Festival du Bœuf
Frédéric Paperin : « cette année le Festival du Bœuf inaugure un espace dégustation »

Ariane Tilve
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Après deux années atypiques, le Festival du bœuf revient samedi 3 et dimanche 4 décembre au Parc des expositions de Charolles. Outre le traditionnel concours réservé aux bovins, cette édition sera marquée par des nouveautés que nous dévoile Frédéric Paperin, directeur de l’institut du Charolais.

Frédéric Paperin, directeur de l'Institut du Charolais.
Frédéric Paperin, directeur de l’Institut du Charolais.

Pouvez-vous nous parler de la grande nouveauté de cette année, l’espace dégustation qui se trouvera dans le même hall que le concours de boucherie ?

Frédéric Paperin : En effet, d’un côté, nous avons le concours bovins et de l’autre le concours d’apprentis bouchers, qui existe depuis plusieurs années. 2022 étant l’année de la gastronomie, nous avons créé un espace dédié à la valorisation et baptisé le pôle viande. Notre objectif est d’aller plus loin dans la découverte des viandes et de nous rapprocher du consommateur qui, lui, n’achète pas de bête en carcasse, mais des pièces et une recette lorsqu‘il va chez son boucher. Nous avons un nouveau partenariat avec une société qui commercialise du matériel de cuisson pour remettre au goût du jour les morceaux de viandes oubliés, comme le bourguignon, le braisé ou le pot-au-feu que l’on a délaissé ces dernières années. Ces pièces nécessitent des cuissons longues, alors que l’on ne consacre plus beaucoup de temps à la cuisine. Aujourd’hui, nous pouvons revisiter ces viandes-là et la technologie nous aide à y parvenir. Par exemple, plutôt que de faire un bourguignon mijoté, il est possible de faire des cuissons lentes ou basse température et redonner une autre destination culinaire à ces muscles. Ce qui est aussi intéressant, c’est de montrer qu’avec ces mêmes morceaux, il n’est pas obligé de faire uniquement du bourguignon. Il est possible de l’utiliser dans des burgers, en effiloché.

C’est un nouvel évènement du festival ?

F. P. : Le Festival du Bœuf est un agglomérat d’évènements. C’est un concours d’animaux d’exception, un concours de boucherie et, pour la troisième fois, nous organisons un concours de viande d’excellence, qui se prépare en amont, mais dont les prix sont remis durant le festival. Nous faisons rêver les éleveurs avec des animaux d’exception, le monde de la boucherie avec des carcasses et des muscles, et maintenant le consommateur avec des plats cuisinés.

La dimension gastronomique a plusieurs fois été tentée par le Festival du bœuf, sous forme de concours culinaire notamment, mais nous ne sommes jamais allés jusqu’à l’animation, la dégustation de viande élaborée. La viande grillée oui, mais pas plus loin. En proposant ce dernier élément, nous couvrons l’ensemble des trois grands blocs de la filière que sont l’élevage, l’abattage et le travail du boucher, puis le cuisinier.

Vous évoquez le concours des apprentis bouchers qui jouit aujourd’hui d’une véritable renommée…

F. P. : L’Institut charolais a organisé ce concours d’apprentis bouchers et l’a adossé à un évènement comme le Festival du Bœuf. Il y a cette année 25 écoles inscrites à ce concours qui disposera de quatre vitrines. J’en profite pour rendre hommage à Yves Durand qui a porté ce concours et nous a quittés en début d’année. Un concours que nous avons fait grandir et que nous plafonnons à 25 équipes. Nous envoyons à l’ensemble des écoles françaises les modalités d’inscription et nous arrivons très bien à remplir le nombre d’équipes requis. Certaines, dont les trois écoles suisses qui avaient l’habitude de venir, n’ont pu le faire cette année pour des raisons d’organisation. D’autres estiment qu’elles n’ont pas d’élèves à la hauteur pour cette édition. Le niveau attendu est donc très intéressant. C’est le premier concours auquel les jeunes participent. C’est un peu l’antichambre des Meilleurs artisans de France (Maf). Une école, qui participe à notre concours, m’a confié qu’elle voulait voir in situ comment ses élèves se comportent pour gérer la pression et le niveau d’exigence attendu. Nous avons également l’équipe de France qui va venir nous rendre visite. Pour la profession, c’est assez significatif d’avoir des représentants de cette équipe, dont des médaillés d’or au concours mondial de Sacramento (États-Unis d’Amérique), en septembre dernier. C’est une forme de reconnaissance pour notre concours. Au cours des dernières années, plus de 400 apprentis bouchers sont passés à Charolles et sont aujourd’hui présents dans les concours, dans leurs boucheries ou encore sur leurs étals.

Ce concours d’apprentis bouchers dispose d’une étape plutôt inattendue ?

F.P. : Grâce au concours de bovins vifs, nous faisons visiter la travée, avec les bêtes, aux apprentis bouchers sous l’œil du syndicat des marchands de bestiaux. Cette visite guidée permet aux participants d’apprendre l’ensemble des critères qui entre en jeu pour sélectionner les animaux. Il s’agit de deux approches très similaires, si ce n’est qu’une activité est ante mortem et l’autre post mortem. Nous leur expliquons donc comment ces professionnels arrivent à évaluer la qualité bouchère sur des bovins vifs en évaluant la qualité d’engraissement, la finesse des os, de la viande. À la fin de cette visite, on les met au défi de sélectionner quelques animaux et de les classer. C’est une invitation à leur faire prendre conscience que la qualité de l’animal passe par la qualité de l’éleveur. Cela nous permet aussi d’expliquer que, lorsqu’un boucher reçoit une carcasse, donc sa matière première, cela correspond à peu de chose près au produit fini de l’éleveur qui lui a passé entre trois et six ans à façonner son animal, voire plus si l’on intègre le travail de sélection et l’expérience acquise au cours de sa carrière.

Le Festival du Bœuf est un peu le laboratoire nature de l’évolution d’un produit de sa naissance à l’assiette ?

F. P. : Pendant longtemps, le consommateur était dans un acte d’achat assez sommaire avec, pour premier critère, des valeurs endogènes spécifiques au produit, c’est-à-dire tout ce qui entre dans la qualité et l’appréciation gustative du produit comme la tendreté, la couleur, la jutosité. Depuis ces dix dernières années, on cherche en plus des valeurs exogènes, extérieures au produit, qui racontent une histoire et qui donnent des informations. C’est, pour certains, devenu un acte citoyen que de choisir certains types de produits. Ce n’est d’ailleurs pas spécifique à la viande. Il y a de nouvelles attentes et les cahiers des charges se sont construits par rapport à cette évolution, ce qui aboutit à une multitude de labels. Avec l’arrivée du Covid, qui a également participé à modifier les comportements d’achat, on se rend compte qu’il y a beaucoup plus d’attentes des consommateurs, auxquelles notre filière répond. Prenons l’exemple du bien-être animal, qui n’était pas un critère, ou encore le bien-être de l’éleveur qui doit être rémunéré à sa juste valeur.