163e vente des vins des Hospices de Beaune
Le bien vieillir des hommes, la pérennité des vignes

Florence Bouville
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Le 19 novembre, les Hospices de Beaune ont accueilli leur 163e vente caritative de vins. Pour l’occasion, toute la ville était en fête et les rues du centre abondaient de dégustateurs. Au-delà des fonds récoltés (23,3 millions d’euros), cet événement met en avant une cause sociétale. Cette année, il s’agissait du "bien vieillir", soutenue par deux associations : la Fondation pour la recherche médicale (FRM) et l’Initiative de recherche pour une longévité en bonne santé (IRLB). Quoi de plus lié, à l’heure où la pérennité des vignes constitue une « tâche ardue ».

Le bien vieillir des hommes, la pérennité des vignes
De g. à d., Denis Duverne, président du conseil de surveillance de la FRM, Marie-Anne Ginoux, directrice générale de Sotheby's France, François Labet, président du BIVB, Guillaume Koch, directeur des Hospices Civils de Beaune et Ludivine Griveau, régisseur du Domaine des Hospices.

La valeur patrimoniale des Hospices de Beaune dépasse nos frontières, mais connaissons-nous tous pour autant l’histoire du domaine viticole ? Issu de legs et de donations, ce domaine a connu des périodes troubles, notamment à la Révolution, où bon nombre de surfaces ont été perdues. Aujourd’hui étendu sur 60 ha, 85 % des vignes cultivées s’inscrivent dans des premiers et grands crus. « Le millésime 2023 achève la conversion bio du Domaine », introduit Ludivine Griveau, régisseur du Domaine ; souhaitant avant tout remercier et mettre en lumière son adjoint et œnologue depuis bientôt trois décennies, Sébastien Lecomte, ainsi que « les 23 vignerons qui travaillent à mes côtés ». Par ailleurs, Alain Suguenot, maire de Beaune rappelle que « la vente de charité ne constitue pas le baromètre du vignoble », comme certains pourraient parfois le penser. Cette dernière étant « ordonnée » à sa manière, via les fonds soulevés. De même qu’à l’échelle de la Bourgogne, il n’y a « pas forcément de corrélation entre volume et qualité des millésimes », indique Laurent Delaunay, président délégué du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne). Le secteur étant dernièrement marqué par un « blanchissement », accompagné d’une « montée en gamme des crémants ».

« Tout n’était pas gagné »

Conséquence des conditions météorologiques, « mildiou et oïdium se sont donné le relais toute la saison », précise Ludivine Griveau. Ces difficultés ont donc conduit à des « prises de décisions complexes », poursuit-elle. Autrement dit, au vu de « tout ce qui était sur les pieds, nous avons décidé de ne garder que les meilleurs raisins ». Même s’il est toujours « compliqué de dire qu’on jette des raisins », il s’agissait d’une « action nécessaire, par respect pour tous les acheteurs ». Résultat : « les cuves sont remplies de raisins d’exception », affirme-t-elle. Finalement, malgré un « contexte climatique très chamboulé, les raisins répondent présents ». En effet, il semble que « grâce à ce bouleversement, les vins soient devenus plus gourmands », ajoute Laurent Delaunay. D’ailleurs, c’est un fait, « la variété chardonnay supporte mieux les rendements », tandis que le pinot noir, davantage sensible à la chaleur, « doit être poussé dans ses retranchements », explique Ludivine Griveau. Cette année, les vendanges du chardonnay ont débuté le 8 septembre, suivies de celles du pinot, le 11.

Ainsi, 753 pièces ont été proposées aux enchères, le troisième dimanche du mois de novembre, contre 817 en 2022. Parmi les « 51 cuvées au rendez-vous », 33 comportent du vin rouge et 18 du vin blanc.

« Un fort enracinement des appellations »

Tous les intervenants soulignent le caractère « exceptionnel » de ce millésime. Autre qualificatif cité à plusieurs reprises, celui de « généreux », que ce soit en chardonnay ou en pinot noir. Pour le régisseur du domaine, les appellations sont reconnaissables et distinguables au sein des cuvées, synonyme d’un travail réussi et du maintien de la force du terroir. Tel est donc le « plus beau compliment que l’on puisse faire à un vinificateur ». Via un pressurage des blancs réalisé sans encombre, ont été obtenus des « vins blancs équilibrés, malgré de très grandes maturités ». Au niveau des rouges, « les tanins évoquent des fruits purs qui apportent plus de netteté ».

