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Vins biologiques

2012 ou rien !

Jeudi 19 janvier au lycée viticole de Beaune, le Service
d’écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne (Sedarb) faisait
le bilan "bio" de l’année 2011. Les surfaces –en conversions et
certifiées– augmentent, tout comme le nombre d’exploitations. Des
différences s’accentuent pourtant entre département. La vinification
biologique devrait s’appliquer au 1er août, permettant enfin de
commercialiser les premiers "vins biologiques" pour le millésime 2012.
Par Publié par Cédric Michelin
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« L’année 2012 sera marquée par une échéance, la disparition du logo AB ». Jean-Hugues Goisot, le président de la section viticulture à la CGAB (Confédération des groupements des agrobiologistes de Bourgogne), est inquiet et en même temps plein d’espoir. En effet, à la fin de l’année, le logo bio AB français disparaît. Le logo européen –à la feuille verte étoilée– le remplace sur tous les produits agricoles. Problème en viticulture, seule la production de raisin est certifiée AB. Le cahier des charges européen sur la vinification biologique faisant encore l’objet d’intenses négociations, sur les taux de SO2 autorisés principalement, entre pays européens producteurs de vins ou simples consommateurs. « Si cela aboutit alors il faudra un accompagnement rapide des viticulteurs, pour que le millésime 2012 soit validé », prévient le viticulteur de l’Yonne.

2.300 ha en AB



En attendant, les conversions se poursuivent « sur un rythme important » en Bourgogne, selon les premiers chiffrages donnés par la conseillère viticulture du Sedarb, Odile Cadiou. En conversions ou certifiées AB, 7,5% du vignoble bourguignon sont entrés dans la démarche, soit environ 2.300 ha exploités par 264 producteurs. Des différences apparaissent cependant entre départements. La Côte-d’Or reste le département le plus bio de Bourgogne (12,7 % des surfaces viticoles, soit 1.200 ha), suivi par l’Yonne (8,1% ; 553 ha). Ces deux départements progressent contrairement à la Saône-et-Loire (3,8 %) et la Nièvre (3,4 %). Néanmoins, le Sedarb positive : « nous nous rapprochons des objectifs du grenelle ». Motivé, l’institut technique de la CGAB « veut renforcer ses actions », notamment en Bourgogne du sud.
Du coup, une nouvelle génération de viticulteurs bio arrive. D’où la présence du conseiller régional, André Lefebvre qui posait la question de « ce que l’on veut faire de la viticulture bio en Bourgogne au regard des pionniers –Steiner, Howard, Birre, Aubert, Chaboussou, Léglise…– qui ont tout inventé » en bio. Il reconnaissait –« déçu »– voir « aussi des conversions pour obtenir des réponses techniques ou une meilleure valorisation commerciale ».
Président de la CAVB, Claude Chevalier rajoutait qu’en matière d’environnement, la Bourgogne est « plutôt bonne élève » et la viticulture raisonnée est « le premier pas » vers le bio.

Pyrèthre vert contre la flavescence dorée



Pour autant, certains traitements ne peuvent être évités comme dans le cas de « l’important » foyer de flavescence dorée découvert à Plottes (71) après les dernières vendanges. Claude Magnien (SRAL Bourgogne) présentait le dispositif de lutte obligatoire : arrachage de toutes les souches infectées par la flavescence dorée, « éventuellement aussi les parcelles abandonnées et les repousses de vignes à proximité » et pour lutter contre le vecteur de l’inoculum –une cicadelle– trois applications dont les dates de traitement sont précisées dans le bulletin de santé du végétal.
« En AB, un seul produit est autorisé, le pyrèthre vert naturel. Il faut répéter le traitement car le niveau d’efficacité du produit est moins important (que ceux en conventionnel, ndlr). Mais, si le pyrèthre est bien utilisé, il est efficace sur les larves mais pas sur les adultes. Il n’y a donc pas obligation du dernier traitement », concluait l’expert. La Bourgogne reste dans une stratégie d’éradication de cette maladie. En préventif, seul le traitement à l’eau chaude des plants est efficace, malgré un retard dans le débourrement. La salle interrogeait si « des plants en production bio » sont disponibles ? « Non, mais la réflexion est en cours ».

Interactions tritrophiques



Toujours dans cette thématique sanitaire, de l’Institut universitaire de la vigne et du vin (UIVV), Jérôme Moreau présentait ses recherches sur les tordeuses de la vigne. Son laboratoire à Dijon est en train de démontrer l’influence de la plante hôte sur ce ravageur. Le cépage influence la réponse immunitaire de ces insectes. Le CNRS biogéosciences s’intéresse donc à ces « interactions tritrophiques (chaîne alimentaire) entre les trois partenaires : cépages (plante hôte), ravageurs (vers de la grappe) et ennemis naturels ». Certains cépages (merlot, riesling…) induisent une forte mortalité larvaire des ravageurs. « Ils ne conviennent pas aux cochydis ». Le cépage joue sur le système immunitaire des ravageurs. Les parasitoïdes pouvant alors plus facilement les tuer. Désormais, l’hypothèse à prouver est que « la valeur du système immunitaire des insectes influencerait le taux de parasites naturels trouvé dans la parcelle ». Ces travaux pourraient à terme permettre de développer des systèmes de lutte biologique.




