OS et Institut Charolais
Montrer les tendances vers lesquelles aller

Cédric MICHELIN
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Le 11 juillet après-midi, l’heure était à l’efficacité pour l’Institut du Charolais et l’Organisme de Sélection qui tenaient leurs assemblées générales conjointement à la Maison du Charolais à Charolles.

Montrer les tendances vers lesquelles aller
De g. à d., Frédéric Paperin, Jean-Jacques Lahaye, Guy Cassagne caché par Hughes Pichard et Olivier Jame. La semaine prochaine, nous reviendrons sur le débat passionnant avec ce dernier, directeur du site Bigard à Cuiseaux qui tendait la main aux éleveurs Charolais et leur assénait également quelques pics.

« À travaux communs, assemblées communes », commençait Hughes Pichard, président de l’OS Charolais France pour débuter les assemblées générales de l’OS et de l’Institut du Charolais. Le nouveau directeur de l’OS, Guy Cassagne balayait l’activité 2021 de l'OS en revenant sur quelques actualités « fortes » et notamment les « activités déléguées » qui permettent de réaliser plus d’actions au final. L’activité première de l’OS Charolais France reste la tenue du livre généalogique. 4.786 éleveurs - dont 1.697 adhèrent au HBC – ont participé à ce programme en 2021, permettant le pointage de 33.380 adultes (dont 31.125 femelles), soit une « légère érosion » qui suit le « contexte général de l’élevage allaitant » à savoir la perte « significative » d’éleveurs. Néanmoins, la Certification parenté bovins (CPB) est « relativement stable ».
Côté, contrôles de performance, l’activité est déléguée à Eliance (fusion de France Conseil Élevage et dAllice) qui ne peut que constater la « réduction assez marquée » des éleveurs engagés dans le contrôle de performance. En l’espace de six ans, 1.000 élevages et 52.000 vaches sont enregistrés en moins au contrôle de performance, accentuant encore un peu plus « l’érosion constante » de ces dernières années. La race charolaise pèse néanmoins encore pour 40 % environ des VA4 (contrôle officiel des performances en bovins allaitants) au national et un quart des VA0 (éléments de filiation du troupeau seulement). « La pesée éleveur est de plus en plus utilisée », même en VA4 (38 % du total).
Sur l'activité suivante, l’évaluation génétique, 134.736 index ont été calculés sur la précédente campagne, et ce, avec GenEval, une convention signée entre Charolais France et Gènes diffusion pour cinq ans.
Dernier étage de la fusée Charolais France, les travaux en stations d’évaluation. Le cru 2021-2022 aura vu 553 veaux entrés, 548 veaux évalués avec un IMOCR moyen à 106, 414 taureaux qualifiés RJR à la sortie et 88 % des veaux présentés à la vente ont été vendus à un prix moyen de 3.559 €.
Pour finir sur l’activité générale, alors que les financements FranceAgriMer/Casdar se renomment PNDAR, le dossier 2021 comprend un projet de « modernisation du système informatique » (SI) de l’OS Charolais France en lien avec la tenue du livre et les stations d’évaluation. « L’impact sera fort sur les systèmes sur lesquels on travaille, mais demain, il sera adapté à nos besoins, qui ont évolué, avec la collecte de données venant d’horizons variés qu’il faut recevoir, traiter, utiliser… », prévenait le directeur qui en fait sa « priorité ». Les interprofessions y sont aussi « sensibles ».

400 millions d’€ perdus par an !

Mais là n’est pas l’objectif final de ce dossier. Le président de l’OS espère voir ce SI « se développer à l’ensemble des races » rien de moins. Car qui dit gènes d’intérêt ne veut pas forcément dire gènes à conserver car certains gènes « délétères » entraînent des pertes économiques. Ne dit-on pas que sélectionner, c’est éliminer ? « Ce projet vise à garantir la filiation de 100 % des petits mâles et de les génotyper pour repérer ces gènes "à emmerde" » qui font perdre au secteur de l’élevage, et aux éleveurs donc, « 400 millions € par an. C’est énorme ». Hughes Pichard veut gagner en productivité « par le gène » et en confort « avec des animaux utiles ». L’OS espère faire aboutir ce chantier en juin 2023.
D’autres dossiers novateurs sont dans les tuyaux, citons les domaines techniques et de R&D : UniGeno, SiGeno, Effiviande, Precobeef (précocité), Pheno 3D (phénotypage), A-Sec, AI FGE : Espera (pieds), PAtapi (prévision de pesée), CompPes (comportement à la pesée) et en projet avec GRDF : méthane 2030.

