Filière vitivinicole
Est-ce le bon moment pour l’export ?

Françoise Thomas
-

Avec ses partenaires Altios, Business France, Team France Export et les Douanes, le Crédit Agricole Centre-Est a proposé une série de visioconférences fin mars, pour exposer les opportunités commerciales à l’international. Avec des informations tout autant destinées aux viticulteurs qui exportent déjà qu’à ceux qui souhaiteraient profiter de la période pour se diversifier à l’international. Si de belles opportunités sont à saisir, il est important de bien connaître le marché visé.

Est-ce le bon moment pour l’export ?
L’export est un marché qui peut représenter de belles opportunités à condition d’y aller accompagner et en ayant bien étudié le pays cible.

Pour les États-Unis, des vins ludiques

Autant les États-Unis sont un pays immense, autant la consommation de vins ne se fait majoritairement (pour l’instant…) que dans quelques zones : sept états concentrent 55 % de la consommation. D’où les conseils de Bertrand Girard de cibler, pourquoi pas, l’état de Washington, dont la capitale est Seattle et « où vit une population au fort pouvoir d’achat et traditionnellement consommatrice de vins ». Le directeur associé d’Altios basé à New-York conseille aussi de ne se focaliser que sur une métropole dans un premier temps car la commercialisation outre-Atlantique est basée sur le principe des trois tiers (producteurs-cave-importateurs, distributeurs-grossistes, caviste-magasin-hôtellerie-restauration). Dans le principe, « chaque acteur ne peut acheter qu’au tiers précédent », ce qui implique des taxes à chaque fois, mais « dans les faits, chaque état a fait sa propre interprétation », souligne cependant Bertrand Girard.

Ce qui implique surtout de « bien comprendre le système de distribution » états-unien avant de s’y frotter.

Ensuite, il convient de savoir que sur place les consommateurs sont de plus en plus friands de vins aromatisés, de "ready-to-drink", c’est-à-dire des boissons en canette. Il leur faut du ludique, du nouveau, du pratique. Les vins légers avec peu d’alcool ont également le vent en poupe et la vente en ligne se développe fortement.

Quant aux taxes Trump qui ont fortement impacté le commerce du vin depuis fin 2019, elles ont désormais été suspendues pour quatre mois (depuis le 5 mars) par le président Biden. Le manque à gagner a été important et la situation a d’autant plus laissé la place aux vins nationaux. La (re)conquête sera d’autant plus belle : « envoyez des vins avant l’été ! », encourage l’intervenant pour ceux qui sont déjà implantés.

Chine : l’opportunité d’une brouille

Les colossales surtaxes imposées par la Chine aux vins australiens (près de 200 %), et ce, pour une durée de cinq ans, pourraient représenter une opportunité intéressante pour les vins français. Notre pays est déjà le deuxième pays importateur sur le marché chinois, justement derrière l’Australie. Cette opportunité à saisir doit s’adresser à des consommateurs qui évoluent eux aussi : plutôt jeunes (20-30 ans), au budget plus limité que jusqu’à présent, achetant en ligne et sur les conseils d’influenceurs. Cependant, Geoffrey Bonnel, le responsable du pôle conseil d’Altios à Shanghaï, précise que six profils de consommateurs ont été identifiés : outre les occasionnels, les opportunistes et les nouveaux consommateurs, existent aussi les consommateurs santé « recherchant le tannin du vin rouge pour ses bienfaits pour la peau », les explorateurs et les chercheurs de statut. Les outils marketing devront être traduits en mandarin et il faut ouvrir et maîtriser les réseaux sociaux chinois.

Royaume-Uni : des voisins à chouchouter

Autant ce pays est peuplé de wine lovers (consommation par habitant en 2019 : 20 litres…), autant il n’est pas du tout producteur, ce qui fait du marché britannique le deuxième débouché export pour les vins français. En parallèle, la France est le deuxième fournisseur de vins du pays (avec 188.000 hl écoulés) derrière l’Italie (et ses 318.000 hl).

Mais sur ce marché de proximité (géographique) et « à l’approche mono-cépage », « les vins français ont une image vieillissante et l’offre est perçue comme complexe », commente Pauline Gauthier, de Business France. « D’où l’importance de montrer que les producteurs suivent les tendances, poursuit-elle, en rendant notamment les vins plus accessibles ». Les vins bio sont de plus en plus prisés, comme les rosés « bus toute l’année », et les vins à faible taux d’alcool.

