Le photovoltaïque sur toitures agricoles est aujourd’hui une vraie opportunité, tant pour financer un bâtiment que pour compléter le revenu d’une exploitation. Rentable du sud au nord du département, des collectivités territoriales l’encouragent vivement à l’image du Grand Autunois-Morvan.
Le 25 avril dernier, David Du Clary, conseiller biomasse énergie climat à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire est intervenu à Autun pour un tour d’horizon informatif sur le photovoltaïsme. Cette réunion était une initiative de la Communauté de communes du Grand Autunois Morvan (CCGAM). Dans le cadre de sa politique Climat-Énergie et de lutte contre le dérèglement climatique, l’intercommunalité avait souhaité organiser une réunion d’information à destination des agriculteurs. Sur son territoire, la CCGAM est favorable à l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures de bâtiments agricoles. Car elle y voit une opportunité de compléter les revenus des exploitations.
Vérifier la solidité de la structure
La centrale solaire prend place sur une construction neuve ou bien un bâtiment existant. Dans le cas d’un bâtiment existant, une déclaration de travaux en mairie suffit alors que pour une construction neuve, il faut un permis de construire, indique David Du Clary. Pour un bâtiment existant, il existe une obligation de vérifier que la structure pourra supporter le poids de l’installation photovoltaïque. Ce travail doit être accompli par un bureau d’études ou un bureau de contrôle et il en coûte quelques milliers d’euros, complète le conseiller qui précise que sans cette étude, l’installation ne pourra pas être assurée. Pour les bâtiments de moins de deux ans, les « notes de calcul » du constructeur peuvent faire l’affaire.
La question du désamiantage
La présence d’amiante est une autre contrainte réglementaire à prendre en compte. « Vous n’avez pas le droit de désamianter vous-même », rappelle le conseiller de la Chambre d’agriculture qui indique que ce désamiantage ne peut qu’être effectué par une entreprise agréée. Le coût de cette opération s’élève en moyenne à 50-60 €/mètre carré. Mais ce désamiantage peut facilement être financé par la production d’électricité d’une couverture photovoltaïque : 4 ans seulement pour une toiture solaire de 1.000 m2, fait valoir David Du Clary. Autrement dit, quand la toiture en fibrociment amianté d’un bâtiment agricole est en mauvais état, la solution passe par le photovoltaïque qui paiera le désamiantage et le remplacement de la couverture.
Location de toiture avec contraintes…
Le photovoltaïsme sur toiture agricole recouvre différentes formules. L’agriculteur peut investir lui-même dans sa propre centrale solaire. Il peut aussi louer sa toiture à un producteur d’énergie ou encore louer son terrain à une entreprise qui construit un bâtiment à toiture photovoltaïque dont l’agriculteur pourra disposer.
La location de toiture est une possibilité qui a l’avantage de dispenser l’agriculteur d’investir lui-même dans une centrale solaire. Il touche un loyer de la part du producteur d’énergie. Ce loyer est moins intéressant que le revenu d’une centrale en son propre nom. Et c’est aussi accepter de devoir « cohabiter avec un locataire dans le cadre d’un bail emphytéotique », met en garde David Du Clary. Cela signifie que ce locataire « est chez lui ; qu’il fait ce qu’il veut ! Il impose aussi des limites à l’usage du bâtiment : on ne peut y stocker de la paille ; ni souder, etc. Il faut bien négocier ce bail emphytéotique ! Il faut aussi penser aux assurances… », prévient l’expert.
Des bâtiments gratuits qui ne le sont pas vraiment…
Dans la même veine, il existe la formule dite du « bâtiment gratuit ». Cette fois, le bâtiment construit par une société locataire du terrain n’appartient plus du tout à l’agriculteur. « Vous pouvez occuper gratuitement le bâtiment, mais vous n’êtes plus chez vous ! », prévient David Du Clary. La forme du bâtiment est alors imposée et il comporte des restrictions d’usage… Le loyer est très modeste et ce type de bâtiment n’est en fait pas gratuit du tout puisqu’au minimum, l’agriculteur doit financer le terrassement et les aménagements qu’il souhaite réaliser sous la construction, nuance l’intervenant.
Les raisons d’investir soi-même
Investir soi-même dans sa propre centrale solaire est aujourd’hui la solution la plus intéressante, estime David Du Clary, surtout pour un bâtiment d’élevage. Certes, cela implique d’investir un montant important. Mais « les banques prêtent plus facilement quand il y a un générateur d’électricité solaire sur le toit ! », confie l’expert.
