Viticulture
Une volonté d’adaptation permanente, en formation comme dans la vigne et dans la cave

Frédéric RENAUD
-

En prélude à la célèbre vente des Hospices de Beaune, Franz-Ludwig Gondard a été désigné parmi les sept meilleurs jeunes vignerons de l’année en Bourgogne et meilleur représentant du Mâconnais. À 29 ans, ce Viréen a marqué de son empreinte le domaine créé par ses parents, Mylène et Pierre Gondard. Leurs choix techniques, pour la culture de la vigne et pour la vinification et l’élevage, le jeune viticulteur les présente ici. Des choix par ailleurs récompensés par un Trophée des Jeunes Talents 2021, décerné par le groupe des jeunes professionnels de la vigne et du vin (GJPV).

Une volonté d’adaptation permanente, en formation comme dans la vigne et dans la cave
Franz-Ludwig Gondard exploite avec ses parents les 17,5 hectares de vignoble du domaine Gondard-Perrin.

Franz-Ludwig Gondard exploite avec ses parents, en EARL, 17,5 hectares de vignoble. Au domaine Gondard-Perrin, 15 ha sont plantés en viré clessé, l’appellation principale ; le reste concerne des mâcon village et mâcon blanc, ainsi qu’une toute petite parcelle de gamay valorisée en mâcon rosé.

« Les mâcon ne sont pas vinifiés au domaine. Une partie du viré-clessé part aussi au négoce, mais le domaine vinifie plus de la moitié de la surface de son vignoble sur place au domaine », présente le jeune viticulteur. « Mes parents se sont retirés de la cave coopérative de Viré en 2008, pour produire des bouteilles. Ils ont débuté avec 10.000 bouteilles ; nous en produisons 50.000 aujourd’hui ».

Le Domaine Gondard-Perrin suit une logique de culture « plus exigeante que celle de l’agriculture raisonnée. Lors de la dernière saison, 100 % des traitements ont été faits selon les critères de l’agriculture biologique. Mais quand il y a trop de problèmes dans la vigne, on s’adapte pour que le changement à la vigne soit le plus progressif possible », affirme Franz-Ludwig Gondard. « Des changements trop brutaux pourraient nous handicaper pour plusieurs années. En complément, nous travaillons à nouveau nos sols depuis 10-15 années : avec de petites surfaces au début et presque 100 % aujourd’hui ».

La prochaine étape ?

« Ce sera la biodynamie, car nous pensons que le bio seul ne nous conviendra pas et qu’il faut des techniques complémentaires. Nous sommes labellisés HVE 3, mais nous voulons rester ouverts à de nouvelles techniques qui mettront sans doute du temps à être validées dans les différents cahiers des charges », prévient le jeune viticulteur.

Quel mode de récolte ? « Nous voulons des raisins avec des maturités assez poussées. Sur l’appellation viré-clessé, la récolte se produit sur une très longue période, avec des producteurs précoces et d’autres qui finissent très tard. Notre fenêtre de tir se situe au milieu, mais plus tardive que la moyenne », poursuit Franz-Ludwig Gondard. « Nous voulons des jus plus structurés, sans se bloquer sur l’acidité ; nous recherchons plutôt un pH équilibré, qui correspond à une maturité technique et à une maturité phénolique, gage d’un bouquet aromatique qui est important pour nous ».

Et à la cave ? « Les fermentations alcooliques sont faites en levures indigènes. C’est plus de surveillance, mais le résultat récompense souvent la prise de risque et l’effort », ajoute Franz-Ludwig Gondard. « La fermentation malolactique n’est pas systématique. Sur des raisins très mûrs, j’aime bien avoir un peu d’acidité. Sur certains millésimes, le potentiel aromatique est tellement fort déjà, après la fermentation alcoolique, que je n’ai pas la nécessité d’aller chercher le côté beurré, qui pourrait alourdir le vin ».

Vous utilisez des sulfites ? « Oui, encore un peu pour protéger les vins, mais nous les réduisons. Cette année, on a réussi à s’en priver quasi totalement et à utiliser une levure de substitution qui ne dégrade pas les sucres. Elle permet une protection microbiologique des vins, pour avoir un débourbage serein juste après le pressurage, en laissant la place à la flore indigène des vins ».

