Distribution click & collect
Solution miracle ou poudre aux yeux ?

Apparu pendant le premier confinement, le "click & collect" (commande à distance à retirer au magasin, NDLR) a permis à de nombreux producteurs de continuer d’écouler leurs produits. Mais entre les investissements nécessaires et le retour des consommateurs à leurs habitudes, la question de leur pérennisation sur le long terme se pose.

Solution miracle ou poudre aux yeux ?
Dans les drives, les producteurs déposent leurs produits qui sont ensuite regroupés dans des paniers par les gérants du drive avant que les clients ne viennent les récupérer. ©Estelle Teyssier

Animés par le souhait de soutenir l’économie locale et de consommer mieux, de nombreux Français se sont tournés vers les circuits courts depuis le début de la crise sanitaire. D’après une enquête intitulée "La vie d’après" menée du 29 mars au 2 avril 2021 par l’institut d’études ObSoCo, 47 % des Français interrogés indiquent avoir fréquenté des marchés paysans (+ 5 points par rapport à décembre 2020), 42 % s’être rendus directement chez l’exploitant (+ 4 points) et 25 % avoir commandé directement chez le producteur via un site internet (+ 4 points). D’après une autre étude, "Digitalisation du commerce : les attentes des Français en 2021", réalisée par Dalenys avec Opinion Way, 85 % des Français estiment par ailleurs que les commerces auraient intérêt à renforcer leurs services de click & collect. Cette solution, adoptée un peu par défaut par des producteurs empêchés d’écouler leurs stocks à cause des restrictions sanitaires, leur permet de proposer aux clients de retirer leurs achats dans leurs points de vente après les avoir réservés ou commandés à distance.

Des avantages… mais aussi quelques inconvénients !

Viticultrice au domaine Jean-Pierre Rivière basé à Lachassagne (Rhône), Marine Larivière fait partie de ces producteurs qui se sont lancés dans le click & collect. Elle raconte : « Le principe est simple, les consommateurs passent leurs commandes sur la boutique en ligne et nous leur la préparons. Ensuite, ils viennent la chercher, soit pendant nos horaires d’ouverture, soit en dehors et dans ce cas, ils laissent un chèque dans la boîte aux lettres ». Même si elle ne remplace pas son activité principale, la recette se révèle rentable, affirme la viticultrice. Et permet surtout de toucher de nouveaux clients, souvent plus jeunes. « Je conserverai le click & collect après la crise car la digitalisation représente un vrai levier de développement », explique-t-elle. Président de la fédération des associations viticoles de la Loire, Thierry Farjon se révèle lui moins convaincu. « Pour moi, le click & collect représente plus un inconvénient qu’un avantage car il dénature un peu notre activité. Les consommateurs achètent pour une étiquette, sans dégustation, et nous viticulteurs avons l’impression de n’être que de simples distributeurs », regrette-t-il. Même son de cloche du côté de Michel Coillard, apiculteur à la tête du Rucher des nymphes dans l’Ain : « Concilier production et vente n’est pas si simple : cela suppose des investissements matériels mais surtout une charge de travail supplémentaire. Les consommateurs sont-ils d’accord pour payer un peu plus pour rémunérer cette nouvelle offre de service ? » interroge-t-il.

Le monde agricole privilégie le drive

Face à l’investissement financier et organisationnel qu’exige la mise en place du click & collect, le monde agricole a majoritairement privilégié un fonctionnement plus collectif : le drive. D’après le site www.drive-fermiers.fr, quelque 332 drives sont aujourd’hui en activité en France. Le principe reste le même que le click & collect : les clients passent directement commande auprès des producteurs mais ceux-ci, au lieu de devoir gérer la partie vente, « se contentent » de préparer leurs commandes et de les laisser dans les drives qui accueillent les clients. Animatrice circuits courts à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, Estelle Teyssier gère au quotidien deux drives toujours en activité un an après. Elle témoigne : « Avec le confinement, beaucoup de producteurs avaient du stock sur les bras. En face, de plus en plus de consommateurs étaient à la recherche de produits fermiers donc il existait une vraie attente. Pour certains agriculteurs qui exposaient habituellement sur les marchés, le drive peut d’ailleurs se révéler moins chronophage ! » Pour Laurent Joyet de la chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, « si l’activité des drives fermiers a ralenti car les gens reprennent leurs habitudes, beaucoup deviendront pérennes ». Et de conclure : « Cette forme de click & collect n’est pas une révolution mais c’est une opportunité qu’il faut saisir. Elle peut offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs ».
Pierre Garcia