Produire de l’électricité solaire à injecter intégralement dans le réseau est une opportunité à saisir aujourd’hui. Le risque financier est très faible, assure l’expert. De fait, « en dessous de 500 kWc, le projet est éligible à l’obligation d’achat. C’est un contrat de 20 ans avec un tarif garanti sur la durée, donc un revenu fiable et ce avec une entreprise (EDF) 100 % publique », fait valoir David Du Clary. En outre, le risque technique qu’une exploitation bien conçue produise moins que le prévisionnel est quasiment nul lui aussi.
Si la rentabilité des panneaux photovoltaïques était mauvaise avant 2006, ce n’est plus le cas aujourd’hui, d’autant plus pour une profession qui résonne à 15-20 ans, renchérit l’expert. Le tarif d’achat de l’électricité pour l’injection va de 16,5 à 11,7 centimes d’euros le kWh HT avec un plafond de production de 1.600 kWh/kWc/an en dessous de 500 kWc et 1.100 kWh/kWc/an à partir de 500 kWc. Au-delà de ces plafonds, le tarif d’achat tombe à 4 ou 5 kWh HT.
Rentable de Mâcon à Lucenay-l’Évêque !
Autre composante de la rentabilité d’une toiture photovoltaïque, sa productivité doit être maximisée. Pour une captation optimale des rayons du soleil, la localisation, l’orientation et l’inclinaison de la toiture comptent. L’inclinaison optimale est de 35 degrés, ce qui équivaut à une pente de 70 %. Les toitures agricoles n’ont en général que 25 % de pente (14 degrés). Mais la perte de productivité correspondante n’est que de 6 %, « ce qui n’est pas grave », rassure David Du Clary.
Une orientation plein sud est l’optimal pour des panneaux solaires. Mais même orientés est ou ouest, la productivité d’une toiture agricole inclinée à 25 % demeure proche de 90 % de l’optimum, ce qui reste acceptable, indique le technicien. En outre, à l’échelle de la Saône-et-Loire, la différence de productivité plein sud est somme toute assez infime entre un site très méridional comme Charnay-lès-Mâcon (1.219 kWh/kWc/an) et une station plus au nord tel Lucenay-l’Évêque (1.189 kWh/kWc/an), illustre l’expert.
Le coût du raccordement
Produire de l’électricité solaire avec son propre générateur suppose de « s’endetter quand même un peu », confie David Du Clary. Compter de 75 à 85.000 € HT pour une toiture solaire de 100 kWc ; 170 à 200.000 € HT pour une centrale d’environ 250 kWc. À 500 kWc, il ne faudrait pas dépasser 400.000 € HT, estime l’intéressé. Le coût du raccordement au réseau électrique public dépend principalement de la distance au poste de transformateur le plus proche. « Mais on ne paie que 40 % de ce coût si la puissance est inférieure ou égale à 500 kWc », fait remarquer l’expert. Selon les dossiers, le montant du raccordement oscille entre quelques milliers d’euros à plusieurs dizaines de milliers d’euros, à condition qu’il n’y ait pas besoin de renforcer le réseau, prévient David Du Clary. Ce cas de figure correspond, par exemple, à un hameau en fond de vallée dont le transformateur est limité à 100 kVA. « Les frais de renforcement du réseau peuvent aller jusqu’à 100.000 € le kilomètre et il n’y a que l’étude réalisée par Enedis qui le dit », complète le technicien.
« Un bon placement »
Au regard du produit généré par une toiture solaire en injection, les charges de fonctionnement sont assez modestes (10 à 15 % du produit brut), fait valoir l’expert. Parmi ces charges, il faut compter une télésurveillance, une maintenance préventive, l’assurance et des taxes.
Pour donner un ordre de grandeur de la rentabilité d’une toiture photovoltaïque en injection, David Du Clary fait appel au Taux de Rendement Interne (TRI) qui mesure la rentabilité d’un investissement. Pour une centrale de 100 kWc, ce TRI à 20 ans est de 10 % « ce qui en fait un bon placement », commente l’expert. L’EBE atteint alors 11.000 € HT/an pour une trésorerie nette de 4.500 €/an. À condition qu’il n’y ait pas de désamiantage ni de surcoût de raccordement, le TRI passe à 13 % dans le cas d’une centrale de 300 kWc (34.000 €/an d’EBE et 18.000 € de trésorerie). « Une centrale de 500 kWc peut permettre de dégager 20.000 € d’excédent de trésorerie. C’est une rentabilité significative », conclut David Du Clary.
