La région Nouvelle-Aquitaine a organisé, fin avril, un débat sur les « circuits courts : utopie ou réalité ? ». Les intervenants ont mis en lumière la complexité d’un phénomène d’apparence simple.

Une question de perception ?

Qu’est-ce que le circuit court ? La question peut paraître simple et finalement chacun y voit ce qu’il veut ou ce qui l’arrange, ont acquiescé les invités de la table ronde organisée par la région Nouvelle-Aquitaine le 29 avril. Pour Thierry Pousson, président de l’Association des coordonnateurs des établissements publics locaux d’enseignement (Aceple), le circuit court, « c’est la région Nouvelle Aquitaine et si possible le département ». Jacques Mathé, professeur d’économie à l’Université de Poitiers, considère que si les circuits courts ont toujours existé, il est compliqué d’en définir les contours, car ce mode de distribution peut se concevoir avec un intermédiaire. « Et si ce dernier vend un produit au Japon ? », s’est-il interrogé. Pour l’académicien Érik Orsenna, les « circuits courts permettent de rencontrer ceux qui produisent notre alimentation », mais il existe un réel « problème lexical ». Le terme renvoie à la fois aux notions de local, de proximité mais aussi de qualité. Or, « quand on nomme mal des choses, cela ajoute à la confusion et le soupçon grandit », a-t-il expliqué. Le sentiment général est partagé par Olivier Beucherie, consultant et formateur en marketing stratégique agroalimentaire. « Pour un producteur, la notion de local sera le département. Mais quand on interroge un rural, le produit local s’évalue à l’échelle du canton », a-t-il expliqué, soulignant le risque de « déception » qui peut accompagner cette notion qui a évolué dans le temps.

« Payer l’enchantement »

Les Italiens qui sont « les Gucci du circuit court », selon les propos de Jacques Mathé, parlent de “produits zéro kilomètre” ». Ils ont, selon lui, mieux su intégrer que les Français la notion de nouveau métier que nécessite par exemple la vente directe. « Il faut être professionnel dans le merchandising, il faut savoir théâtraliser le produit et faire rêver le client », a plaidé le professeur d’économie. « N’oublions pas non peu que la question de temps disponible à consacrer au client est essentielle pour le fidéliser », a-t-il renchéri. Ce qu’Érik Orsenna appelle : « Payer l’enchantement. Le consommateur y est prêt ». Car à la notion de proximité et de vente directe est très souvent liée celle de produit de qualité. Là encore, la notion est fluctuante. Selon les études du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), cette qualité revêt aujourd’hui de “bio”, de “naturel” et de “local”. Il y a 20 ans, elle était plutôt synonyme de “fraîcheur” et de “goût”, a expliqué Olivier Beucherie. Autrement dit, se lancer dans le circuit court, que ce soit en vente directe, en passant par un intermédiaire comme un magasin de producteur ou pour satisfaire les besoins de la RHD* ne s’improvise pas.

* La Loi ÉGAlim oblige les gestionnaires des restaurants collectifs (et donc des collectivités locales) à proposer 50 % de produits de qualité et durables, dont 20 % biologiques, dès le 1er janvier 2022.