Dumping sanitaire et environnemental
Des mesures miroirs pour en finir

Cédric MICHELIN
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Avec l’aimable autorisation d’Interbev, nous reproduisons la tribune que l’interprofession bétail & viandes a fait paraître dans Le Monde du 25 octobre dernier. Cette tribune a été cosignée par des parlementaires de tous horizons, dont les deux eurodéputés de Saône-et-Loire, Jérémy Decerle et Arnaud Danjean, ainsi que par des représentants d’organisations et associations.

Des mesures miroirs pour en finir
En juillet dernier, Interbev et eurodéputés avaient justement poussé les clauses miroirs lors d’une visite à Écuisses, avec l’aide de la fondation Nicolas Hulot et l’Institut Veblen, démontrant que le sujet est transpartisan.

« Nous partageons un constat. Les agriculteurs sont soumis à des distorsions de concurrence vis-à-vis des importations de nos partenaires commerciaux qui limitent la transition de l’agriculture européenne vers plus de durabilité : les produits agricoles que nous consommons en Europe ne respectent pas toujours les mêmes règles selon qu’ils soient produits au sein du marché européen ou importés. Certaines méthodes de productions (utilisation de farines animales, recours à des antibiotiques comme activateurs de croissance) strictement interdits dans l’élevage européen doivent par conséquent faire l’objet de mesures strictes de réciprocité et de contrôles des produits importés, tels que le bœuf qui nous vient du Brésil ou du Canada par exemple. De même les tomates, les poireaux, les lentilles ou les oranges importés, ne devraient en aucun cas être traités avec des pesticides interdits dans l’UE en raison de leur dangerosité pour la santé ou l’environnement.

Sans la mise en place de telles mesures miroirs, du point de vue des agriculteurs, la situation est absurde. Alors même qu’ils peinent trop souvent à dégager un revenu décent, faute de prix suffisamment rémunérateurs, ils ne peuvent se trouver dans le même temps exposés à une concurrence déloyale avec des produits importés moins disant sur le plan sanitaire, environnemental et en matière de bien-être animal. Alors même que nous devons privilégier un modèle d’élevage familial et herbager, sans commune mesure avec certaines fermes usines américaines de plusieurs milliers de bovins engraissés de manière industrielle, l’Europe se doit d’apporter aux paysans cette protection essentielle. Du point de vue du consommateur européen, l’absence de mesures de réciprocité efficaces apparaît ubuesque alimentant des sentiments d’incompréhension ; le risque étant également que son choix se porte vers des produits loin de nos standards.

Ce système de deux poids deux mesures menace directement l’atteinte des objectifs environnementaux et climatiques définis dans le Green Deal et la stratégie européenne "de la fourche à la fourchette". Disons-le clairement, maintenir un tel système c’est limiter la transition vers une agriculture européenne plus durable. Comment convaincre les agriculteurs européens de réduire l’utilisation des pesticides ou des antibiotiques d’ici 2030, si les interdictions ne s’appliquent pas aussi de manière intégrale aux produits d’origine étrangère importés en Europe ? Comment convaincre même les consommateurs de privilégier des produits européens issus d’une agriculture plus durable face à des produits importés à un prix moindre mais au coût environnemental plus élevé ?

C’est finalement l’intégrité et la cohérence des politiques agricoles et environnementales européennes qui sont en jeu. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les impacts sur la santé, le climat et la biodiversité générés par notre alimentation au-delà de nos frontières. Ce débat a émergé fortement avec l’examen des accords de commerce tels que le Ceta ou le projet d’accord UE-Mercosur. Parce qu’ils réduisent les barrières douanières sur les produits agricoles sans imposer le respect strict des normes européennes, ces derniers encouragent ces importations low-cost.

L’UE constitue pour le reste du monde un marché immense et porteur de 450 millions de consommateurs à pouvoir d’achat élevé. Elle est en capacité de fixer des règles pour les produits importés, équivalentes à celles qui s’appliquent pour les producteurs européens. Et rien ne l’empêche de le faire, si ce n’est un déficit d’ambition européenne partagée. Il en va de la confiance et de la promotion du modèle agricole européen et de la réussite de la transition écologique. Ce chantier doit être une priorité pour la présidence française de l’UE au premier semestre 2022.

Nous, députés des quatre principaux groupes politiques du parlement européen, responsables d’ONG environnementales, présidents de syndicats et d’interprofessions agricoles, croyons à une Union Européenne forte, qui assume pleinement son rôle de leader pour lutter contre le dérèglement climatique, protéger la biodiversité et réguler la mondialisation. Mais pour y arriver nous sommes tout autant convaincus qu’elle doit s’en donner pleinement les moyens. Cessons d’importer des produits dont nous ne voulons pas, la mise en place de mesures-miroirs est une condition majeure pour y arriver. Aussi dans les prochains mois nous nous efforcerons de mettre fin aux divergences réglementaires qui existent à chaque fois que cela sera possible, dès qu’une opportunité se présentera, dans l’ensemble des textes législatifs sur lesquels nous serons amenés à travailler. Et nous nous opposerons sans aucune ambiguïté à l’accord de commerce en cours de discussion avec les pays du Mercosur tant que cet accord n’intégrera pas, dans sa conditionnalité, toutes les mesures miroir visant à protéger les standards sanitaires et environnementaux exigés par les consommateurs européens.

C’est cette même règle de réciprocité des normes de productions que nous souhaitons désormais voir appliquée dans tous les accords commerciaux et, à terme, vis-à-vis de l’ensemble des importations de produits agricoles. »

 



Signataires :

 

Députés européens :


Sylvie GUILLAUME (S & D)

Anne SANDER (PPE)

Marie-Pierre VEDRENNE (Renew)

Éric ANDRIEU (S & D)

Benoît BITEAU (Greens)

Arnaud DANJEAN (PPE)

Jérémy DECERLE (Renew)

Raphaël GLUCKSMANN (S & D)

Emmanuel MAUREL (GUE / NGL)

 


Fondation Nicolas Hulot, Institut Veblen, Interbev :

 


Mathilde DUPRE, Institut Veblen

Bruno DUFAYET, éleveur, président de la Commission enjeux sociétaux d’Interbev

Samuel LERÉ, responsable plaidoyer, Fondation Nicolas Hulot