Vignerons des Terres Secrètes
Révélis, un nouveau sommet mâconnais

Cédric MICHELIN
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Le 5 novembre à Prissé, les Vignerons des Terres Secrètes dévoilaient leur cuvée « iconique », dénommé Révélis. Un saint-véran qui n’a rien d’ordinaire pour la cave. En tout point unique, ce projet du groupe « jeunes » a débuté en 2016 et a mobilisé l’ensemble des compétences, des savoir-faire des vignerons et bien plus, avec de nombreuses innovations. Il préfigure aussi une montée en gamme, non plus par la base de la hiérarchie mâconnaise, mais plutôt par son sommet.

Révélis, un nouveau sommet mâconnais
Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. La coopérative se met au niveau de vignerons particuliers et des Grands Crus blancs de Côte d'Or. De quoi effectivement emmener tout le Mâconnais vers de nouveaux sommets. Photo : macon-infos.com

Évidemment, le prix va immédiatement attirer l’attention et la curiosité des professionnels du secteur : 39 € TTC la bouteille, soit le double du prix le plus haut pratiqué jusqu’alors aux Terres Secrètes. Un positionnement prix qui ne doit rien au hasard et qui reflète surtout le fruit d’un long travail à tous les niveaux.
Le projet est né en 2016 sous l’impulsion du groupe « jeunes » qui souhaitait alors créer une cuvée « iconique, couronnement de la pyramide » des vins de la coopérative qui se décompose déjà en plusieurs étages : Préludes, Sentinelles, Lieux-dits et Climats. Mais pour obtenir cette « pépite », il faut un travail « sur mesure », volontairement rare et un positionnement tarifaire hors norme. Tout est donc pensé et organisé en conséquence. Les réunions s’enchainent avec tous les services de la coopérative.

Des choix exigeants

Le choix se porte dès le départ sur l’appellation saint-véran. L’idée étant de faire un vin d’assemblage. Au sein de la cave, « un fort potentiel de terroirs diversifiés en saint-véran » est présent de longue date. Les cinq parcelles sont toutes situées sur la commune de Prissé mais avec différentes altitudes et expositions. « Avec l’expertise des vignerons, de la cheffe de culture, du maître de chai… chaque parcelle devient complémentaire des autres pour un vin riche, subtil, fin, équilibré… ». Les « jeunes » vignerons coopérateurs ont su convaincre certains propriétaires-exploitants de l’intérêt de ce projet collectif, pour ensuite s’occuper de la parcelle, de la conduite jusqu’aux vendanges. « Des choix sans concession sont faits : labours plus poussés, voire à cheval, vendanges en vert… » abaissant les rendements de -25 %, autour de 48 hl/ha en 2017. Pour la deuxième édition de Révélis, le millésime 2018 étant « généreux », les « jeunes » font le choix inverse et décident de faire une sélection encore plus drastique. Résultat : seulement 2.500 bouteilles de 2017 et encore moins pour le millésime 2018, avec 1.500 bouteilles pour là encore, « sélectionner les meilleurs jus ». Toutes les bouteilles sont numérotées.

Innovation visuelle et technique

Justement, un gros travail a été effectué sur le packaging. Bénéficiant d’un véritable écrin, la bouteille a fait appel à une technologie innovante dans le monde du vin, qui a nécessité près d’un an de travail aux équipes lyonnaises du verrier Owens-Illinois (O-I). L’impression d’encre est réalisée à même la surface du verre et ce, à 360 °. Un procédé unique en France, nécessitant trois jours de calage avant de lancer l’impression via des milliards de gouttelettes projetées et séchées immédiatement. Une prouesse technologique donc. Mais encore en phase de développement puisqu’il n’était pas possible à date de le faire sur des magnums bourguignons (mais possible sur des bordelais).

Paré pour affronter le temps

À l’intérieur viennent donc se loger des vins élevés durant 24 mois. Levures indigènes, fermentation lente et à basse température… la vinification se veut pointue. Le vin passe en demi-muids de 600 litres. L’élevage se poursuit même en cuve béton ovoïde (forme de ballon de rugby allongé) de 6 hl « pour de meilleurs échanges air-vin et avec les lies ». Le maître de chai ayant déjà une expérience en la matière. Pas de filtration, pas de collage à la mise et des doses réduites de sulfites. « Nous sommes sur un profil atypique de vin et restons vigilants pour que ce vin se garde cinq-sept-dix ans ».

Produits et prestataires locaux

Révélis est aussi la somme des engagements de la cave. Vignerons engagés figurent d’ailleurs sur la « contre-étiquette » - qui n’en est pas une donc – et le choix des matières sèches en est une autre illustration. Verre, carton, tirage… tous les intervenants sont soit régionaux, soit français. À l’exception des bouchons en liège naturel pleine fleur (Portugal). Même le présentoir « luxueux » à la boutique est unique et spécifique. Pas question néanmoins d’opposé luxe et développement durable. Bien au contraire, les Terres Secrètes marient donc ici ces deux valeurs. Ils rajoutent l’engagement social et sociétal en ayant « intégrer des personnes en situation de handicap », notamment pour les vendanges manuelles où d’ailleurs ils ont effectué « un tri sévère des raisins ». Ce fut une vraie « fierté » pour eux de participer à ce projet dès la phase d’organisation des récoltes.

Changer les regards

Alors que Révélis était déjà disponible en pré-commande en mars, le lancement a donc été effectué lors du « second confinement » en ce mois de novembre. Pourtant, à l’image de l’insolente résistance à la crise des vins mâconnais plébiscités en ces temps de Covid-19, Révélis « attirent des fidèles et déjà des nouveaux clients ». Les présentations-dégustations à la presse locale ou parisienne semblent unanimes. De quoi « changer le regard » sur la coopération. « Nous voulions également faire briller l’appellation saint-véran », partage la cave. Une « premiumisation » bénéfique à tous donc et qui préfigure peut-être une nouvelle stratégie de commercialisation. Sans jamais mettre tous leurs œufs dans le même panier (export, GMS, vente directe, etc.), les Vignerons des Terres Secrètes pourraient bientôt rajouter « l’allocation pour certains cavistes ou clients sélectionnés ». De quoi faire encore monter un peu plus le désir… et les prix. Une bonne nouvelle qui pourrait bien rejaillir rapidement sur d’autres cuvées haut de gamme, à commencer par les pouilly-fuissé qui ont obtenu des premiers crus. Que de beaux cadeaux en cette fin d’année…