Agriculture Biologique
Que change la nouvelle réglementation AB ?

Ariane Tilve
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Début d'année, les conseillères de la Chambre d’agriculture Aline Villot et Julie Pinto présentaient les grandes lignes de la nouvelle réglementation bio en grandes cultures et maraîchage. L’occasion de comprendre les changements, plus ou moins subtils, du nouveau cahier des charges.

Grandes cultures et maraîchages bio à l'heure de la nouvelle réglementation.
Grandes cultures et maraîchages bio à l'heure de la nouvelle réglementation.

Quelle que soit la filière, le nouveau règlement de base de l’Union européenne est applicable depuis le 1er janvier 2022. Un règlement amené à être compléter ou modifier par des actes secondaires. Les dérogations doivent désormais, en priorité, être demandées en ligne sur https://derogationbio.inao.gouv.fr avec les codes de la notification à l’Agence Bio. Attention donc à bien conserver vos identifiants ! Elles seront ensuite validées par l’INAO. Les dérogations papier sont toujours possibles mais pas prioritaires, donc fortement déconseillées. Reste le cas particulier des demandes de dérogations concernant les MRV (semences et plants) qui sont toujours gérées par les organismes certificateurs.

Pour ce qui est de la conversion, l’attestation de début de conversion est remplacée par un certificat en C1. Il faut donc demander un devis à un ou plusieurs organismes certificateurs puis conclure un contrat et se notifier à l’Agence Bio dans les 15 jours, sachant qu’il faut appliquer les règles de la production biologique dès la signature du contrat. La date d’engagement correspond donc au plus tôt à la date de signature du contrat, si l’opérateur a notifié son activité dans les 15 jours auprès de l’Agence Bio. Dépassé ce délai, la date d’engagement est reculée à la date de réception du contrat par l’OC. Attention, si la notification à l’Agence est faite avant la signature du contrat, elle n’est pas retenue. La durée de la conversion varie, elle ; en fonction du type de cultures :

· Deux ans pour les cultures annuelles.

· Deux ans pour les cultures semi-pérennes en maraîchage (artichaut, asperge, etc.).

· Trois ans pour les cultures pérennes.

Pour les cultures annuelles et semi-pérennes, les produits seront certifiés bio dès lors qu’ils auront été semés / plantés et récoltés après les 24 mois de conversion, d’où l’intérêt de convertir avant les semis. Pour rappel, un produit végétal peut être vendu en tant que produit en conversion uniquement si les terres ont été conduites en bio au moins un an avant récolte, sauf les petits fruits. Dans le cas des fraises et des mûres, on tient compte de la fructification sur le bourgeon de l’année, sur deux ans. Pour les groseilles, les cassis et les myrtilles, c’est trois ans.

 

Le lien au sol

 

À l’exception de celles qui poussent naturellement dans l’eau, les cultures biologiques sont produites dans un sol vivant qui peut être mélangé uniquement des matières et/ou produits autorisés. Il existe cependant quelques exceptions en maraîchage :

· La production de graines germées, germes, pousses et cresson par humidification est autorisée en milieu inerte pour maintenir les semences humides.

· La production d’endives par trempage dans de l’eau claire, avec l’utilisation possible d’un milieu de culture doté d’intrants autorisés.

· La production de plantes ornementales et de plantes aromatiques vendues en pots au consommateur final.

· La culture en container de plants à repiquer ou à transplanter.

Les micro-pousses sont interdites sur support de culture, mais il est possible de produire à la fois des produits bio et non bio, à condition de distinguer facilement les variétés et d’une séparation claire entre unités de production et de stockage, mais aussi entre récoltes bio, en conversion et non bio, d’où l’obligation de tenir un registre de production.

Semences et plants

Le Matériel de reproduction des végétaux (MRV) désigne le végétal et toutes ses parties, à n’importe quel stade de sa croissance, capable de produire un végétal, que ce soit des semences, des tubercules, ou encore des boutures. Les plants maraîchers sont regroupés sous le terme de ʺplantulesʺ et doivent être bio, aucune dérogation n’est possible. Semences et autres types de matériel de reproduction sont regroupés dans une nouvelle catégorie de « MRV en conversion », utilisable sans demande de dérogation. Lorsque les variétés recherchées sont indisponibles en bio, une dérogation doit être demandée sur www.semencesbiologiques.org et accordée par l’OC avant semis pour l’utilisation de semences en conversion ou, à défaut, de semences conventionnelles non traitées, ou traitées par des produits autorisés. Il existe deux exceptions : les semences paysannes qui font l’objet d’une dérogation et d’une attestation de non-traitement après récolte. Autre exception, la conservation de ses semences fermières dès la première année de conversion (sauf cas de mixité). Attention à bien notifier cette utilisation dans le cahier de culture. Le Matériel hétérogène biologique (MHB) désigne lui une nouvelle catégorie de végétaux regroupant une seule espèce, une population diversifiée, des individus non homogènes (diversité phénotypique et génétique) et une espèce qui a une évolution dynamique dans le temps. Le MHB n’est pas une variété, n’a pas de description officielle et répond aux mêmes utilisations que les MRV. La seule information disponible est celle du fournisseur.