Vinification biologique : ce qui devrait être autorisé (ou pas)



Expert interrogé par l’Europe (Orwine) sur la question de la vinification bio, Philippe Cottereau, de l’IFV, confirmait les prédictions de Jean-Hugues Goisot : « plus que deux mois à attendre ! » pour voir le cahier des charges européen sur la vinification biologique entériné.

Pour se préparer, le site web de l’IFV propose une grille comparative des choix technologiques possibles (produits), aidant ainsi les viticulteurs dans leurs pratiques œnologiques. « On va jusqu’au coût, l’impact sur la santé, l’environnement et la législation associée ».

Philippe Cottereau s’essayait ensuite aux prédictions des substances et techniques qui devraient être autorisées ou pas. Selon lui, voici les principales mesures : la thiamine sera autorisée ; le phosphate d’ammonium et le sulfite d’ammonium seront enlevés ; PVPP, gomme cellulosique et acide malique ne seront pas admis ; interdiction des mouts rectifiés ; pas de procédés techniques ou physiques ; restrictions sur la filtration (diamètre du pore rabaissé à 0,2 microns pour permettre la microfiltration tangentielle) ; traitements thermiques limités à 65/70°C, n’empêchant pas la thermovinification (mais empêchant la flash détente)…

Pour l’heure, certaines questions restent entières. « Trois levures seulement sont autorisées pour le moment ? Pour la chaptalisation, il faudra utiliser du sucre bio "de préférence". C’est l’INAO qui va devoir interpréter ce "de préférence". Mais quand un produit bio est disponible sur le marché, l’INAO en fera certainement une obligation », indique Philippe Cottereau.

Philippe Cottereau met également en garde : « demain, même si on a tout bien fait à la vigne, s’il y a un raté après, vous perdrez le logo. On est bio du début jusqu’à la fin, transformation incluse ».

La salle réagissait sur cette « transition » qui s’annonce délicate surtout « si des choses utilisées sont interdites ». L’expert de l’IFV se voulait rassurant : « pour arriver aux objectifs du Grenelle, on fait tout pour ne pas avoir une législation trop forte », n’hésitait-il pas à dévoiler. D’où parfois, une réglementation « un peu hypocrite », selon Philippe Cottereau. « La cryoextraction, c’est de la cryoconcentration. Cela rentre dans les traitements thermiques alors que c’est de l’osmose inverse ! ». Enfin, tout n’est pas prévu par le législateur. À la question des bouchons bio, les obturateurs ne font pas partie de la réglementation bio. « Ça rentre pas dans les cases ! » donc rien n’empêchera de pouvoir « mettre des bouchons synthétiques ». Les viticulteurs dans la salle s’indignaient que le liège, produit naturel, ne soit pas imposé. Idem, rien n’est prévu pour les BIB. Heureusement, le cahier des charges est « prévu pour évoluer », concluait Philippe Coterreau.






Sanitaire : des doses en baisse



Le Sedarb a fait bilan de la campagne 2011, côté vigne, en envoyant une enquête (871 ha enquêtés retenus majoritairement en Côte-d’Or et dans l’Yonne). Le rendement moyen en vin blanc bio s’élève à 50 hl/ha. Un rendement jugé « satisfaisant » au contraire des vins rouges bio « hétérogènes et inférieurs au rendement attendu », avec seulement 37 hl/ha de moyenne. « Le pinot noir a eu plus de mal que le chardonnay ».

54 % des 81 exploitations retenues pour l’enquête ont effectué entre 4 et 7 traitements, pour une moyenne de 6,6 (contre 9,5 en 2009) traitements mildiou pour le millésime 2011. « Les doses de cuivre 2011 sont un record de minimum métal utilisé sur toute la campagne, avec 2,04 kg de moyenne pour toute la région, mais avec un grand écart type allant de 600 g au maximum autorisé de 4 kg », précisait Odile Cadiou. Il faut surtout retenir la « nette tendance à la baisse de l’utilisation du cuivre (- 46 % des doses par rapport à 2003) par les producteurs bio ».

Avec une « quasi absence d’oïdium sur grappes », 7,2 traitements de moyenne régionale, « hors poudrage », ont été nécessaires. La quantité moyenne de souffre –matière active– apportée a été de 54 kg, soit 7,5 kg par traitement correspondant à une réduction de 25 % par rapport à la dose homologuée. Les poudrages ont représenté 1,6 passages en moyenne.

Enfin, contre le botrytis, il n’y a pas eu de traitement spécifique mais les viticulteurs ont effeuillé en début de nouaison (44 % des surfaces enquêtées). 86 % d’entre eux l’ont fait manuellement (40 heures/ha) et 14 % ont opté pour un effeuillage mécanique ou thermique (5 h/ha). 36 % des producteurs ont eu des problèmes de botrytis récurrents sur certaines de leurs parcelles.