ! on ne peut plus suivre… », regrettait le Mof 2012. Un billet d’humeur fustigeant la spéculation qui se serait emparée des grands crus de bourgogne, de certains négociants et de domaines réputés. Romain Iltis citait cet exemple : « Un criots-bâtard-montrachet d’Hubert Lamy vendu l’an passé 1.000 € hors taxe (prix professionnel direct cave), montant déjà énorme, vient de m’être proposé au prix de 2.000 € au restaurant. Soit 100 % de hausse. Certes, nous parlons d’un Grand cru mais à quel prix pourrais-je proposer ce vin dans l’un des restaurants dont j’ai la charge ? », s’interrogeait-il suite à la petite récolte 2021, en raison du gel et des maladies cryptogamiques. Il poursuivait avec d’autres exemples de vins moins « côtés », selon lui, ayant également doublé leur prix sortie cave. Devant cet édito au vitriol, les réactions n’ont pas manqué et la Revue des vins de France a, dès la semaine suivante, déclaré son amour des vins de bourgogne, mais toujours avec une petite pique (plus) discrète, comme l’édito de Jean-Pierre Simond : « On peut encore trouver des bourgognes délicieux et pas (trop) chers ».

65 % de vins accessibles

Le 10 octobre dernier à la Cité des Climats et des vins de Bourgogne à Beaune, les seules questions posées par les journalistes en conférence de presse sur le millésime 2023 ont toutes portées sur la « cherté » des vins de Bourgogne notamment pour les Français et les Bourguignons, si l’on se place du côté de la presse quotidienne régionale (JSL, Bien Public, Le Progrès…).

Visiblement, le service communication du BIVB avait bien anticipé ces questions et la communication de « crise » était déjà bien rodée. Le président du BIVB, François Labet avait d’ailleurs commencé par rappeler dans son introduction que « nos clients achètent le meilleur rapport qualité-prix » et « 65 % de nos vins sont à des niveaux de prix accessibles ». Les chiffres de l’Interprofession sur la baisse des ventes en grandes distributions étaient plus associés à un manque de vins disponibles, la « rareté » du 2021, ou plus ou moins en raison de l’inflation générale et de la baisse du pouvoir d’achat des Français dans un contexte post-Covid et de guerre en Ukraine.

10 % de vins « inaccessibles » ?

Pourtant, Laurent Delaunay, président délégué du BIVB saluait particulièrement ses confrères négociants ayant proposé de « très belles sélections en nombre et avec des prix économiques » lors des dernières foires aux vins d’automne. « Les opérateurs ont fait des efforts pour s’adapter. Une excellente réponse aux questions », des clients sous-entendait-il, différenciant bien les « régionales des grands crus » dans une Bourgogne qui n’est pas « homogène » côté prix. Il soulignait par là aussi que le vignoble de Bourgogne a besoin de reconquérir des marchés perdus faute de vins les années précédentes. Mais il reconnaissait aussi que l’export bat des records en valeur avec un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros sur le seul 1er semestre.

Face à l’insistance des journalistes, les deux présidents martelaient un seul message : « en effet, 10 % des vins de bourgognes, les grands crus, sont très chers, voire inaccessibles, mais 65 % des vins de bourgogne sont à moins de 10 €. Il faut donc en finir avec cette image de vins chers », s’agaçait tout en retenue François Labet. L’histoire ne dit pas donc ce qu’il en est des 25 % restants entre les vins « inaccessibles » et « accessibles ». Le négoce est en tout cas toujours demandeur de vins pour refaire ses stocks cette année et reconquérir des parts de marché. Les premiers échos, malgré de faibles volumes échangés, semblent confirmer des cours du vrac toujours « hauts », des régionales aux communales et 1ᵉʳˢ crus. La vraie question sera certainement l’an prochain en cas de nouvelle belle récolte, est-ce que les marchés des vins de Bourgogne continueront leur progression en volume ou non ? La locomotive des grands crus n’étant plus réellement rattachée aux wagons des appellations régionales. La prochaine vente des Hospices de Beaune risque d’être plus observée qu’à l’accoutumée par les professionnels du vin. Le BIVB continue en tout cas ses opérations de communication et de mise en avant d’appellations "moins connues" auprès des prescripteurs (sommeliers, cavistes…) et communicants (journalistes, influenceurs…).

L’optimisme revient dans le vignoble bourguignon

L’arrivée d’une deuxième vendange abondante consécutive dans les chais est accueillie avec soulagement en Bourgogne où le manque de vin est chronique depuis plusieurs années, ont observé les dirigeants de l’interprofession viticole (BIVB) le 10 octobre dernier. « Cette seconde belle récolte, en nous permettant de refaire solidement nos stocks, va nous redonner quelques marges de manœuvre », s’est félicité François Labet, président du bureau interprofessionnel. « Les entreprises qui le peuvent seront ainsi mieux à même d’envisager une légère détente sur les prix ». La production est attendue dans les mêmes étiages que le généreux millésime 2022, qui avait permis de sortir 1,75 million d’hectolitres, soit un peu plus de 233 millions de bouteilles. Le vignoble bourguignon reste tiré par l’export, dont le chiffre d’affaires a continué de croître en 2023, avec 750 M€ sur six mois. S’ils reculent légèrement sur le premier semestre, les volumes restent supérieurs de plus de 5 % à ceux de la période avant Covid.