Calamités Agricoles
La réforme devient inéluctable et nécessaire

Membre du bureau de la FNSEA en charge du dossier calamités agricoles, Joël Limouzin revient sur la réunion du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) qui s’est déroulée le 18 janvier.

La réforme devient inéluctable et nécessaire

De l’avis de nombreux acteurs agricoles, le système actuel du Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA, ex-fonds des calamités) a vécu. Il est même à bout de souffle. « C’est la dernière fois qu’on travaille dans de telles conditions. Ce fonds a été co-construit entre les professionnels agricoles et l’Etat il y a quelques décennies. Il a très bien rempli son office et correspondait à une époque. Mais depuis quelques années, ça devient ingérable », affirme Joël Limouzin, par ailleurs président du Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE). En cause : le changement climatique qui s’est accéléré ces cinq dernières années et qui « nous a dépassés », explique-t-il. Autrement dit, les aléas climatiques ne sont plus exceptionnels. Or c’était sur cette base qu’était construit un système « qui ne correspond plus à la réalité », ajoute-t-il.
 

Système totalement ubuesque

Lors de son intervention au Congrès de La Coopération agricole le 18 février, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a lui-même reconnu que « le régime des calamités ne marche plus. Le système est devenu totalement ubuesque car il n’est plus conforme aux réalités du terrain ». Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est le mode de calcul des “indemnités calamités”. Dans la mesure où les calamités (inondations, sécheresses, etc.) sont devenues récurrentes, la moyenne quinquennale sur laquelle s’appuient les calculs ne veut plus rien dire. « On ne justifie pas la perte de fourrage sur un rendement qui a fortement baissé », explique Joël Limouzin qui cite les agriculteurs du Grand Est contraints soit de diminuer leur cheptel, soit d’augmenter leurs surfaces fourragères. « Il faudrait que l’historique remonte plus loin dans le temps, à huit ou dix ans », ajoute-t-il. Joël Limouzin n’en oublie pas pour autant le volet « très important de la prévention » (retenues individuelles et collectives, filets anti-grêle, etc.), « Cette prévention coûte cher, mais il faut mettre en place de vrais plans d’investissement, soutenus par les régions, par l’État et par l’Europe, afin de limiter la casse », précise-t-il.

Que contient le rapport Descrozaille

Le député Frédéric Descrozaille (Val-de-Marne) a remis le 21 avril dernier son rapport sur la réforme du système de gestion des risques au ministre de l'Agriculture. Missionné par la Rue de Varenne, M. Descrozaille propose de développer l'assurance récolte (multirisques climatique, ou MRC), sans la rendre obligatoire. Dans ce but, le député suggère « d’appliquer en totalité ce que permet le règlement Omnibus », à savoir porter la subvention sur les cotisations de 65 à 70% et abaisser le seuil de franchise à 20% contre 30% aujourd'hui. Autres outils proposés: la création d'un pool de co-réassurance, et un « dispositif simple d’incitation » offrant aux souscripteurs d'assurances MRC un meilleur accès à la DEP (Déduction pour épargne de précaution). Deuxième pilier de la réforme : l'ancien directeur de Jeunes Agriculteurs et d'Interfel propose une « stricte complémentarité » entre l'assurance MRC et le régime des calamités, réservant l'intervention de l'État aux risques « forts » non assurables. Le fonds national de gestion des risques (FNGRA) « aurait vocation à ne plus intervenir, à terme, en-deçà d’une perte d’au moins 50% », contre 30% actuellement. M. Descrozaille propose d'intégrer les grandes cultures et la viticulture à ce FNGRA rénové, qui pourrait aussi « indemniser, en complément de l’indemnisation d’une MRC, l’écart entre les deux références de rendements » olympique et décennale.

« Un regain de solidarité nationale au bénéfice de l’agriculture (...) est tout bonnement incontournable » pour financer la réforme du système de gestion des risques, estimait déjà le député Frédéric Descrozaille avant les annonces du Président de la République ce 18 mai. Le député a proposé la hausse du subventionnement de l'assurance récolte au maximum permis par le règlement Omnibus qui représenterait un effort « d’environ 300 M€ » pour atteindre 40% de surfaces assurées en viticulture et grandes cultures, et 5% en prairies. Quant à la réforme du FNGRA (renommé « fonds de solidarité nationale pour l'agriculture »), elle pourrait coûter « 400 à 500 M€ ». Pour financer ces mesures, M. Descrozaille identifie « trois sources de financement possibles »: « le retour à un taux de cotisation de 11% sur les contrats d’assurance agricoles (qui avait été abaissé à 5,5%) » pour 60 M€; « une augmentation de deux points de la surprime sur les contrats d’assurance auto et habitation qui finance le régime Cat Nat » (200 M€); et enfin une « augmentation de certaines contributions composant la Taxe générale sur les activités polluantes » versée par les industriels (200 M€). Mais « aucune de ces pistes n’est toutefois, à ce jour, satisfaisante », déplore le député.