Un parcours fait d’intuitions et de flair

« Après le collège à Lugny, je n’étais pas motivé pour la vigne, préférant découvrir l’univers du vin. La vigne, je n’arrivais pas à m’y projeter. Je suis donc parti au lycée viticole de Beaune avec l’objectif du diplôme national d’œnologie », raconte Franz-Ludwig Gondard. « C’est en seconde que s’est joué mon destin. Les cours au laboratoire : bof, alors que la demi-journée de viticulture m’enthousiasmait. Au bout de six mois, je préviens mes parents d’un nouvel objectif : devenir à mon tour viticulteur, mais en vinifiant chez nous… Une hypothèse qu’ils envisageaient eux aussi ! ».

Alors, le parcours de formation s’allonge : « le bac STAV, BTS Viticulture-œnologie, puis BTS technico-commercial en un an, toujours à Beaune. Pour bien maîtriser cet aspect commercial qui rebute parfois les gens qui produisent. C’est un métier difficile quand on n’a pas l’habitude de parler de ce qu’on fait pour vendre un produit derrière, notamment pour un garçon initialement timide », indique Franz-Ludwig Gondard.

Il aurait dû partir en voyages d’études pendant trois ans « avec l’objectif de vivre six vinifications, en changeant d’hémisphère tous les trois ans », sourit le jeune viticulteur. « Jusqu’au jour où ma mère entend parler d’une vigne qui se libère : 3,5 ha en viré-clessé, plus un hectare à planter ».

Franz-Ludwig hésite. « Normal pour quelqu’un qui sort de l’école, avec peu d’expérience et à qui on parle d’une acquisition à un demi-million d’euros ! » L’affaire se conclut grâce à ses parents, « davantage rompus aux relations avec le notaire et les banquiers. Plusieurs viticulteurs étaient sur les rangs, mais j’étais le seul à prendre l’ensemble : c’est ce qui a décidé le vendeur. »

Un travail en cave avec deux particularités
L’autre particularité du domaine Gondard-Perrin, « c’est de pratiquer des élevages longs, avec des vins qui passent au moins deux hivers en cave ».

Un travail en cave avec deux particularités

« On fait beaucoup de sectorisations », reconnaît Franz-Ludwig Gondard. « C’est du travail classique, à la bourguignonne, moins fréquent dans le Mâconnais. Parce que ça permet de valoriser la diversité des terroirs, nous avons par exemple une dizaine de cuvées pour les viré-clessé ».

Ce qui signifie pour le jeune viticulteur, de respecter les conduites habituelles pour la géologie et le cépage, les identités de chaque terroir. « Quand nos parcelles privilégient des rendus minéraux, on travaille sur ces profils. On ne va pas chercher des profils gras, de l’explosif. On les accompagne, on ne les change pas. On travaille sur un type de vin cohérent avec le type de sol ».

L’autre particularité du domaine Gondard-Perrin, « c’est de pratiquer des élevages longs, avec des vins qui passent au moins deux hivers en cave », explique Franz-Ludwig Gondard. « Donc, des élevages en 15 à 16 mois au minimum, à 20 ou 21 en moyenne, mais jusqu’à 24 pour certains crus. Nous mettons en bouteille au moment où les vins s’expriment le mieux. Nous obtenons des vins plus aboutis. On se prive parfois du côté croquant, primaire du fruit, mais on gagne du galbe, de la longueur, une profondeur. Ce sont, pour nous, des aspects primordiaux ».

Quand les parents Gondard ont débuté en 2008, en vinifiant eux-mêmes, « le plus compliqué, c’était de partir d’une feuille blanche. Tout est possible et trouver ce qu’on a envie de faire n’est pas le plus facile. Il a fallu repérer des produits qui nous plaisaient, puis se renseigner sur les process de production. Le mimétisme a posé les jalons du système, qui s’affine en permanence, au travers de nos expériences respectives », conclut Franz-Ludwig Gondard.

La vinification, l’une de ses activités de prédilection.