Vendanges 2023
Vendanges 2023, on fait le bilan

Ariane Tilve
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Du Domaine Faiveley au Château Chamirey, qu’annoncent les récoltes pour le millésime 2023 ? C’est ce qu’ont voulu savoir le préfet de région, Franck Robine, celui de la Saône-et-Loire, Yves Séguy, mais aussi les principaux acteurs régionaux de la filière.

Amaury Devillard, président de l'ODG Mercurey, reçoit dans son cuvage Jérôme Chevalier, président de l'Union des producteurs de vins Mâcon ; Thiébaut Huber, président de la CAVB ; Michel Juillot, maire de Mercurey, et Yves Séguy, préfet de Saône-et-Loire.
Amaury Devillard, président de l'ODG Mercurey, reçoit dans son cuvage Jérôme Chevalier, président de l'Union des producteurs de vins Mâcon ; Thiébaut Huber, président de la CAVB ; Michel Juillot, maire de Mercurey, et Yves Séguy, préfet de Saône-et-Loire.

La Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB) a organisé cette année sa traditionnelle visite régionale en Saône-et-Loire (tournante à tour de rôle avec la Côte-d’Or et l’Yonne), mercredi 20 septembre, pour faire le point sur les vendanges et laisser entrevoir ce que sera le millésime 2023 aux représentants de plusieurs ODG, de la DDT, de la Banque de France ou encore de négociants ou d’élus à l’instar de Christian Morel, en charge de l’Agriculture à la Région et son alter ego au Département, Frédéric Brochot, mais aussi le maire de Mercurey, Michel Juillot.

Erwan Faiveley, septième génération à la tête du négoce et domaine du même nom, a reçu sur son site de Mercurey ce groupe de plusieurs dizaines de visiteurs. Un site de 66 hectares et quinze salariés, qui détient cinq monopoles, dont la framboisière. « Nous venons de terminer les vendanges, précise-t-il. Nous possédons une soixantaine d’appellations différentes » dans tout le vignoble de Bourgogne. Dernier défi à relever pour le domaine, la certification bio. Pour suivre la conversion, Clément Grison, ingénieur agronome, a été embauché l’année dernière en tant que régisseur. C’est lui qui a la lourde tâche aussi de vinifier les parcelles Faiveley à Mercurey mais aussi de chapeauter les vendanges. « Nous avons récolté cinquante hectares à la main, il nous a donc fallu une centaine de vendangeurs ». Particularité de cette récolte, l’inédite vague de chaleur de septembre. Il a donc fallu faire rentrer rapidement le raisin à une température fraîche, d’où des vendanges très matinales, voire nocturnes, mais aussi des chambres froides pour refroidir le raisin avant de le presser « C’est l’un des enjeux du millésime, insiste le régisseur du Domaine Faiveley. Il a fallu être particulièrement vigilant et réactif ». Une canicule tardive qui a légèrement diminué les volumes et accru le nombre de degrés d’alcool de nombre de parcelles. Si la récolte s’annonce prolifique, Mercurey a particulièrement été touché par le violent épisode de grêle de mois de juillet, comme aux alentours (Bouzeron…). « Ces aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, violents et touchent plus particulièrement la Bourgogne », se désole la directrice technique de la CAVB, Charlotte Huber. Des aléas dont Amaury Devillard, président de l’Organisme de défense et de gestion de Mercurey (ODG), a été le premier témoin. Mais à l’heure du bilan des vendanges, alors qu’il nous accueille dans son cuvage puis au Château de Chamirey, c’est une autre épineuse question qu’il soulève, celle de l’emploi saisonnier. « En quelques minutes, j’ai perdu près de 90 vendangeurs, se lamente-t-il. Je faisais appel depuis plusieurs années au même prestataire de services mais, au dernier moment, les saisonniers ont choisi de partir en Champagne ». Il n’est pas le seul à avoir connu un tel revers de dernière minute, sachant que la Champagne attire tout simplement parce qu’elle paie habituellement un peu plus sa main-d’œuvre. Reste à savoir si les vignerons de Bourgogne ne doivent pas s’aligner sur les tarifs champenois, lorsqu’ils en ont les moyens du moins, pour s’assurer une certaine tranquillité à l’heure cruciale de la récolte. Le service Emploi de la FDSEA continue aussi de développer le groupement d’employeurs, Agri Emploi Rural 71, pas que pour les vendanges d’ailleurs.

