Millésime 2020
Entre potentiel et complexité

Régis Gaillard
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Alors que se profilent à l’horizon des vendanges d’une rare précocité, Jean-Luc Soty, du Centre œnologique de Bourgogne basé à Mâcon-Davayé, nous livre sa vision d’un millésime 2020 qui laisse apparaître certes un beau potentiel mais aussi une vraie complexité.

Lorsque nous nous intéressons à la maturation, nous constatons que « le cycle végétatif de la vigne de ce printemps nous amène une nouvelle fois à un stade de véraison précoce. L'alternance de pluies et de périodes sèches et chaudes durant les derniers mois nous permet de comparer ce stade aux millésimes 2007, 2014 et 2015. À partir de ce stade, pour l'ensemble du Mâconnais, nous observons un certain « patinage » de la maturation jusqu'au 20 juillet ; les précipitations à cette date permettent à la vigne de reprendre un cycle de maturation normal. Tout d’abord sur les pinots puis sur les chardonnays. Nous pouvons noter que l’évolution de la maturité est en général régulière et pas explosive comme nous aurions pu nous y attendre. La présence d’une bonne réserve d’eau et le maintien jusqu’à fin juillet de nuits fraîches pourraient en être les raisons. Les parcelles situées les plus au nord ont subi un blocage plus marqué mais l’évolution actuelle est importante. La différence de pluviométrie semble expliquer cette différence entre le secteur sud et son voisin ».

Pas de réel souci sanitaire

Concernant l’état sanitaire, « il est globalement correct même si des foyers d’oïdium se retrouvent ici et là, pondérant les perspectives de rendements jugés jusqu’à présent bons. Ces derniers dépendront de la pluviométrie avant la récolte, le gonflement des baies restant directement et intimement lié à ces dernières pluies. Les grappes sont souvent lâches, de la place reste pour cette augmentation de volume. En secteur sud, la moyenne fin juillet des prélèvements nous donne une concentration en sucres d’environ 100 g/l ».

L’un des points essentiels qui intéresse les viticulteurs concerne les préconisations relatives aux vendanges. « Comme pour toutes les années précoces, le choix des dates de récolte et l’organisation des chantiers de vendanges resteront déterminants. La connaissance approfondie de ses parcelles et de l’évolution de leur maturation sont deux facteurs clefs de la réussite qualitative ; il ne faudra pas oublier qu’à cette période de l'année, il n’est pas rare de constater une augmentation d’un degré potentiel en trois jours. En effet, l’ensoleillement fin août peut être long et intense et n’a rien à voir avec une maturation de fin septembre. La plage de récolte est ainsi souvent écourtée et l’adaptation de son rythme de travail est à repenser, au risque de voir ses degrés probables exploser et ses acidités s'effondrer. La cueillette par température la plus froide possible devra être privilégiée. L’utilisation des machines à vendanger la nuit, de camions frigorifiques et tout ce qui favorisera le pressurage d’une vendange fraîche devront être mis en place ». En outre, « pour l’ensemble des cépages de notre région, gamay, pinot noir, chardonnay et aligoté, un traitement rapide de la récolte est à intégrer dans l’organisation. Ceci d’autant plus si les températures de récolte sont élevées. Dans le cadre des recherches de réduction de SO2, la bio-protection peut être envisagée en respectant le temps de réhydratation et sa durée de vie avant introduction ».

Suivi quotidien

Dès lors, « il faudra veiller à des départs en fermentation rapides après les débourbages en blanc ou les encuvages en rouge. Pour cela et selon les choix de chacun, l’utilisation d’un pied de cuve « maison » respectant la population levurienne indigène est possible sous réserve de son analyse microbiologique et organoleptique. L’utilisation des levures indigènes sélectionnées liquides prêtes à l'emploi * est également possible ainsi que les LSA. Comme signalé, la protection des jus avant départ en fermentation est très importante. Une couverture continue en CO2 et le travail en contenant plein avant départ en FA permettent de diminuer les risques de contamination microbienne. C’est une fois que le dégagement de CO2 aura débuté que l’ajustement à un volume compatible avec la fermentation pourra être réalisé. L’analyse précise du pH des moûts donnera une bonne indication sur les corrections d’acidité à éventuellement apporter. Plus il sera bas, plus le milieu sera favorable au développement et au bon fonctionnement des levures, ce qui est recherché au début de la vinification. En revanche, un pH au-dessus de 3.35 induira un milieu favorable au développement bactérien pouvant engendrer des difficultés fermentaires. L’analyse des azotes aminé et organique permettra de gérer la nutrition des levures. Le fonctionnement de ces dernières sera optimisé par une oxygénation adéquate des jus fermentant. Enfin, le suivi quotidien des cinétiques fermentaires permettra de déceler toute anomalie et d’intervenir rapidement avant arrêt ».

*Lelista, levain liquide prêt à l'emploi, sélection de souches indigènes, disponible au Centre œnologique de Bourgogne