Crise des fonds Feader avec la Région BFC
Complexité administrative : « vous voulez nous dégoûter ? »

Cédric Michelin
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Après avoir installé un premier enfant en 2017, Philippe Barnaud installait son deuxième fils le 1er janvier 2023 sur l'exploitation familiale à Saint-Germain-en-Brionnais. Une véritable fierté, ressentait-on pour lui. Mais malheureusement, tous déchantèrent en voyant qu’à ce jour, Sylvain n’a toujours « pas touché » sa DJA qui lui est dû. Et la complexité des dossiers est un véritable repoussoir...

Complexité administrative : « vous voulez nous dégoûter ? »

Après avoir installé un premier enfant en 2017, Philippe Barnaud installait son deuxième fils le 1er janvier 2023 sur l'exploitation familiale à Saint-Germain-en-Brionnais. Une véritable fierté, ressentait-on pour lui. Mais malheureusement, tous déchantèrent en voyant qu’à ce jour, Sylvain n’a toujours « pas touché » sa DJA qui lui est dû. Dossier complet, déposé dans les temps, mails de confirmation… l’administratif avait pris du temps, mais avait été consciencieusement rempli. « Heureusement que c’est dans un cadre familial, sinon cela aurait été encore plus compliqué », se tournait-il compatissant vers Mathilde Sutter.

Un autre projet « leur tenait à cœur », en l’occurrence un projet de bâtiment réfléchi en 2021. Crise Covid, guerre en Ukraine, inflation, hausse des taux d’intérêt… « les devis et les tarifs ont changé » fortement depuis, allant presque jusqu’à remettre le projet en question. Ils décident alors de scinder leurs investissements en deux tranches et font les demandes de subventions idoines. Si la première est acceptée et signée en avril, la deuxième convention – déposée en juillet – n’est toujours pas signée. « Soi-disant qu’elle est signée, mais on n’a rien du tout », se lamente Philippe. Pour l’aménagement du bâtiment, ils ont aussi déposé une demande en mai. Début d’année se posait donc la question de savoir si oui ou non, ils montent quand même le bâtiment. Actuellement, ils louent un bâtiment, mais la propriétaire actuelle ne pouvant plus l’an prochain, le couperet tombe : « où va-t-on mettre nos bêtes l’hiver prochain ? ». Décision est donc prise début 2023 de lancer le projet, leur banque les pressant, car ne pouvant garantir plus longtemps « leur taux à 2 % » d’emprunt.

À ce jour, le bâtiment est là et la famille rembourse les prêts. « On a de la chance, car normalement, il faut que les conventions soient signées pour que les banques octroient des courts termes », remercie-t-il son banquier pour sa confiance en eux. Sa crainte liée à l’incertitude actuelle est de voir les deux ou une convention non signée, faisant varier dès lors les taux d’emprunts, vers des taux à près de 5 % au lieu de 2. « Comment on fera ? J’ai les boules pour mes garçons », avait des trémolos dans la voix Philippe qui soutenait le regard des élus régionaux. « Il faudra nous dire si demain, vous voulez encore installer des jeunes éleveurs ? ». Il ne laissait pas le temps aux élus de répondre, tant l’émotion était forte, repartant sur un autre aspect : « la complexité des dossiers avec sans arrêt des clauses compliquées supplémentaires, plus personne n’y comprend rien », remerciant au passage syndicalisme et chambre pour leur aide. « C’est pour nous dégoûter ? », finissait-il par se poser la question à la Région. Il n’était visiblement pas le seul au son soutenu des applaudissements de toutes et tous.

Un encouragement qui libérait la parole d’un autre agriculteur vivant la même situation sur les dossiers Feader avec son fils. « Le bâtiment est planté et on attend », auquel se rajoute pour lui, la perspective d’une retraite en décembre. « Je pense que pour la transmission, c’est moi qui vais faire le banquier pour mon fils », faute pour ce dernier de pouvoir racheter les parts sociales de son père et de son oncle « qui s’est amoché la santé » il y a dix ans. Devant reprendre des prêts pour l’installer alors, « on a fini de rembourser en mai 2023 ». Comme si une mauvaise histoire ne voulait jamais s’arrêter…