Rendements et appellations

Autre question annuelle récurrente, celle des rendements autorisés. Ce millésime s’annonce généreux dans l’ensemble et soulève la question des marchés, qui diffèrent selon chaque appellation, bien que la dynamique globale en Bourgogne soit un manque de disponibles. « Si les AOP limitent le rendement dans leur cahier des charges, les vignerons ont toujours la possibilité d’aller jusqu’au rendement buttoir, plus élevé et validé par l’INAO », précise Marion Saüquère, directrice de la CAVB. Pour Mercurey, par exemple, si le rendement AOP est de 57 hectolitres/hectare, le rendement butoir devrait tourner autour des 62-64 hl/ha en blanc, et 58 hl/ha environ en rouge contre 54 hl/ha de limite de rendement AOP. De nombreux Mâconnais ont eux pris le parti de systématiquement pousser jusqu’au rendement butoir qui devrait atteindre les 77 hl/ha cette année. « La demande est en cours de traitement par l’INAO », confie toutefois Marion Saüquère. Le delta est destiné à la distillerie, voire à être enregistré sous forme de Volume complémentaire individuel (VCI). Un volume constitué dans le but de pallier les déficits qualitatifs et quantitatifs d’une récolte donnée à venir. La meilleure des assurances pour les vignerons, ne cessent-ils de rappeler.

Flavescence dorée

La CAVB a enfin interpellé le Département sur les Zones de non-traitement (ZNT) - aujourd’hui dénommées Distances sécurité riverains (DSR) - que certaines associations voudraient voir passer à 150 mètres au lieu des 10 actuellement en vigueur. Mais la question sanitaire de la flavescence dorée et des traitements obligatoires prévus dans la loi, questionnent les professionnels. Frédéric Brochot, vice-président du Conseil départemental en charge de l’Agriculture, son avis est de maintenir la distance actuelle et ne jamais reculer au-delà, comme le souhaitent les associations environnementales. Et alors que le nombre de cas de flavescence dorée dans le sud du département semble exploser, les professionnels, accompagnés de la CAVB, de la Fredon BFC et du SRAI, renforcent le dispositif de prospections précoces sur les nouvelles communes contaminées. Des prospections qui visent à identifier, analyser et éliminer les pieds potentiellement atteints afin d’en limiter la dissémination. Plus d’analyses, c’est aussi et surtout une sollicitation plus importante du laboratoire départemental d’analyse et de son personnel, mais Frédéric Brochot ne semble pas craindre les débordements, Agrivalys étant régulièrement renforcé en vue de cette aide sanitaire à la profession viticole et agricole (FCO…). « Tout est prêt, nous sommes parés », rassure le Conseiller départemental. Reste que les foyers remontant toujours plus au nord de la France (Côte d'Or et Yonne touchés maintenant), le dispositif coûte toujours plus cher en termes de temps pour les vignerons qui font la prospection mais aussi pour les partenaires (Fredon, CAVB, chambres…) associés. Ces équipes sont en partie financées par l’État (SRAI) et la profession (CAVB – ODG/BIVB) via un appel de cotisation obligatoire qui varie selon les années entre six et dix euros/hectare. Cette année, la profession a donc dû augmenter sa cotisation pour amplifier le dispositif de lutte et, justement, le nombre de prélèvements et d’analyses. Les collectivités territoriales participent également, la Région à hauteur de 70.000 € et le Département 20.000 € (La CAVB demande 10.000 € de plus).

Succession

À la fin de cette visite, profitant de la présence de différents représentants de l’État, les professionnels de la filière ont interpellé le gouvernement sur la question des transmissions d’exploitation dont la valeur foncière explose, en raison notamment d’une spéculation tous azimuts, surtout au nord de la Saône-et-Loire. Dans son rapport sur ce sujet, le député de la Marne, Éric Girardin, propose donc de se tourner vers le pacte Dutreil, c’est-à-dire « harmoniser la fiscalité applicable à la transmission à titre gratuit des biens loués par bail à long terme sur le dispositif applicable aux transmissions d’entreprises », comme le rappelle le président du CAVB, Thiébaut Huber. En clair, la CAVB demande une exonération de 75 % sans plafond. Certains, en Saône-et-Loire, sont moins exigeants et proposent de fixer un plafond à 500.000 €, comme le martèle régulièrement le député du Mâconnais, Benjamin Dirx, faisant partie de la commission des Finances à l’Assemblée nationale. Quant à la CAVB, elle formule une autre proposition, celle de « porter l’exonération à 85 % en contrepartie d’un engagement d’affectation des biens à l’exploitation pendant au moins 18 ans, ou encore augmenter l’abattement de droit commun pour les donations entre vifs, effectuées avant un certain âge ».