Indispensable de se faire accompagner
Si la rentabilité d’un projet photovoltaïque est alléchante, la complexité des dossiers, le montant des investissements et le foisonnement des offres commerciales imposent de se faire accompagner par un conseiller neutre, encourage David Du Clary. La rentabilité n’est en effet au rendez-vous que si l’installation a été judicieusement choisie, dans le respect d’un certain nombre de critères techniques. Face à la diversité des offres, il faut être en mesure de faire le tri. En cela, l’expertise de la Chambre d’agriculture est incontournable. Compétente pour réaliser une étude, elle est en mesure d’éclairer les agriculteurs investisseurs dans leur choix grâce à une connaissance des entreprises fiables.
Le cas particulier de l’autoconsommation
Les installations photovoltaïques se partagent entre trois grandes options juridiques. La première et la plus ancienne est la production d’électricité pour la vendre intégralement au réseau. Les deux autres configurations reposent sur de l’autoconsommation de cette électricité solaire avec ou sans vente du surplus non consommé. Tout l’enjeu de ce type d’installation est d’optimiser la production par rapport à la consommation. Le but est de réaliser des économies sur la facture d’électricité en autoconsommant le plus possible, tout en limitant le surplus dont le tarif de rachat n’est pas avantageux. C’est « la coïncidence entre la production et la consommation qui fait la rentabilité d’une installation en autoconsommation », estime David Du Clary qui ajoute qu’il faut trouver le bon équilibre entre la surface de panneaux solaires et la production qui peut être autoconsommée. L’autoconsommation s’avère intéressante pour des productions dont la consommation d’énergie est importante et coïncide avec l’ensoleillement, par exemple la ventilation d’un poulailler standard hors sol, fait valoir le technicien. L’autoconsommation peut s’avérer très rentable à condition que la courbe de consommation s’y prête et que le générateur d’électricité solaire soit bien dimensionné. Il existe des solutions de stockage virtuel où le surplus est livré à un fournisseur d’électricité autre qu’EDF. Mais cela suppose de quitter le tarif réglementé, met en garde David Du Clary qui recommande de bien étudier les propositions.
Agrivoltaïsme : des garde-fous pour qu’il profite à tous…
Si l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures de bâtiments agricoles est une option qui mérite d’être explorée pour la plupart des agriculteurs du territoire, le photovoltaïsme au sol sur terrain agricole est plus controversé. Craignant de voir cette diversification entrer en concurrence avec la production agricole et que certains privilégiés ne l’accaparent au détriment d’autres moins favorisés, la profession a rapidement émis de grosses réserves sur ce dossier. Tout pousse néanmoins à développer les énergies renouvelables et le cadre politique va dans ce sens avec même une loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables. « Il faudra atteindre 100 GigaWc en 2050 et pour y parvenir, il faudra multiplier par 5 la capacité de production d’ici à 25 ans ! On ne pourra pas se passer de centrales au sol », admet David Du Clary. Aussi, la profession (JA 71, FDSEA, Chambre d’agriculture) a-t-elle opté pour « une position argumentée » qui permette au monde agricole de profiter équitablement de cette opportunité. Une des conditions imposées par la profession a été de « ne pas précariser les fermiers ». En effet, les baux emphytéotiques proposés par les promoteurs photovoltaïques astreignent une certaine précarité pour l’agriculteur. La profession leur préfère un bail rural plus protecteur pour l’agriculteur. Un autre enjeu concerne le démantèlement des centrales photovoltaïques. C’est en effet le propriétaire du terrain qui est responsable de ce démantèlement au terme de la durée de vie de la centrale (40 ans). Le coût de ce démantèlement n’est pas encore précisément évalué et il faudra y ajouter les frais de recyclage des panneaux solaires usagers… Une facture salée qui pourrait retomber sur les héritiers du propriétaire. Pour éviter ce type de mauvaise surprise, « la profession se bat pour que le développeur constitue une garantie », confie David Du Clary. Troisième point de vigilance pour la profession, la réalité de l’activité agricole dans le cadre du photovoltaïsme. Si le revenu de l’agrivoltaïsme est très supérieur à celui de l’activité agricole elle-même, le risque est que l’activité agricole soit abandonnée redoute-t-on. Aussi, la profession souhaite-t-elle que l’activité agricole demeure l’activité principale de l’exploitation. Et pour cela, elle demande une limite de puissance installée par agriculteur de 10 megaWc. Enfin, la profession tient à ce que les projets profitent au territoire et au plus grand nombre. D’où l’idée d’un « fond local » qui servirait à financer ceux qui sont moins avantagés. 2.500 €/mégaWh seraient demandées aux développeurs pour financer ce fonds solidaire. « L’idéal serait que chaque agriculteur de Saône-et-Loire puisse avoir 250 kWc sur son exploitation », conclut David Du Clary.