La production

La dose d’azote maximum est de 170 kg/ha/an sur la totalité de la SAU engagée en bio, en comptant les effluents d’élevage. Les quantités d’azote en provenance de composts végétaux, du guano, de produits et sous-produits d’origine animale, végétales et vinasses, de compost à base de déjections de vers et d’insectes, ne sont pas comptabilisées. La fertilité et l’activité biologique des sols sont mises en œuvre par des pratiques culturales qui préservent ou accroissent la matière organique du sol ou grâce à des rotations pluriannuelles comprenant des cultures obligatoires de légumineuses, comme culture principale ou en couverture, et d’autres cultures d’engrais verts (sauf pâturage et fourrage pérennes). Dans le cas des serres et des cultures pérennes, on optimise la fertilité avec des cultures d’engrais verts et de légumineuses à court terme. Il est également possible d’avoir recours à la diversité végétale. En pratique, les cultures pérennes doivent intégrer des légumineuses ou des engrais verts en rotation, comme c’est le cas pour les arrachages et la replantation. Pour les cultures pluriannuelles, la rotation obligatoire intègre des légumineuses, en mélange ou en pur, en culture principale ou de couverture ou engrais verts. Dans le maraîchage, les cultures légumières annuelles et sous serres doivent avoir une rotation de trois espèces ; un cycle court avec implantation inférieure à deux mois ; des légumineuses ou des engrais verts comptabilisés uniquement si l’implantation est supérieure à trente jours, à l’exception du sorgho, en été, qui peut avoir une durée de trois semaines. Selon le guide de lecture, « l’organisme de contrôle doit s’assurer que l’opérateur applique par parcelle une rotation pluriannuelle, sauf pour les surfaces en herbe, et les cultures pérennes. La succession de cultures dans une rotation doit s’apprécier globalement au regard de la gestion de la fertilité des sols et des bio-agresseurs ».

 

Préparer son audit

 

Le cahier de culture doit contenir les dates de semis, de plantations et de récoltes mais aussi mentionner les noms des traitements utilisés, la dose appliquée, la date d’épandage, la culture concernée, le pathogène visé et les quantités récoltées. Pour l’irrigation, dates et doses doivent être mentionnées. Il vous faudra également conserver les factures, les bons de commande,

Les étiquettes de sacs, les agréments des fournisseurs (avec dates valides), les éventuelles dérogations, les documents PAC (assolement, surfaces engagées en AB) mais aussi les analyses. Enfin il faut tenir un registre de nettoyage mentionnant les produits utilisés, la date et le lieu d’utilisation mais aussi la substance active sachant qu’il existe à présent une liste de produits autorisés (liste Annexe IV RGT 2021/1165), applicable au 1/01/2024.

AB : la FNSEA veut plus d’argent pour la filière

Invité de la matinale de France Info le 14 avril, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a indiqué que le plan d’urgence du Gouvernement de 10 millions d’euros (M€) pour venir en aide à la crise que traverse actuellement l’agriculture biologique n’était pas suffisant. « La somme n’est pas à la hauteur des enjeux […] Il faudrait un plan d’aide de l’ordre de 50 à 100 M€ », a-t-il déclaré. C’est une condition nécessaire selon lui pour préserver le potentiel de production français et cela même « avant de viser l’objectif de 18 % de SAU bio en 2030 » dans l’Hexagone. « Sauvons d’abord les entreprises qui sont dans des difficultés majeures », a-t-il insisté. Arnaud Rousseau s’est déclaré par ailleurs « pas favorable au panier anti-inflation ». Il prône la mise en place d’un chèque alimentaire de « l’ordre d’un à trois euros par jour par ayant-droit », a-t-il précisé, y compris pour l’achat de produits bios et naturellement pour l’achat de « produits français ».