Les annonces dans le contexte Covid jettent un peu du chaud et du froid : alors que « 400.000 emplois seraient menacés d’après le Medef britannique », explique Daniel Floret, du pôle accompagnement à l’international de Crédit Agricole SA, la campagne de vaccination poursuit bien sa route et la réouverture totale des pubs et restaurants est annoncée pour le 21 juin (déjà partielle depuis lundi).

En attendant, il y a là-bas comme partout ailleurs un fort report des achats en ligne, et aussi « toute une tendance vers les cavistes indépendants de proximité » et donc des ventes à emporter, avec « une belle opportunité pour les vins français » …

Là aussi, les intervenants ont rappelé l’importance d’attaquer ce marché via un importateur-distributeur, « même si le direct est possible » pour atteindre le CHR ou la grande distribution (82 % des ventes).

Pays scandinaves : des pays à conquérir

Pour Daniel Floret, il pourrait être judicieux de débuter l’export par les pays scandinaves, grâce à « leur potentiel sous exploité ». Pour le responsable international, cette zone a tout pour attirer les exportateurs entre « une qualité de vie, un niveau de sécurité et de santé, au premier plan, une population qui parle anglais, une imposition modérée des entreprises, une mentalité très pro-business, peu de défaillance ou de retard de paiement ».

Sans oublier le niveau de vie élevé d’une population qui travaille pour de nombreux grands groupes internationaux (Volvo, Ericksson, Nokia, Ikea, etc.).

Enfin, « c’est une belle taille de population pour tester des produits ».

Plein d’atouts donc pour tenter l’aventure. Reste qu’il faut parler anglais, être très en avance sur les nouvelles technologies, « très direct sur les prix, pas d’esbroufe », répondre rapidement et clairement.

Pour ce qui est des modalités d’action, il faut savoir que seul le Danemark est un marché ouvert, les trois autres (Suède, Finlande, Norvège) sont des marchés à monopoles, avec un fonctionnement donc par appel d’offre, « mais qui sont aussi ouvert pour des petits volumes ». Et même s’il faut connaître ces règles du jeu spécifiques « il ne faut pas en avoir peur », insiste Cecilia Ekfeldt, chargée d’affaires, « ils sont de plus en plus ouverts et offrent de belles opportunités ». Il convient là aussi de passer par un importateur-distributeur.

Consommation française en période de confinement
Historique : en 2020, les consommations de vins rosé et blanc ont dépassé celles de rouges, une première !

Consommation française en période de confinement

Directeur agroalimentaire chez Crédit Agricole SA, Philippe Chapuis n’a pas manqué de rappeler les hauts et les bas qui ont marqué l’année viticole 2020 : « pour la récolte 2020, avec 45 millions d’hectolitres, on note une hausse de 9 % par rapport à 2019 », débute-t-il. « La part des différents vins dans cette récolte reste inchangée ».

Côté consommation des vins tranquilles et des effervescents en France, le léger recul que l’on a désormais sur l’année précédente permet de noter différentes périodes et évolutions marquantes.

Tantôt des baisses, tantôt des hausses, et ce parfois contre toute attente. « Avant le début du Covid, on avait une baisse des ventes de vins », relate-t-il, s’en est suivi un confinement strict qui s’est traduit « par une augmentation des ventes de vins en volume (+5 %) et en valeur (+1,6 %) notamment parce que les Français ont beaucoup cuisiné pendant cette période ». Cependant, une augmentation plus forte en volume qu’en valeur traduit une orientation des achats plutôt sur des vins d’entrée de gamme. « Puis on a le phénomène inverse pendant l’été, poursuit Philippe Chapuis, avec une augmentation plus forte en valeur, démontrant des achats de vins plus festifs, rosés et blancs ». La période de rentrée marque un léger repli des ventes quand la fin de l’année repart sur une petite reprise, un peu plus marquée en valeur.

Cependant, ce qui a été noté pour les vins, ne se confirme pas du tout pour les effervescents, qui marquent « une baisse extrêmement forte en volume et en valeur pendant le confinement ». Ce qui ne fait que confirmer un mouvement déjà amorcé avant la crise sanitaire. 

Une consommation en évolution

Philippe Chapuis a rappelé que le secteur agroalimentaire est celui qui a le plus sollicité de Plan garanti par l’État (PGE). On note de façon générale une baisse de la consommation de vins au profit de celle de bières. Et si en 2020 on a connu une première historique avec la consommation des vins blancs et rosés dépassant celles des vins rouges, il faut noter une évolution des goûts des consommateurs et notamment des jeunes vers des produits moins chers, gustativement plus abordable pour « des palais moins éduqués ».