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Rencontres de la viticulture biologique bourguignonne

2012 soulève « bien des questions »

L’année 2012 restera dans les mémoires : pour les aléas climatiques, les
pertes de récoltes et l’émergence massive d’un foyer de flavescence
dorée en Mâconnais. Mais ce millésime va aussi servir de référence en
matière de traitements sanitaires. Des records ont été malheureusement
battus et soulèvent bien des interrogations en matière d’environnement et
de réglementation. 2012 marque aussi les premières vinifications bio
reconnues et donc les premières cuvées de vins bio.
Par Publié par Cédric Michelin
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Gel d’hiver, gel de printemps, épisodes de grêles, coulure, échaudage, mildiou, oïdium, esca, flavescence dorée... Rien n’aura été épargné aux viticulteurs en 2012 en matière d’aléas climatiques, de pressions cryptogamiques et de maladies diverses. Les viticulteurs bio avaient donc fait le déplacement en nombre (à 120) - mercredi 23 janvier dans l’amphithéâtre du lycée viticole de Beaune - pour les traditionnelles "Rencontres de la viticulture biologique bourguignonne" organisées par le Sedarb.
Du Domaine Guillot-Broux à Cruzille, le président de la commission viti de la CGAB (Confédération des agrobiologistes de Bourgogne), Emmanuel Guillot cherchait à « motiver l’ensemble des 272 viticulteurs en bio sur la Bourgogne » sur 2.450 ha, « puisque seuls 123 adhèrent » à leur Gab départemental. Le président semblait volontaire pour maintenir dans la durée la tendance baissière des doses de cuivre. Il reconnaissait néanmoins que 2012 fut « très compliqué », et le ministère de l’Agriculture envisage d’abaisser les seuils pour toutes les filières et produits. Pour les viticulteurs bio, il s’agirait de passer en deçà des 30 kg/ha autorisés sur cinq années consécutives (6 kg/ha en moyenne donc). « Ce sera difficile pour les exploitations en conversion, c'est pourquoi nous souhaitons maintenir les niveaux tels qu’ils sont », insistait le Mâconnais.
L’animatrice du Sedarb, Odile Cadiou, annonçait d’ailleurs « un petit ralentissement de la progression des conversions » en 2012, dû justement « à la forte pression phytosanitaire, un règlement qui arrive et celui sur la vinification. Cela fait beaucoup à digérer et cela peut créer de l’inquiétude sur les domaines qui attendent de voir ». Pour l’heure, environ 8 % des surfaces en Bourgogne sont « engagées » - agréées ou en conversion - avec toujours le département de la Côte-d’Or en tête de file (13 % de ses surfaces). La Saône-et-Loire étant à la traîne (4 %).

Pyrévert : 85 % d’efficacité


Et la situation risque de ne pas s’arranger en 2013. Avec l’extension du foyer de flavescence dorée dans le Mâconnais, Charles Chambin présentait la lutte obligatoire. Si toutes les vignes vont devoir subir trois insecticides, le coût pour la filière ne s’arrêtera pas là. « Une analyse coûte 35 € ce qui rend impossible d’analyser tous les pieds », regrettait le technicien de la Fredon Bourgogne. En 2012, 650 analyses ont été faites en Bourgogne.
Concernant la lutte insecticide, un seul produit (pyrévert) est homologué en AB, efficace sur les stades larvaires (avec une moindre efficacité sur les stades adultes), dont les dates d’application seront déterminées par le Sral. La Fredon a fait des expérimentations et l’efficacité au bout de trois traitements serait de l’ordre de 85 % de cicadelles éliminées.
Mais pour arriver à « l’éradication totale » de la flavescence dorée, la lutte s’annonce « compliquée » et « très longue ». Surtout, il ne faudra « pas relâcher les efforts » quand les pieds infestés se feront moins présents, car « toute la dangerosité de la flavescence dorée est de croire qu’on a gagné alors qu’avec quelques pieds on peut repartir pendant 4-5 ans après. Cela s’est souvent vu dans les autres régions ».

Quelles conséquences pour l’environnement ?


De l’IFV, Gilles Sentenac devait expliquer les effets de cette lutte sur l’environnement. Spécialiste de la faune auxiliaire, il préférait toutefois parler des typhlodromes et de la lutte contre Scaphoideus titanus, le vecteur de la flavescence dorée. Il s’aventurait juste à indiquer les travaux de ses collègues à Bordeaux : « le pyrévert semble ne pas être loin de la roténone en matière de toxicité ». Il s’empressait de rajouter : « n’interpréter pas mes propos, il faut appliquer la lutte obligatoire ». Car, même si le pyrévert n’est « pas sélectif », « les "dommages collatéraux" n’ont pas été aussi catastrophiques sur les populations de typhlodromes ». En effet, après trois années de lutte sur 450 ha en Côte-d’Or (Puligny, Chassagne, Corpeau), l’expert a pu constater la présence d’au moins « un typhlo par feuille » , preuve que « la population peut se maintenir sur la parcelle » et jouer son rôle de régulateur naturel. En revanche, le scientifique manquait de données pour garantir « la préservation des autres auxiliaires ». Ce qui pourrait conduire « à des impasses techniques » futures, mettait-il en garde…



