EXCLU WEB / L’agriculture de conservation, un enjeu écologique et économique

Une conférence du think-tank Agridées a récemment mis en exergue l’agriculture de conservation comme enjeu écologique et économique face à l’érosion des sols… et des rendements. 

EXCLU WEB / L’agriculture de conservation, un enjeu écologique et économique

« Concilier souveraineté alimentaire, eau, biodiversité et climat grâce à l’agriculture de conservation des sols », tel est le défi que compte relever l’Association pour une agriculture durable (Apad) invitée à débatte de ce sujet avec Agridées mi-décembre.

Chaque année, 26 milliards de tonnes de terre arable sont perdues, a lancé Jean-Pierre Sarthou, enseignant-chercheur à l’Inrae et à l’Ensat de Toulouse. « Certains affirment que ce sont 75 milliards de tonnes. En tout cas avec 26 milliards de tonnes, on recouvrirait les 29 millions d’hectares de la SAU française sur une couche de 30 cm en quatre ans seulement ». Guillaume Benoît, ancien conseiller au Conseil général du ministère de l’Agriculture (CGAAER) et membre de l’Académie d’agriculture, a signalé qu’un seul cyclone à l’île de la Réunion peut faire disparaître 20 cm de terre arable. En Tunisie où les précipitations sont très irrégulières, quand il pleut fort, « le sol est recouvert de cinq centimètres de boue. Ce sont les meilleures terres qui partent. Si on passait au semis direct, on pourrait éviter la débâcle. Une des solutions à la politique de l’eau est l’agriculture de conservation des sols », a témoigné Salah Lamouchi, agriculteur et président de l’Apad Tunisie.

La vie du sol contre le ruissellement 

L’agriculture de conservation des sols (ACS), en développant la vie du sol par un couvert végétal presque toute l’année, fait proliférer des plantes, dont les racines qui creusent des pores dans le sol. De plus, les hyphes des champignons et certaines bactéries fabriquent également des pores qui permettent à l’infiltration de l’eau et son non-ruissellement, a expliqué Jean-Pierre Sarthou. Une fois infiltrée, « l’eau est retenue par la matière organique qui a une fonction d’éponge », a-t-il précisé. Résultat : « Le rendement des cultures croît avec l’âge du système ACS ». Citant Frédéric Thomas, agriculteur en Sologne et spécialiste de l’ACS, il a indiqué que dans un tel système l’irrigation n’est pas nécessaire. Au contraire, des terres irriguées produisent 65 quintaux /ha, là où des terres non irriguées en ACS en font ressortir 85, grâce à l’absence de ruissellement, à l’effet éponge et aux microorganismes. Jean-Pierre Sarthou a rappelé les trois grands principes de l’ACS : la couverture permanente du sol, le semis sans travail du sol, la plus grande diversité possible des cultures. 

 

Érik Orsenna : « Productivisme ? Je suis content quand les agriculteurs produisent » 

Érik Orsenna : « Productivisme ? Je suis content quand les agriculteurs produisent » 

Lors de cette conférence d’Agridées, Érik Orsenna, économiste et académicien, a été invité pour une « mise en perspective ». Il a rappelé que la question de la faim dans le monde « n’est pas réglée » (« un habitant sur huit ne mange pas à sa faim »). « Quand j’entends parler d’agriculture productiviste, je suis content de voir que les agriculteurs produisent ! », s’est-il exclamé. Il a mis en garde contre les raisonnements compartimentés, « en silo », qui ne s’attèlent qu’à un aspect d’un problème et non à son ensemble. Ainsi, à propos du commerce international, il a estimé que les échanges commerciaux ne doivent pas être considérés comme un impératif absolu et qu’il faut en évaluer les effets sociaux et environnementaux. « Ce n’est pas forcément en les développant qu’on aura la paix », a-t-il souligné, rappelant la nécessité de faire le lien entre les problématiques et non en les cloisonnant. Il développe cette vision des choses dans un livre qu’il est en train de rédiger avec l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie.