Luzerne
La luzerne à l’heure de la décarbonation

La luzerne déshydratée retrouve quelques couleurs après une année difficile. Mais la perspective d’une hausse du prix de l’énergie oblige la filière à peaufiner sa stratégie économique et environnementale. 

La luzerne à l’heure de la décarbonation

Après une année de sécheresse en 2020, les producteurs de luzerne ont connu quelques sueurs froides en 2021 avec un cycle climatique peu favorable : le gel de printemps a retardé les semis d’une dizaine de jours, voire de quinze jours dans certains départements. Les pluies estivales, abondantes, ont perturbé la croissance et la récolte. Cependant « l’année 2021 reste satisfaisante », a noté Éric Masset, président de La Coopération agricole-Luzerne lors d’une conférence de presse le 18 janvier. Les 69.000 hectares emblavés ont fourni 760.000 tonnes de produits soit une hausse de +15 % par rapport à 2020. « Nous revenons peu ou prou dans la moyenne quinquennale », a-t-il ajouté. Le fait marquant de cette campagne reste tout de même la mise à l’arrêt pendant deux semaines d’usines de déshydratation autour du 14 juillet. Sur le plan européen, la France se place en troisième position avec 23 % de la production communautaire, derrière l’Italie (24 %) qui a également souffert des intempéries et l’Espagne (42 %) qui, elle, a connu de bonnes conditions climatiques et qui « reste agressive sur la conquête des parts de marché », a précisé Pierre Begoc, directeur de Desialis, premier opérateur européen de produits déshydratés. Il n’en reste pas moins que l’Europe constitue le premier marché de la luzerne française avec 95 % des ventes. Seuls 5 % partent dans les pays tiers (Japon, Corée du Sud, Afrique du Nord…)

Dix fois moins de C02

Mais « le vrai souci c’est le coût de l’énergie », a ajouté Yann Martinet directeur général de La Coopération agricole-Luzerne. Le prix du baril a presque doublé en un an (+85 %), passant à New York de 46 $ à 85 $ le baril. « Certains experts estiment qu’il pourrait atteindre 150 $ en 2023 », s’est-il inquiété parlant d’une hausse « hors-norme ». Il est tout aussi alarmé de l’augmentation du prix du gaz qui grève les coûts de déshydratation. C’est pourquoi la filière a lancé en mars 2021 sa stratégie Luzerne 2026. Objectif : que toute la filière contribue à la lutte contre le changement climatique : « d’ici 2026, nous avons l’ambition de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de 90 % par rapport à l’année 2005 », grâce à la technique du préfanage à plat mais aussi à l’incorporation de biomasse dans les instruments de séchage. C’est ainsi que de nombreuses usines utilisent aujourd’hui des plaquettes de bois forestiers qui ne sont pas valorisables autrement qu’en bois de chauffage et qui remplacent le charbon. « Notre mix énergétique nous permet d’être plus efficaces. Quand nous émettions 0,760 tonne de CO2 pour sécher une tonne de luzerne en 2005, nous n’émettrons plus que 0,078 t de CO2 en 2025, soit presque dix fois moins », a souligné Yann Martinet.