Agriculture de Bourgogne Franche-Comté
Un patient asymptomatique

Cédric MICHELIN
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Avec plus de 80 agriculteurs connectés en direct (sur 150 inscrits pouvant voir le replay) à son webinaire régional Fermoscopie Bourgogne Franche-Comté 2020, le CERFrance a lancé, le 12 novembre dernier, le volet introductif de ses analyses comptables par filières à suivre prochainement par département. En cette année de crise Covid-19, ces bilans sont d’autant plus instructifs pour préparer l’avenir.

Un patient asymptomatique

En l’espace de 45 minutes, les analystes et comptables du CERFrance de Bourgogne Franche-Comté sont revenus sur les résultats économiques de la Ferme BFC pour l’année 2020 mais également sur la conjoncture et l’impact du Covid-19, avant un moment d’échange via des questions par messagerie (tchat). Un second temps a permis de parler stratégie, notamment pour envisager « d’atténuer ou de s’adapter » à différentes crises (économiques, climatiques, etc.) même si plus orienté conseil généraliste. Président de CERFrance BFC, Thierry Guillaume insistait sur l’accompagnement par ses équipes et se montrait confiant dans « la capacité d’adaptation et la gestion du risque des entreprises » pour réaliser des projets sur les exploitations agricoles ou viticoles malgré les crises.

Résistant au Covid-19

Impossible de faire le tour de toutes les productions de la région, c’est donc de façon « synthétique » qu’a été fait le bilan des « principales » filières. 
Première analyse, 2020 aura marqué l’arrivée du Covid-19 (et ses confinements) mais il ne faut pas oublier, tant s’en faut, la sécheresse et de nombreux débats sur l’agriculture. Cette dernière s’installe comme un thème majeur de nos sociétés, en bien (secteur de première nécessité…) ou en mal (polémiques médiatiques…). « Après une rupture brutale des modes de consommation de nos concitoyens avec le Covid et après l’inquiétude de voir les filières s’effondrer, l’agriculture a montré qu’elle était capable de nourrir le pays en temps de crise, et très vite, les volumes d’achats des ménages se sont maintenus et ce qui n’était pas consommé hors domicile l’était dans les grandes surfaces », schématisait Mathilde Schryve, responsable des études économiques, n’ayant pas le temps de rentrer non plus dans le détail de tous les circuits de vente. Les achats de surgelés ont par exemple bondi de +29 % ou encore le rayon crémerie de +17 % en GMS. En revanche, morbier, volailles de Bresse… et d’autres n’ont pas réussi à faire « la bascule » d’un circuit de distribution à un autre en urgence. Autre nuance, maintien des volumes n’a pas toujours rimé avec maintien des cours et de la valeur (steaks hachés à partir de morceaux nobles…).

Variable selon les filières

Première grande filière analysée, la production céréalière. Les cours du blé ont augmenté après la moisson et restent au-dessus des 200 €/t. En lait standard, une baisse des cours s’est fait ressentir « mais de façon moins sévère que dans d’autres pays en raison des contrats avec nos laiteries – moins exposées au marché beurre-poudre - et en fonction de leur mix-produit ». Là aussi, la capacité de la laiterie à "basculer" ses produits de la restauration aux grandes surfaces a joué. Enfin pour la viande, l’évolution des cours est « contrastée entre les femelles d’une part et les mâles de l’autre ». Les femelles grasses vendues en France ont connu une forte demande avec des vaches R vendues à plus de 4 €/kg. Au contraire, les mâles - JB notamment à l’export – ont dévissé, ainsi que les broutards. Et ce non pas au premier, mais au deuxième confinement avec des cours à la baisse suivant le moral des Italiens.
En guise de conclusion, Mathilde Schryve filait la métaphore médicale en posant le diagnostic suivant : « l’agriculture de BFC est finalement un patient relativement asymptomatique au Covid », en comparaison avec d’autres secteurs d’activité (restaurateurs, cafés, etc.). Ce qui pose question à moyen terme…

Crises insidieuses

En revanche, l’agriculture a été bien plus frappée par la « crise climatique », sécheresse en tête. « L’automne 2019 très sec a rendu difficile l’implantation des colzas puis le printemps et l’été 2020 ont été à nouveau extrêmement secs et défavorables aux cultures », prairies comprises. L’élevage devant également faire face à « une surcharge de travail d’affouragement et d’abreuvement ». « L’année est d’autant plus catastrophique que ce phénomène est insidieux dans certains systèmes qui connaissaient déjà des baisses tendancielles des revenus depuis une dizaine d’années ».
C’est le cas du système bovin allaitant. Préalable statistique, le CER a considéré que « la baisse du prix des broutards était compensé par la hausse des femelles vendues grasses », faisant que le système allaitant reste stable comparativement à l’an dernier, avec toujours autant de charges (65.000 €) et d’aides (représentant 1,5 EBE). Le résultat courant par travailleur (UTAF) continue néanmoins de baisser (9.100 €/UTAF contre 11.900). Du coup, les mesures d’urgence s’inscrivent de plus en plus dans la durée (prêts à court terme, dettes fournisseurs…). Pour tenter de faire face, la dernière tendance est maintenant à « reprendre des terres, sans faire grossir le cheptel pour enrayer la baisse de productivité des prairies ».

40 % des céréaliers à risque

Touchés de plein fouet également par le changement climatique, les rendements 2020 en grandes cultures ont plongé (-8 % en blé ; -33 % en maïs par rapport moyennes quinquennales). Si les cours sont actuellement hauts, il n’en était pas de même après les moissons avec des « analyses baissières » à l’époque faisant que les opérateurs ont vendu majoritairement (besoin de trésorerie) avant la remontée des cours. Pour tenter de limiter la casse (-28.000 € de produits), les céréaliers ont réduit leurs apports d’intrants (azote, phytos…) mais à hauteur de 4.000 € environ, loin de compenser donc. Au final, l’EBE passe de 57.000 € à 32.500 €. Avec les investissements en cours, le résultat courant vire au négatif à -7.000 € en 2020, en repli de 24.900 € (17.700 € en 2019). À nuancer évidemment selon la zone (faible potentiel ou en plaine) mais 40 % des exploitations de grandes cultures sont considérés en risque financier moyen à élevé par le CER.

Le lait plombé par les cultures

Dernier système présenté, les producteurs de lait de plaine connaissent aussi une même augmentation de leurs charges de travail que leurs confrères allaitants. Les volumes produits en plus (+2 %) viennent compenser la baisse de -2 % des cours en local. Au final, le résultat courant est quand même en baisse de -7 % (35.700 €) en région mais de -30 % sur la seule Bourgogne qui finit à 12.000 € de résultat courant par UTAF contre 17.500 €/UTAF en Franche-Comté (stable). Il n’est pas ici question de lait AOP (Comté…). La différence se fait au niveau de l’atelier grandes cultures en grande partie. Des défis attendent ce système lait, notamment vis-à-vis « du poids » des investissements actuels qui peut se voir « comme un acte de foi en l’avenir ou comme une bombe à retardement », pour « passer des caps sans fermer de portes à l’avenir » (épandage, pâturage…).
En guise de conclusion, le CERFrance BFC rappelait « que face aux changements (climatique, sociétaux…), il est normal d’être dans le déni ou d’avoir peur des changements qui se dessinent mais on a déjà des agriculteurs qui ont passé ces caps, qui sont dans une phase d’adaptation », concluait le CER qui invitait chacun à se faire accompagner par son comptable et les autres OPA.