Du côté de Sotheby’s wine, officiant la vente, la tournée de promotion des vins dans les autres continents (à Mexico, Hong Kong, Los Angeles…) ne compte pas s’arrêter ; « il y a encore du savoir-faire à faire connaître », déclare la directrice générale de Sotheby’s France, Marie-Anne Ginoux.

L’alliance entre patrimoine historique et vins continue de faire bon ménage puisque l’Hôtel-Dieu reste le site touristique payant le plus visité de Bourgogne-Franche-Comté. S’agissant d’un véritable « chef-d’œuvre », témoigne Guillaume Koch, directeur des Hospices Civils. Monument dont la muséographie viendra encore être sublimée grâce au projet de "Grand Hôtel-Dieu", visant également à promouvoir les missions de santé publique (maternité, service gériatrique…).

Une récolte 2023 s'approchant des deux millions d'hectolitres !

La récolte 2023 s’annonce très belle, approchant les deux millions d’hectolitres (1,9). « Les chiffres définitifs arrivent en même temps que les déclarations de récolte », rappelle Philippe Longepierre, directeur du pôle marchés & développement du BIVB. En comparaison, la récolte 2022 était d’environ 1,75 M hl. Tous les ans, de manière raisonnée, de nouvelles vignes sont plantées : +300 ha en 2023, pour un total actuellement de 32.000 ha en production. Avec par exemple des possibilités d’extension dans les Hautes Côtes. Le Chablisien ayant désormais atteint son maximum, après avoir bien progressé.

« En Bourgogne, on a besoin de stock ; les produits amenés à maturité ont un cycle long », indique Laurent Delaunay. Même si « on a pu reconstituer des stocks […] il n’y en a pas encore assez », poursuit le négociant beaunois. « L’espoir est là, grâce à 2023 ». Tous les acteurs de la filière notent, y compris le président du BIVB, François Labet pour la famille viticulture, de ce fait, « plus d’apaisement au sein de la profession ». Dans la mesure où 2022 aura sans aucun doute été une « campagne très dynamique ». D’autant plus au regard des volumes primaires historiquement petits de 2016, 2019 et 2021. Il n’empêche que « les marchés extérieurs manquent de disponibilités et de volumes à commercialiser ». En moyenne, l’export connaît une baisse de 5,9 % en volume et une hausse de 4,8 % en valeur. Surprise générale : le Royaume-Uni se place en deuxième position, juste derrière les États-Unis, avec un bond de 14 % en valeur. Suivi par le Japon, le Canada et la Belgique. Le recul du Canada (-22,7 % en volume et -19 % en valeur) est dû à des problèmes de logistique (abondance de stocks à écouler post-Covid). Regardé de près, le marché australien arrive, quant à lui, en 11e position. Le pays ayant beaucoup misé sur l’éducation des consommateurs et par conséquent, « la Bourgogne en profite », souligne Laurent Delaunay.

François Labet ne cache enfin pas sa « grande peur des accidents climatiques » et au même titre que d’autres interprofessions, le BIVB prépare l’avenir, en visant la neutralité carbone d’ici 2035.

La recherche médicale mise au premier plan

La création de la FRM (Fondation pour la recherche médicale) ne remonte pas aussi loin que celle des Hospices Civils de Beaune. Elle est née au lendemain de la seconde guerre mondiale, en 1947 et soutient annuellement 400 projets de recherche (fondamentale et appliquée), couvrant de multiples maladies. Quatre axes prioritaires ont ainsi été définis : les maladies neurodégénératives, la santé et l’environnement, la médecine réparatrice et les nouvelles maladies infectieuses. « Nous comptons beaucoup sur la pièce de charité pour densifier nos efforts », affirme Denis Duverne, président du conseil de surveillance de la FRM. Aussi appelée "pièce des présidents", elle a été adjugée pour 350.000 €. Cet argent sera également reversé à une jeune association, l’Initiative de recherche pour une longévité en bonne santé (IRLB). « Nous sommes complémentaires à la FRM », déclare Jean-Marc Lemaitre, directeur scientifique de l’IRLB. Les travaux qui y sont menés se focalisent sur le vieillissement ainsi que sur les dénominateurs communs des maladies. N’étant pas tous égaux face au vieillissement cellulaire, il est important « d’évaluer ce processus ». L’IRLB souhaite donc développer une "horloge biologique du vieillissement", interprétable via une unique prise de sang. « Pour cela, les Hospices nous encouragent fortement », se réjouit le directeur.