2012 : il manque 30.000 hl !
Bourgogne tend à manquer, tant en stock qu’en surfaces engagées. Quelles
solutions envisager à cette situation ? Réponse de l’Union des producteurs et élaborateurs de Crémants de Bourgogne.
Mais cette phase de croissance va mécaniquement toucher à sa fin du fait d’un « manque de produit », prévient Pierre du Couëdic, le directeur de l’Union. En effet, les faibles récoltes, notamment en 2012, « n’ont pas suffisamment répondu aux besoins et cela commence à se ressentir sur l’approvisionnement des marchés ». 2012 aura simplement permis de produire 109.000 Hl de vins de base déclarés. « Il va manquer 30.000 Hl par rapport aux dernières sorties annuelles moyennes », regrette le directeur.
12 mois minimum
D’autant qu’à cette tension commerciale vient se rajouter de nouvelles contraintes réglementaires. Les opérateurs doivent désormais patienter avant de libérer leurs vins. Inscrit dans le cahier des charges de l’ODG, le délai avant une mise sur le marché est passé de 10 à 11 mois au minimum et « dès le 1er décembre 2013, montera à 12 mois », générant un temps de stockage supplémentaire.
La conjoncture de ces deux phénomènes fait qu’aujourd’hui les commandes et livraisons se font quasiment en flux tendus. Dès lors, la crainte est de voir certaines demandes non honorées.
Le négoce sera très demandeur
Pour éviter ces situations et conserver les clients qui pourraient être tentés d’aller s’approvisionner en vins effervescents ailleurs - notamment Italie ou Espagne -, l’UPECB cherche à mieux cerner le potentiel de production sur le long terme. Pour se faire, l’ODG permet aux opérateurs - depuis 2009 - d’affecter une partie de leur parcellaire. « Historiquement, en mettant de côté les engagements par contrats, le crémant était une AOC par opportunité : les vignerons se décidant parfois à la veille des vendanges. Cela permettait bien sûr un pilotage souple de l’exploitation. Mais cela avait aussi des conséquences sur la gestion de toutes les appellations de Bourgogne », rappelle Pierre du Couëdic. « Ce système permet en théorie d’écrêter les variations des volumes et donc les fluctuations des cours ».
Sauf qu’en 2013, les cours ont grimpé pour atteindre une moyenne à 520 € la pièce (à moduler selon les cépages) et « devrait se maintenir puisque le négoce va être encore très demandeur », avance l’UPECB, qui est cogérée par les deux familles professionnelles depuis 1976. Quand sera-t-il des surfaces engagées au final ? Le 31 juillet, date à laquelle les vignerons peuvent s’engager ou dégager leurs parcelles destinées à des vins de base crémants, ou affecter de nouvelles parcelles jusqu’à la veille des vendanges mais avec un rendement moindre ?
Approvisionnement dans le Rhône
Pour l’heure, 2.228 ha sont affectés dans la Bourgogne, tous vignobles compris « sans exception du Rhône ».
Après la tempête du mois dernier, le Chatillonais pourrait avoir subit jusqu’à 20 % de pertes sur la prochaine récolte, vignoble traditionnellement dédié. La Saône-et-Loire à elle seule représente 38% des apports et reste le 1er département producteur. Fait nouveau cependant, pour la première fois en 2012, le cépage chardonnay a dépassé le pinot noir sur cette appellation autorisant les assemblages.
Les réserves totalement libérées
Après l’affectation parcellaire, la mise en place de réserves interprofessionnelles en 2008 – avec des rendements plus élevés – a incité les vignerons à produire des Crémants de Bourgogne. « Avec la récolte 2012, les réserves ont été complètement libérées » et tout est à recommencer donc. Cela a néanmoins permis de produire 10.000 Hl en plus depuis sa mise en œuvre.
Mais la plus grande « victoire » de l’UPECB est semble-t-il d’avoir obtenu – où plutôt réobtenu – l’autorisation de l’INAO de pouvoir gérer et octroyer des contingents de plantation. Au printemps 2014, l’UPECB aura donc un contingent de 20 ha en droits externes et 38 ha au total. « Cela permettra un principe d’équité entre tous les opérateurs et ODG issus des quatre départements de production ». Surtout, l’UPECB espère voir ainsi naitre un « vignoble dédié » adapté à des manières spécifiques de travailler (plantation, densité, clones, porte-greffes…). « Le critère prioritaire est d’ailleurs le choix des clones autorisés qui ne se retrouvent pas dans l’AOC Bourgogne, protégeant aussi cette régionale », d’éventuelles replis de dernières minutes, avec des rendements forts différents (60 hl/ha en Bourgogne rouge contre 78 hl/ha en Crémant de Bourgogne sans la réserve).
Des hausses de +8 à +12% par col
« En ce moment, on assemble le puzzle que l’on a constitué il y a 5-6 ans et qui faisait même suite au séminaire de mai 2000 au château de Pierreclos », se réjouit analyse Pierre du Couëdic. Avec une image et une identité fortement promues en aval, celles de "grands vins", l’UPECB a mis en place - dès l’écriture de son cahier des charges - les conditions de la réussite des Crémants de Bourgogne : contrôles sous certification (Certipaq), double dégustation obligatoire sur tous les lots avant la mise en marché, observatoire économique, travail sur l’identité et le positionnement de l’appellation…
« A l’avenir, il faut envisager la valorisation – quitte à sortir de certains marchés de prix ou promotionnels – pour progresser en valeur, via les restaurants gastronomiques par exemple ». En cela, l’UPECB rejoint totalement la stratégie du BIVB cherchant la montée en gamme des appellations régionales prévue dans son Plan Bourgognes Amplitude 2015. Lors de cette dernière campagne, les opérateurs ont réussi à passer des hausses à leurs clients cette année, « variables entre +8 à +12 % » de hausse. « Nous sommes dans un contexte jamais vu auparavant. On vit une situation de transition mais les hausses devraient se maintenir ». L’UPECB a en revanche plus de mal à définir « l’élasticité des prix » et les limites que peuvent atteindre les Crémants face à leurs concurrents.
La concurrence étrangère est en embuscade, avec également de forts taux de progression, mais restant heureusement faible en volumes. Le monde semble aimer les bulles. Les italiens sont très agressifs avec leur prosecco qui vise une production de 400 millions de cols en 2020 (contre 290 M en 2012). « En face, la Bourgogne n’a pas les volumes et doit donc travailler ces cépages et son image (Climats…), en s’affranchissant aussi de la référence champenoise ». Sans renier, la qualité et la convivialité. Les opérateurs l’ont bien compris et ont développé des gammes, avec une offre segmentée. Les prix atteignent 14-15 € pour les plus élevés. Le prix de vente moyen consommateur se situe à 8 € TTC au caveau et 6 € en car la GD est « plus basse ».
L’UPECB poursuit sa réflexion stratégique pour répondre aux enjeux des dix prochaines années. Dans le cadre d’une réflexion soutenue par l’Interprofession des vins de Bourgogne, un séminaire est organisé au cours de cet été pour optimiser les outils de gestion de l’appellation.