Bilan de campagne 2012


Le bilan de campagne bio 2012 - portant sur 850 ha (dont 100 ha en Saône-et-Loire) - est à l’image de la météo de l'année. Les domaines bio ont effectué 13,6 traitements anti-mildiou en moyenne (contre 6,6 en 2011). Les doses appliquées de cuivre métal atteignent un record de 6,40 kg/ha. 5,57 kg/ha en Saône-et-Loire. Les quantités minimales (3,3 kg/ha) et maximales (9,9 kg/ha) sont « hétérogènes », expliquait l’animatrice du Sedarb, Agnès Boisson.
Le nombre de traitements anti-oïdium monte à 13,2 en moyenne hors poudrage, contre 7,2 en 2011. La quantité de souffre moyenne épandue correspond à 93 kg/ha de substance active. 46 % des domaines ont pratiqué des poudrages (1,5 passage en moyenne) qui « ont montré tous leurs intérêts » tout comme l’effeuillage précoce.
L’arrêt des traitements en 2012 a été compliqué à décider. « Personne n’a arrêté au 20 juillet mais plutôt dans la première décade d’août ».
Du service Vigne & Vin de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Guillaume Paire présentait un essai sur oïdium pour réduire la dose de soufre avec des produits alternatifs. « L’intérêt de l’amicarbe (carbonate de potassium) a été montré sur cet essai avec +30 % d’efficacité » par rapport à une dose réduite de soufre seule.





Une nouvelle réglementation cuivre en 2014 ?


Une nouvelle réglementation sur l’utilisation du cuivre est en projet pour 2014. Marc Chovelon de l’Itab (institut technique) expliquait qu'« actuellement, l’ensemble - anciennes comme nouvelles - des spécialités à base de cuivre sont réévaluées pour obtenir ou non une autorisation de mise en marché (AMM) ». Pour obtenir cette AMM, les firmes ont jusqu’au 31 mai 2014. Encore en cours d’arbitrage, le ministère de l’Agriculture envisage de nouvelles doses limites annuelles - toute spécialités confondues - à des niveaux inférieurs. En effet, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a émis un rapport expliquant « qu’un risque d’intoxication aigüe » des oiseaux « est possible du fait de la consommation de vers de terre contaminés ». Mais, le seuil de 4 kg/ha à ne pas dépasser concernerait l’ensemble des producteurs et usagers (maraîcher, arboriculteurs…), bio ou non bio et aussi l’ensemble des phytosanitaires et engrais. « Ce serait une restriction franco-française », prise par le ministère. Pour l’heure, la CGAB s’est positionnée « pour un maintien de la réglementation bio actuelle » et l’Itab prépare un dossier technique pour montrer de « façon objective les niveaux de cuivre que les viticulteurs ont besoin » pour produire.
En 2012, selon des enquêtes sur les pratiques des viticulteurs, « à peine 5 % » des domaines bio se trouvent sous la barre des 4 kg/ha ; 35 % seraient conformes à la réglementation des 6 kg/ha lissés sur cinq années mais « par contre », 65 % sont au dessus des 6 kg/ha lissés, « parce qu’on ne pouvait pas faire autrement » pour sauver les récoltes. Cette année 2012 pose donc « bien des questions ». Mais, la tendance générale reste à la réduction des doses de cuivre (4,2 kg/ha en moyenne de 2008 à 2012).
D’autant qu’une « concurrence européenne » se creuserait. En effet, la France a choisi une mesure des doses à l’hectare alors que d’autres pays ont choisi au volume dose hectolitre. « Cela ne colle pas à la réalité », remarquait Alain Réaut, président de la Fnivab, qui préférerait voir « une répartition en fonction de la surface foliaire ».




Biodiversité ou non des levains bio ?


Odile Cadiou présentait le lancement d’une étude nationale (IFV) sur les


levains bio. Son but est d’analyser la diversité des levures et bactéries indigènes. Lancée « juste avant les vendanges 2012 », la collecte de levures et bactéries dans cinq domaines bio en Bourgogne va permettre de « sélectionner des souches et les produire selon les critères AB


». Ce qui ne manquait pas de provoquer quelques réactions dans la salle


qui ne souhaitait visiblement pas le développement de « levures industrielles » et moins encore, remplacer les levures indigènes « fonctionnant depuis 4.000 ans ». La technicienne du Sedarb tempérait et insistait sur le fait qu’il s’agit avant tout de « connaître la biodiversité ; la typicité des souches ; comment elles fonctionnent ».


Cette étude devrait plutôt déboucher sur la "microproduction" de levures sèches pour les viticulteurs à partir de leurs propres sélections. Une belle occasion de réduire les risques d’arrêt de fermentation. L’utilisation des levures indigènes domine dans les chais bio. 80 % les utilisent régulièrement voir systématiquement. 20 % des vignerons font néanmoins appel à des LSA. « Très peu » utilisent encore des levures labelisées bio tant que « le choix est restreint et ne correspond pas » aux réels usages.



Vinification bio : 75 % des domaines prêts


Dans un échantillon bourguignon enquêté, 28 % des domaines bio adhèrent à


une charte de vinification privée. L’étude sur les pratiques de vinification révèle que 98 % des domaines bio utilisent des sulfites, mais 35 % des vignerons interrogés ont aussi « une ou deux » cuvées spécifiques sans. En blancs, la moyenne de SO2 totale à la mise en bouteille est de 43 mg/l. Ainsi la « quasi-totalité des domaines sont en dessous de la nouvelle norme européenne » fixant la limite maximale autorisée à 150 mg/l en blancs et 100 mg/l pour les rouges, dans la catégorie des vins présentant moins de 2 g de sucre résiduel.
Côté chaptalisation, 36 % des domaines vont devoir changer leurs pratiques et n’utiliser plus que du sucre bio. En cas de nécessité, 16 % pratiquent l’acidification et la désacidification. Peu (27 %) utilisent des enzymes pour faciliter le débourbage. Odile Cadiou concluait : « ce nouveau règlement ne va pas changer globalement les pratiques » pour 75 % des viticulteurs interrogés et ce règlement est qualifié de satisfaisant par 70 % des domaines (26 % permissif et 5 % contraignant). La vinification bio a visiblement été anticipée dans les pratiques et va


permettre aux producteurs d’accéder à de nouveaux marchés exports…


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