Agro-environnement
Un matériau pour les litières et l'énergie obtenu à partir du bois des haies

Frédéric RENAUD
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Le Département de Saône-et-Loire, engagé dans la préservation de l’environnement et positionné aux côtés des agriculteurs, a organisé sa première édition du forum "Agriculture et changement climatique". Une des escales 2022 se déroulait chez Bruno Charbonnier, à Bourbon-Lancy, qui exploite ses haies comme ressource pour son élevage allaitant, son habitation et un gîte rural. C’est « le choix d’un modèle d’agriculture plus résilient » pour Catherine Amiot, la vice-présidente du Département en charge de la transition écologique et du plan environnement.

Un matériau pour les litières et l'énergie obtenu à partir du bois des haies
Bruno Charbonnier, 62 ans, installé depuis 30 ans à Bourbon-Lancy, a choisi d’exploiter le bois issu des haies de ses parcelles. Les plaquettes servent de litière pour ses vaches allaitantes et de combustible pour chauffer deux maisons.

« La bonne durée pour exploiter une haie, c’est de 15 à 20 ans. Ce qui permet de récolter, chez moi, en moyenne 37 stères au kilomètre, ce qui représente 30 à 35 mètres cubes aux cent mètres. C’est variable, en fonction du climat et du sol ; nous avons constaté un ralentissement de la croissance de 2017 à 2020, pendant des années chaudes », décrit Bruno Charbonnier. « Nous sommes dans une région bocagère et nous avons beaucoup de haies. Moi aussi, j’en ai arraché dans le cadre de la mécanisation des parcelles ou parce que leur présence causait des problèmes. Avant, les anciens les laissaient monter, sans tailler à un mètre de haut ! »

Aujourd’hui, il faut retrouver les techniques pour produire ce bois déchiqueté. « Pour laisser monter les haies, il faut gérer ce passé. À force de tailler les haies en carré, une sélection des essences s’est opérée ; les arbres taillés chaque année ont disparu ! Alors, les premières années, des végétaux indésirables s’invitent dans la haie. Il faut donc les couper au pied, après les avoir laissés grandir. Ainsi, la haie arborée se fortifie et repart nettement mieux », explique Bruno Charbonnier.

Sa ressource se compose surtout de charmilles et de vernes. « Aujourd’hui, j’ai des haies qui ont 20 ans, avec de la charmille, qu’on utilisait beaucoup avant pour se chauffer. C’est un bois dur qui tient bien la montée et qui produit de bons volumes en 15 ans », précise l’éleveur qui utilise aussi les vernes. « Avant, je les taillais ; maintenant, je les laisse pousser. C’est un arbre avec les pieds dans l’eau et une croissance importante, qui devient exploitable en 12 ans, avec des tiges de 20 centimètres de diamètre. »

Du bois pour la litière !

Tout ce bois, Bruno Charbonnier l’utilise dans ses stabulations. « Avant de rentrer mes vaches, j’en pose une couche de 10 à 15 centimètres. Ce qui évite de pailler pendant 2 ou 3 semaines. Après, je rajoute un peu de plaquettes puis de la paille, ce qui produit un mulch », décrit l’éleveur. Pour lui, une sous-couche de plaquettes, pas trop épaisse, « forme une éponge et stabilise la litière. Le bois déchiqueté ne remplace pas la paille, mais permet des économies. Il faut en limiter la quantité, sinon cette litière fait tampon et la matière du dessous reste sèche. »

Le choix de ce paillage n’est pas dû à un manque de paille, « car j’en produis avec mes céréales. Mais je recherchais cette économie, parce que la paille reste un poste de dépense important, dont le montant a fortement augmenté (100 € la tonne aujourd’hui contre 25 à 30 € auparavant). Avant, la paille, c’était un sous-produit ; désormais, elle sert dans beaucoup de domaines, pour des granulés, mais aussi pour l’isolation. Toutes ces utilisations expliquent le renchérissement de la paille ».

Du bois énergie aussi

Le bois déchiqueté est utilisé depuis 20 ans sur l’exploitation de Bruno Charbonnier. « À l’origine, il était destiné à la chaudière. Il y avait eu un choc pétrolier et une aide du Gouvernement m’avait décidé pour l’acquisition d’un modèle pour chauffer ma maison ainsi qu’un gîte voisin », explique l’agriculteur qui poursuit. « Quand on déchiquette du bois, n’importe quelle essence convient, même du sapin, des douglas. Certains pensent que les plaquettes de chêne ou de bois noble sont meilleures pour la combustion. Il me semble que ce système permet de valoriser des espèces de moindre valeur, comme les vernes, bouleau, ou tremble, donc des bois tendres. Leur avantage, c’est que le débit augmente et qu’ils réduisent la consommation du déchiqueteur. Car les bois nobles comme le chêne sont plus exigeants pour les machines. »

Quels parcours techniques ?

Ce choix ne donne pas plus de travail, selon Bruno Charbonnier qui disposait d’un hangar de stockage. « Quand je produis les plaquettes, je fais des chantiers importants pour avoir au moins deux ans de stock, pour le chauffage et le paillage. Soit entre 300 et 400 mètres cubes par chantier ».

Avec un fonctionnement saisonnier : « le bois pour les plaquettes est coupé en mars, avec un grappin-coupeur, avant que la montée en sève. La récolte est placée en tas et je la broie en juin ou juillet, après un premier séchage, incomplet. Je stocke alors mes plaquettes en tas. Les plaquettes peuvent être utilisées l’année suivante, sans intervention », poursuit Bruno Charbonnier, qui signale un temps de travail réduit. « Ces 400 mètres cubes me demandent deux journées de travail : la première pour la récolte ; la deuxième pour le broyage, avec deux collègues pour la rotation des remorques ».

Pour réaliser ses plaquettes, des matériels spécifiques sont nécessaires, « avec la Cuma de Saône-et-Loire qui dispose d’un grappin coupeur, avec un coût d’environ 140 € de l’heure (en 2021) et le broyeur de la Cuma de l’Allier pour 380 € de l’heure. Il faut donc prévoir des beaux chantiers, pour justifier la dépense. En général, je fais apporter 80 à 100 mètres cubes par heure, quand le chantier est bien organisé. Ça représente 4 € par mètre cube pour déchiqueter le bois puis 2 € pour la manutention et le grappin coupeur. Soit environ 6 à 7 € du mètre cube. »