Un livre remontant le temps génétique

Hughes Pichard a un autre « vœu pieux » : « ouvrir le livre, pour que la Charolaise qui n’a pas à rougir en tant que première race, ait un livre généalogique montant, et non plus qu’en descendances ». Un « vœu » qu’il sait non partagé de « ceux qui veulent garder leur pré carré ». Mais, insistait-il, « on perdait des éleveurs et personne ne faisait rien. Le conseil d’administration a eu le courage de le faire ». Il rassurait dans la foulée « son intention de garder un livre robuste et un livre en l’état, avec contrôle de toutes les données ».
Et pour démontrer que les pièces du puzzle sont en train de bien s’emboîter, il détaillait plusieurs des projets cités auparavant. « Précocité et viande ne sont pas les meilleurs domaines de la charolaise », resituait-il. Precobeef, tout d’abord : « la précocité existe en charolaise, il nous faut la repérer, la multiplier - pas de trop - pour répondre au marché ». Idem pour la viande persillée (lire la semaine prochaine). Phéno3D ensuite qui doit permettre de « peser l’animal par photos » avec des capteurs donnant le poids et les mensurations. « Cela fait science-fiction, mais ça avance vite ». Toute la filière génétique est impliquée d’Eliance à l’OS pour assurer une « méthode robuste » et fiable.
Pour Hughes Pichard, c’est aussi une preuve des « bonnes relations » de l’OS avec la filière, « les chapelles sont plus poreuses et se comprennent mieux créant de la synergie ». Un pluralisme qui est nécessaire et le bienvenu face à « la perte de 600.000 vaches, soit un milliard de capitalisation, qui n’a fait pleurer personne » hors de l’agriculture ces dernières années. L’OS Charolais France compte bien endiguer cette tendance.

Institut Charolais : produire, communiquer, innover !

Une standing-ovation. En guise d’hommage à Yves Durand, récemment décédé, c’est le bel hommage rendu à la mémoire de « Dudu » qui a tant fait pour la race charolaise : de la recherche à la ferme de Jalogny jusqu’à enrichir le lexique des amateurs de viande, en passant par la mise en avant de l’élevage et de ses métiers, y compris des bouchers. « Il était innovant et avait une vision de l’élevage de nos territoires », le saluait, Jean-Jacques Lahaye, visiblement toujours ému.
L’Institut du Charolais qu’il préside continue de travailler autour de trois grands thèmes pour résumer à grands traits : la production, la communication et l’innovation. Bien que « marquée par la crise sanitaire » encore en 2021, l’équipe de l’Institut « a relevé les défis et a su se relever les manches ». D’abord avec le lycée Wittmer à Charolles pour concevoir de nouvelles gammes de produits, pour achater du matériel afin « d'optimiser le travail » ou encore en formant des apprentis. Ainsi, « l’outil de production » de l’Institut tourne rond sous la direction de Frédéric Paperin. Sur le volet communication ensuite, bien que « chahuté par la crise Covid », l’opération Made in viande a connu un certain renouveau en optant pour le « virtuel », avec un film qui a atteint des milliers de vus sur le web et les réseaux sociaux (50.000 vus), ou encore maintenant au sein de la boutique. « Cela doit nous amener à réfléchir sur comment bien communiquer sur nos métiers à l’avenir avec des messages positifs », s’interroge Jean-Jacques Lahaye, pour toucher de nouveaux publics. Pas question d’arrêter toutefois, le partenariat avec le Festival du Bœuf et son concours ou encore les séjours immersifs avec les apprentis bouchers… Reste qu’avec « moins d’événements en 2021 et plus de temps de production et de prestation aux agriculteurs », le budget est équilibré et l’Institut va continuer « d’innover au service des éleveurs » au sein de sa plateforme technologique. Les analyses sensorielles explorent tout l’univers de la viande mais pas que, avec d'autres produits - même exotique - pouvant valoriser nos territoires, à l'image du Kura de Bourgogne.
Dans le détail, plus de 110 producteurs, bouchers et GMS ont fait appel aux services de l’Institut pour 274 autoclaves, 70.137 verrines produites (+39 %), principalement en bœuf (75 % du total) et ovins mais se développant dans toutes les espèces (porcs, volailles, chevreaux…) et pour 15 % en agriculture biologique. Une diversité qui convient parfaitement aux financeurs, tel le Département. « Tout est lié et ces innovations nous montrent les tendances vers lesquelles les agriculteurs peuvent aller », invitait pour conclure Jean-Jacques Lahaye.