Fabien Tissier à Uxeau
Miser sur des rations équilibrées et viser l’autonomie protéique

Marc Labille
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Suite à des problèmes de diarrhées sur ses petits veaux, Fabien Tissier a entamé une remise en question complète de l’alimentation de ses animaux. Après avoir rétabli l’équilibre de ses rations, l’éleveur s’est mis à rendre son exploitation plus autonome en protéines et en fourrages. 

Miser sur des rations équilibrées et viser l’autonomie protéique
Pour Fabien Tissier, il est impératif d’équilibrer les rations des animaux pour limiter les pertes et les frais vétérinaires. L’autre levier d’économie consiste à substituer des protéines produites sur l’exploitation aux aliments achetés.

Fabien Tissier est installé sur 82 hectares à Uxeau avec un cheptel d’une soixantaine de vaches charolaises et 70-75 brebis charollaises. Jusqu’en 2021, l’éleveur ne disposait que de 67 hectares pour nourrir une cinquantaine de vaches et 60 brebis. En 2015, les petits veaux ont été victimes d’une épidémie de diarrhée. Les investigations sur cet épisode désastreux ont mis au jour l’origine alimentaire du problème. « Le déséquilibre alimentaire affaiblit les veaux qui deviennent plus sensibles aux microbes et tombent malades », explique aujourd’hui Fabien. C’est bien ce qui s’est produit sur son exploitation. « Avant, je ne calculais pas de ration. Tout se faisait à l’œil, sans pesée ni analyse… ». À l’époque, avec la conseillère à la Chambre d’agriculture Sarah Besombes, le jeune éleveur a entièrement repris en main l’alimentation de ses animaux : bilan fourrager, analyses de fourrages, répartition des fourrages par catégorie d’animaux en fonction de la qualité, équilibrage des rations… « Avant, j’avais tendance à me passer de tourteau parce que cela coûtait cher et dès qu’il y avait un problème, je rajoutais de la céréale parce que j’en disposais sur la ferme. Mais cela ne faisait qu’accentuer les problèmes, car ce n’était pas de l’énergie qui manquait mais de la protéine », confie Fabien.

La première étape a donc été d’équilibrer les rations. Certes, cela a conduit à racheter du tourteau, mais la dépense a été compensée par le moindre gaspillage de fourrage et une santé des animaux retrouvée. « Une ration équilibrée signifie un lait équilibré et donc des veaux en bonne santé », fait valoir l’éleveur qui a vu l’état de ses veaux s’améliorer dès le premier hiver : finies les diarrhées et des frais vétérinaires chutant de 6.000 à 2.500 € par an.

Plus de trèfle dans les prairies temporaires

Conforté par ces résultats, Fabien s’est mis en tête de produire davantage de protéines sur son exploitation pour se substituer aux tourteaux coûteux. Pour obtenir un ensilage d’herbe plus riche en protéines, il a modifié la composition de ses prairies temporaires en incorporant davantage de trèfle. Le mélange de semences comporte aujourd’hui 50 % de trèfle violet avec du ray-grass italien enrichi de ray-grass anglais pour la pérennité de la prairie. « Ce mélange maison revient moins cher qu’un mélange tout fait du commerce », fait remarquer l’éleveur. Pour obtenir une meilleure teneur en protéines, Fabien fait en sorte de faucher « au bon moment en privilégiant la qualité au volume ». « Une année, grâce à un ensilage d’herbe récolté tout début épiaison, je suis parvenu à me passer de tourteau », fait-il valoir.

Du méteil fourrager en plus

En 2020, pour parfaire ses stocks fourragers, Fabien Tissier a aussi introduit dans sa rotation le méteil, mélange de triticale, pois et vesce. Il pratique la technique du semis de prairie sous couvert de méteil. Ce double semis est réalisé début octobre. Le triticale est implanté avec un semoir classique. Pour le semis de la prairie, Fabien s’est équipé d’un petit semoir à la volée qu’il installe sur le relevage avant de son tracteur lors du passage du rouleau. Le méteil d’automne est récolté en enrubannage fin mai. Cette année, l’éleveur en a obtenu 22 bottes de 430 kg équivalents à 8 tonnes/ha. Une quantité de marchandise conséquente, se félicite-t-il. D’autant qu’un mois et demi après, il réalisait une seconde coupe sur la même parcelle, cette fois de foin (10 bottes supplémentaires de 330 kg chacune). Une fois le méteil récolté, le mélange de dactyle, ray-grass, fétuque, trèfle blanc a pris le relais. Il a même pu être pâturé en automne. Cette technique plaît beaucoup à l’éleveur qui va la généraliser dans sa rotation. Le méteil lui permet de récolter plus de tonnage à l’hectare tout en économisant de l’engrais. Grâce aux légumineuses du méteil, 100 kg d’ammonitrate suffisent, informe-t-il.

