EXCLU WEB / Une « année compliquée » pour les semenciers

L’interprofession des semenciers, Semae, s’est inquiétée le 13 décembre, dans une conférence de presse des conditions difficiles dans lesquelles les multiplicateurs et les entreprises ont dû faire face pour conserver leurs capacités de production.

Comme beaucoup d’entreprises dans le secteur agricole, les multiplicateurs de semences ont passé une année 2022 particulièrement compliquée entre hausse des coûts de production consécutive à la guerre en Ukraine (énergie, intrants…), sécheresse, chaleur. « L’année a été compliquée pour la filière », a résumé François Desprez, président de Semae. « Quant aux résultats techniques, ils ont été globalement mauvais », a renchéri Pierre Pagès, vice-président. Le maïs n’a atteint que 70 % de ses objectifs, la production de semences de betteraves est en recul de 17 %, celle des fourragères de 13 % et celles de protéagineux de 8 %. Quant aux surfaces de tournesol semences, elles ont accusé un repli de 13 %. « Nous devons malgré tout conserver notre compétitivité et notre place de premier producteur européen et de premier exportateur mondial », a soutenu Pierre Pagès. Il est vrai que la filière semences a réalisé, sur la saison 2021/2022, un excédent commercial d’1,109 milliard d’euros. Rester en haut du podium suppose une « mobilisation renouvelée », a insisté François Desprez qui a listé les défis auxquels la filière est d’ores et déjà confrontée : Souveraineté alimentaire, sécurité alimentaire, transition écologique, juste rémunération des acteurs de la filière. Semae a proposé la mise en place d’une organisation de producteurs de semences, « qui s’inspire de l’OP de plants de pommes de terre », a concédé Pierre Pagès. L’objectif est des « s’organiser et de peser face aux établissements semenciers comme le prévoit la réglementation européenne », a indiqué le président de l’interprofession.

 

NBT/NGT

 

Les dirigeants de Semae entendent surtout maintenir les capacités de production de la filière en maitrisant l’utilisation de l’eau et en ayant recours aux produits phytosanitaires en l’absence d’alternatives. Ils demandent à ce titre, que les pouvoirs publics s’engagent plus dans la recherche et l’innovation et notamment de développer les partenariats publics-privés « car ce sont ceux qui sont les plus fructueux », a souligné François Desprez. Ce dernier souhaite aussi que le Gouvernement et les parlementaires reviennent au doublement de l’assiette du Crédit impôt recherche (CIR) pour permettre aux instituts publics comme l’INRAE de poursuivre leurs travaux. « Les new breeding techniques (NBT) ou New Genomics Techniques (NGT) sont une des solutions pour répondre aux attentes du Green Deal et du Farm to Fork », a insisté le président de Semae. Il s’interroge toutefois sur le chemin que prendront ces NBT. Pour lui, il ne fait cependant guère de doute que l’Europe entendra privilégier la voie de la résistance au changement climatique (stress abiotique) plutôt que celle de la tolérance aux produits phytosanitaires. « Mais le débat se complique. Autour gravitent des questions comme l’accès aux technologies, au droit de la propriété intellectuelle (…) Je ne fais pas de pronostic (…) Il n’y aura pas de révolution du jour au lendemain », a-t-il affirmé. Pour pérenniser la filière, Semae entend enfin « renforcer l’attractivité des métiers », à travers les salons, les forums et différents cursus de formation ainsi qu’à travers différentes campagnes d’information comme Semeurtime (à destination des collégiens et lycéens) ou le Concours prairies qui a pour auditoire-cibles les Bac +2/3

 

 

Russie et Ukraine : les Français toujours actifs

Les semenciers français sont toujours présents en Russie et en Ukraine. Selon Nicolas Perrin, directeur des affaires internationales de Semae, pas moins de 15 entreprises françaises exercent toujours une activité en Ukraine et 30 présentes sur le sol français commercent avec ce pays. Mais entre 2021 et 2022, le flux des exportations a baissé de 36 % a-t-il précisé. Très au fait de la situation, il a indiqué que les semis d’hiver avaient été fortement perturbés et que l’incertitude était totale pour les semis de printemps. « En fait, le grand sujet, c’est le financement de l’agriculture, car les trésoreries des agriculteurs ont été fortement impactées par la guerre », a-t-il précisé. Concernant la Russie, les semences ne rentrent pas dans le champ des sanctions économiques et politiques. Les entreprises françaises sont libres d’exporter et de faire face à leur conscience, a en substance soutenu François Desprez. Cependant, Vladimir Poutine entend s’affranchir de sa dépendance aux semences occidentales. Pour les entreprises françaises, l’exportation va devenir plus compliquée encore, d’autant que depuis le début du conflit avec l’Ukraine, le cours du rouble s’est renforcé.