Elvéa 71-58
Désormais en capacité de faire des contrats

Marc Labille
-

En 2019, modifiant ses statuts, Elvéa 71-58 s’est mise en capacité d’établir des contrats entre éleveurs et acheteurs, comme ceux promus dans le cadre des ÉGAlim. La création prochaine d’une AOP nationale va donner un poids supplémentaire aux éleveurs dans les discussions.

Désormais en capacité de faire des contrats
L’équipe d’Elvéa 71-58 au grand complet et à l’heure du Covid-19 sur son site de Charolles : Gaëlle Dorme, Anne-Lise Lamborot, Francine Martin, David Lebeau et Jean-Michel Morel.

Covid-19 oblige, l’association Elvéa 71-58 a tenu son assemblée générale en visioconférence le 6 octobre dernier. Elvéa est une organisation de producteurs non commerciale (OPNC) qui fédère près de 430 éleveurs de bovins pratiquant la vente à des commerçants privés. 69 négociants figurent parmi les acheteurs désignés de l’association. Pour ses adhérents, Elvéa donne accès à des filières (label, IGP, AOP, broutards non-OGM, etc.) et à des services (logiciel de gestion du troupeau, dossier Pac, plans d’épandage et fumures, appuis techniques, etc.). L’association propose aussi une assurance garantie de paiement.

Prêts pour les contrats

En 2019, pour ses trente ans d’existence, Elvéa 71-58 modifiait ses statuts pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation européenne. Au motif d’un risque dénoncé par l’Europe « d’entente sur les prix entre éleveurs et acheteurs », le conseil d’administration ne pouvait plus détenir de collège acheteurs et les commerçants associés prenaient, de ce fait, le statut d’acheteurs désignés. « La facturation des animaux est déléguée aux acheteurs sans transfert de propriété », présentait le président Jean-Michel Morel. Cette modification de statut, dont les démarches administratives se sont prolongées en 2020, a doté l’organisation de producteurs de la capacité à faire des contrats et de favoriser des filières pourvoyeuses de valeurs. « Nous sommes aujourd’hui en ordre de marche pour rédiger des contrats », assure le président qui pense bien évidemment au développement des labels rouges inscrit dans la loi ÉGAlim. « Le principe, c’est que si un commerçant a un marché, alors nous serons facilitateurs ». Mais en date du 15 octobre, aucun contrat type loi ÉGAlim (incluant des indicateurs de coûts de production) n’avait encore été signé en label rouge, révélait-on à la dernière assemblée générale d’Elvéa France. « Si le prix est en face, nous sommes pourtant tous prêts à le faire. À notre niveau, ce sont 150 adhérents d’Elvéa 71-58 qui fournissent déjà 2.500 gros bovins à la filière label rouge Charolais Terroir. Le label est une production à notre portée et cela vaut aussi pour tous les autres signes de qualité », estime Jean-Michel Morel.

« Taper du poing sur la table ! »

La création d’AOP (association d’organisations de producteurs) décidée par Elvéa France ouvre de nouvelles perspectives en ce sens. « Il s’agit de mettre en place un collectif fédérant toutes les associations comme la nôtre, de sorte à instaurer une base nationale de discussion servant de référence aux régions, pour les prix, pour les contrats, en gras comme en maigre. Le but est que collectivement, nous constituions une base d’éleveurs représentant des volumes et capables de taper du poing sur la table. Cela permettrait aux éleveurs de reprendre un peu en main leur destin », explique le président. Cette AOP doit se mettre en place et elle nécessitera un budget qu’il va falloir financer. Mais, « elle est indispensable pour être en mesure de discuter les prix, que ce soit avec les exportateurs ou les abatteurs », justifie Jean-Michel Morel.

Peser collectivement

« Cette perspective fait réagir certains opérateurs », confie le président d’Elvéa faisant allusion à la chute des prix des broutards cet automne. Concrètement, la nouvelle AOP « serait un moyen pour peser efficacement, mais aussi discuter de manière constructive face aux exportateurs ». Car la situation des élevages est très préoccupante, rappelle le responsable. Jusqu’alors, le cheptel de production constitué par les adhérents de l’association était stable d’une année sur l’autre. Mais cette année, la décapitalisation se fait sentir. « Ce n’est pas une bonne nouvelle. Et si faute de revenu il y a moins de production chez nous, alors elle se fera ailleurs, mais pas dans les mêmes conditions », déplore Jean-Michel Morel. « Cette décapitalisation déstabilise encore un peu plus les marchés, même si ces derniers ne sont pas forcément le reflet de ce qu’ils devraient être… », s’agace-t-il. Et le président d’Elvéa d’évoquer le débouché italien : « on nous dit que le marché va mal, mais les animaux partent quand même ! Il y a des marchés qui ne sont pas forcément régis par l’offre et la demande… Les volumes sont équivalents aux autres années, il n’y a pas de raison que les prix baissent ». En viande, le responsable regrette que le Covid-19 ait fait effondrer les volumes de Charolais de Bourgogne. Pour lui, cette IGP est une réponse évidente à la demande d’approvisionnement local dans la restauration collective.

Pas de filière sans plus-value

Donner accès à des filières valorisantes est un peu la raison d’être d’Elvéa. C’est d’ailleurs ce qui explique le maintien du nombre d’adhérents cette année, confirme Jean-Michel Morel. Mais alors qu’il est de coutume de reprocher le manque d’organisation aux éleveurs, il arrive parfois que ces derniers aillent plus vite que ne le prétendent leurs détracteurs… C’est un peu ce qui s’est produit avec la filière broutards « B2E », initiée par Elvéa France. Répondant à la nécessité de lutter contre l’antibiorésistance, il s’agissait de créer une filière pour des broutards certifiés vaccinés. Et l’objectif était d’en tirer une plus-value pour rémunérer l’effort de préparation des animaux consenti par les éleveurs. Des élevages le font déjà, révèle Jean-Michel Morel. Mais aujourd’hui, cette initiative, pourtant critiquée au départ, est étudiée par l’interprofession, explique le président. Et la crainte est que cette vaccination devienne la règle pour tout le monde, mais sans aucune rémunération en retour…

Déploiement de Boviwell…

En dépit du Covid-19, Elvéa 71-58 a pu maintenir ses services aux éleveurs. Ce fut notamment le cas pour son service Pac que les techniciens de l’association ont dispensé par téléphone et en visioconférence. Au printemps dernier, se montrant particulièrement performants, les trois techniciens ont effectué 290 dossiers Pac en seulement un mois et demi de temps. L’association a connu une bonne dynamique aussi pour le logiciel de gestion du troupeau mis à disposition de ses adhérents. En ce moment, Elvéa 71-58 est en train de déployer le dispositif de certification des élevages Boviwell. C’est ce qui remplace la charte des bonnes pratiques d’élevage pour répondre aux attentes sociétales en matière de bien-être animal. « Boviwell est désormais inscrit dans le cahier des charges des labels », informe Anne-Lise Lamborot, technicienne à Elvéa 71-58. Plus exigeant que la charte des bonnes pratiques, le référentiel Boviwell implique un audit de chaque élevage représentant environ une demi-journée de diagnostic. Les critères examinés sont nombreux et concernent les prairies, les bâtiments, le comportement des animaux… À partir des données recueillies sur l’élevage, un logiciel attribue une note qui décide si le candidat est digne d’être en filière label ou non. Ces audits représentent un important travail de terrain pour les techniciens d’Elvéa. C’est aussi un coût conséquent pour l’association, signale Jean-Michel Morel.