Du méteil grain aussi

Avec son semoir à la volée, Fabien va même semer des couverts d’intercultures derrière ses céréales. Par exemple du colza fourrager à faire pâturer en automne ou même des engrais verts, « vu le prix des engrais », fait-il valoir.

En 2022, l’éleveur a récolté pour la première fois du méteil grain. Pour ce premier essai, un orage a versé la culture avant récolte et le rendement était un peu décevant : une trentaine de quintaux par hectare mais avec une matière azotée estimée à 18 – 18,5 %, indique Fabien. « Un triticale aurait donné 55 quintaux mais il aurait fallu un désherbage, deux passages d’engrais, un fongicide… Le méteil n’a nécessité qu’un fongicide et seulement 30 unités d’azote », fait valoir l’éleveur qui ajoute que la culture a tout de même produit un volume de paille conséquent. Pour son prochain méteil grain, Fabien ajoutera de la féverole.

Un gain de 10.000 € d’EBE

Ce méteil grain remplacera l’aliment complet distribué aux brebis pour préparer leur agnelage et leur lactation. L’enrubannage de méteil est quant à lui destiné aux génisses en croissance. Complété avec un peu de céréales fermières, il convient bien au laitonnes, confie Fabien qui a pu réduire ses achats d’aliment grâce à ces nouvelles cultures. Parallèlement, le pâturage tournant a produit les mêmes effets en supprimant les nourrisseurs à volonté pour les broutards. Rationnés et complémentés plus tard dans la saison, les broutards réalisent les mêmes GMQ mais à moindres frais, fait valoir l’éleveur.

Entamée il y a environ cinq ans, la remise en question de Fabien continue de porter ses fruits. En 2021, le jeune éleveur assure même avoir amélioré son EBE de plus de 10.000 € et ce grâce à la baisse des charges générée, aliments et frais vétérinaires en moins, estime-t-il. L’efficacité économique de l’exploitation (EBE/produit brut) est en progression depuis trois années consécutives. Elle est passée de 12 % en 2019 à 38 % en 2021, un chiffre qui dépasse le seuil de sérénité recommandé par les conseillers de gestion.

Apprendre de l’observation de ses animaux

Pour mieux appréhender l’alimentation de ses animaux, Fabien Tissier s’appuie sur ce qu’il a appris lors d’une formation sur le comportement animal. « Dès que la ration est équilibrée, on le voit à l’état des bouses ; les vaches apparaissent fraîches, avec un joli poil… Lorsqu’une vache rumine, le nombre de coups de mâchoire à la mastication dit si la ration contient assez de fibres. Il faut aussi observer l’abreuvement, comment elles boivent ; où et comment elles se couchent dans le bâtiment… Une vache qui se lèche souvent derrière l’épaule signifie que la ration est trop riche en protéines », rapporte l’éleveur.

Formation et échange d’expériences

Pour faire évoluer son exploitation vers plus d’autonomie, Fabien Tissier a réalisé plusieurs formations auprès de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Formé au pâturage tournant qu’il a déployé avec succès sur sa ferme, il a intégré le groupe « Herbe Expert » animé par Véronique Gilles. Des échanges au sein de ce groupe lui sont venus l’idée d’implanter du méteil et de tenter de nouvelles associations de cultures. Cette démarche de progrès l’a fait revenir à Alsoni Conseil Élevage qui suit désormais son troupeau charolais en contrôle de performances. Cet outil lui permet de mesurer les progrès réalisés sur son cheptel en termes de performances technico-économiques. Les experts d’Alsoni l’accompagnent aussi pour le calage de ses rations. La démarche de Fabien lui a valu de témoigner dans le cadre programme national Cap Protéines prônant l’autonomie protéique et animé en Saône-et-Loire par Alsoni.