L’autonomie viticole de la France ? Elle est a priori sans aucune équivoque. En 2018, les importations françaises de vin représentaient quelque 860,8 millions d’euros pour une production estimée à 14,4 milliards d’euros. Mais ce préalable important étant admis, il est aujourd’hui nécessaire de se poser la question du degré d’autonomie de la filière française... dans tous les facteurs qui ont concouru à l’élaboration de ce produit dans lequel la France excelle. 

Une affaire très française

En effet, si la provenance de son contenu ne fait aucun doute, - il est identifié par son terroir d’origine - le contenant (verre, bouchons et étiquettes) de la bouteille de vin française se révèle surtout français, mais aussi un peu européen. Quant aux matériels qui ont permis la fabrication du vin, ils sont souvent produits en France et en Italie. « Un certain nombre de fournisseurs de matières sèches ou de machines sont effectivement localisés dans d’autres pays que la France », fait remarquer Anne Haller, directrice de La Coopération agricole - Vignerons coopérateurs. Ce que l’on appelle « matières sèches », ce sont les autres composantes que le vin qui sont commercialisées autour de ce produit. On parle là de la bouteille, du bouchon, des étiquettes ou encore des caisses en carton.
À ce sujet, Anne Haller tient à préciser que « globalement, notre dépendance hors Europe est faible. Les fournisseurs sont nombreux à être situés en France et en Europe ».

Génétique et plants français

Dans le vin français, on constate aujourd’hui que la génétique demeure très majoritairement hexagonale. « La quasi-totalité des vignes qui sont plantées en France (environ 98 %) est issue de la sélection française. Avec 1.300 clones de vignes et 300 variétés, nous avons l’offre la plus diversifiée de tous les pays viticoles », affirme Jean-Pierre Van Ruysk, directeur général de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Les plants de vigne multipliés par les pépiniéristes puis achetés par les viticulteurs sont eux aussi très majoritairement français. Le fait qu’ils soient d’une qualité sanitaire particulièrement rigoureuse et qu’ils fassent l’objet d’un contrôle draconien joue sans doute beaucoup dans ce choix du marché. « Presque tout ce qui est planté vient de pépinières qui multiplient et greffent en France. Quand les vignerons achètent des plants, ils doivent les déclarer aux douanes », témoigne Nicolas Richarme, président de l’association interprofessionnelle Sudvinbio.

Matériels et tonneaux également tricolores

En ce qui concerne le matériel nécessaire à la fabrication du vin, il est lui aussi généralement français. Le nom de Pellenc, célèbre fabricant de matériel vinicole français, est d’ailleurs présent dans toutes les régions viticoles du monde. Pour le matériel de cuverie, les pompes sont certes souvent italiennes mais Pellenc est là encore positionné sur ce créneau. On n’omettra pas de citer un grand nom du pressurage et des matériels de membranes et d’osmose inverse : le groupe angevin Bucher Vaslin, leader mondial dans le matériel de vendange.
Enfin, les fleurons mondiaux de la tonnellerie sont eux aussi basés en France. À tel point qu’ils réalisent 68 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation, principalement vers l’Italie, l’Espagne, les États-Unis et l’Australie, tout en s’approvisionnant principalement en bois issus des forêts de l’Hexagone.

La bouteille, française du sable au verre

Pour ce qui est de la bouteille, la filière n’a pas d’inquiétude à avoir même si la fermeture temporaire d’une usine de production de bouteilles de vin d’Alsace en avril est venue poser la question de la règle du format obligatoire. « L’approvisionnement en bouteilles est très majoritairement français et nous utilisons beaucoup de verre recyclé », souligne Jacques Bordat, président de la Fédération française des industries du verre. Selon lui, l’industrie française fournit 70 % de la demande de verre pour l’emballage alimentaire français et la proportion demeure sensiblement la même pour ce qui est des bouteilles de vin. La production du verre français est quant à elle totalement autonome : « 65 % de notre matière première est fournie par le calcin, du verre brisé provenant des conteneurs de recyclage et des déchets de fabrication ». Le sable est quant à lui issu à 100 % de carrières situées en France. Par ailleurs, « on trouve aussi des usines de production de bouteilles à l’intérieur ou à proximité des principaux vignobles français », complète le président de la Fédération des verriers français.

Du liège... portugais

Pour les bouchons, l’industrie est en grande partie portugaise avec notamment le groupe mondial Amorim qui est très présent dans les bouchons des bouteilles françaises. Le liège est d’ailleurs récolté à plus de 80 % sur des chênes-lièges portugais. Mais cela n’empêche pas pour autant des initiatives locales de fleurir avec l’objectif de développer la production de liège en France. L’entreprise Diam Bouchage, filiale du groupe Œneo basé en Nouvelle-Aquitaine, soutient la filière du liège français dans les suberaies (forêts de chênes-lièges) du Var, des Pyrénées-Orientales, des Landes et de Corse en garantissant l’achat à prix fixe du liège produit par les exploitants.
D’après la Confédération des vignerons indépendants, Diam encourage aussi plusieurs programmes de replantation. L’entreprise fabrique depuis 2017 des bouchons dans lesquels le liant qui baigne le liège est biosourcé. C’est un mélange d’huile de ricin, de cire d’abeille et de polyols issus de sucres végétaux. Pour autant, l’huile de ricin est généralement produite en Inde.

Une étiquette très frenchy

Dans le domaine de l’étiquette, les grands fournisseurs sont également français. Le groupe Autajon, leader français de l’étiquette, réalise 620 millions d’euros de chiffre d’affaires et dispose de six sites de production implantés dans les régions emblématiques de la viticulture française : Provence, Champagne, Bordeaux, Loire et Bourgogne. « Les vignerons ont tous sur leur bassin de production un partenaire de proximité hyper fiable et réactif », se félicite la Confédération des vignerons indépendants.
Le secteur viticole, structuré depuis plus d’un siècle en France, a aussi permis l’éclosion d’un secteur de la cartonnerie pour l’emballage des bouteilles. Le groupe international Smurfit Kappa compte 5.400 collaborateurs répartis sur 52 sites de production dont quatre papeteries. « Nos usines ont un rayon d’action qui le plus souvent ne dépasse pas les 200 km. C’est pourquoi nos sites sont répartis sur tout le territoire français », fait remarquer Dominique Lagarde, directeur des cartonnages de Smurfit Kappa.