Influenza aviaire
La filière volaille de Bresse ne veut pas être grippée, bien au contraire

Cédric Michelin
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Le 17 décembre, à l’occasion des Glorieuses de Louhans, le Préfet de Saône-et-Loire répondait à l’inquiétude de la filière avicole face à la multiplication de cas d’influenza aviaire, en participant à une table ronde avec ses services et les représentants de la filière. Au menu, une filière qui ne veut pas être grippée, bien au contraire.

La filière volaille de Bresse ne veut pas être grippée, bien au contraire
De g. à d., Jean-Paul Tréboz, Jean-Pierre Goron, Anne Costaz, le préfet Yves Séguy, Bernard Lacour et Philippe Deborde, sous-préfet à Louhans.

Vice-président du Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse (CIVB), l’éleveur de Varennes-Saint-Sauveur, Laurent Marquis ne cachait pas être parfois, voire souvent, en « désaccord » avec la réglementation sur la gestion de la lutte contre l’influenza aviaire. Que ce soit sur la « réduction des surfaces de parcours » ou sur la claustration pure et dure des volailles de Bresse. Et pour cause, « nous avons figé une race rustique qui fait sens (dans le cahier des charges de l’AOP, NDLR) mais sans modification de son comportement », rappelait-il, avant d’expliquer les conséquences dramatiques : hausse de la mortalité et déclassement en raison des « piqûres » des volailles, se mutilant entre elles. « C’est technique mais surtout ce sont de nouvelles contraintes qui découragent les éleveurs. Les mises en place baissent », s’inquiète-t-il déjà. Car, la filière n’échappe pas à la démographie générale et au vieillissement de ses éleveurs. Les mises en place s’en ressentent. En 2016, l’AOP Bresse comptait 950.000 volailles, puis 815.000 l’an dernier et en 2023, le CIVB prévoit 720.000 mises en place.

Le délicat équilibre biosécuritaire

Directrice de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), Anne Costaz tenait à rappeler n’être « pas décisionnaire », ne faisant qu’appliquer les directives ministérielles sur la grippe aviaire. Concernant la découverte récente d’un foyer dans un Esat à Montret dernièrement, elle reconnaissait que le foyer ne concernait pas l’atelier de volailles de Bresse mais bien, malheureusement les « oies en plein air qui ont certainement été confrontées à des oiseaux migrateurs », à ce stade de l’enquête. En attendant les analyses génétiques de la souche hautement pathogène qui a tué les palmipèdes, les 2.800 gallus à côté ont pourtant été abattus. Anne Costaz rappelait les derniers avis et évaluations de l’Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire – réaffirmant que « la mise à l’abri des volailles reste la meilleure biosécurité » pour l’heure face au risque de contamination par l’influenza, nuançant que cette claustration peut avoir des « adaptations selon les spécificités ».
Représentant également le CIVB, Anthony Marmeys réagissait à une règle particulièrement inadaptée en Bresse. « Si l’on doit claustrer toutes nos volailles se trouvant à moins de 500 mètres d’un point d’eau, et les biefs sont considérés comme des cours d’eau, alors on enlève 70 % de la production. Si on applique à la lettre vos règles, c’est la fin des éleveurs », alertait-il.

Une épée de Damoclès sur la Bresse

Si le préfet, Yves Séguy comprenait bien ce sentiment d’injustice s’abattant soudainement, il rappelait quelques points essentiels. « Ce n’est pas un problème de santé humaine et on saura le dire aux consommateurs », la consommation de viandes de volailles ne risque rien. Le Préfet veillera à les rassurer au besoin. Ensuite, concernant la gestion de l’influenza, le préfet mesure « les difficultés » de la mise en application de la réglementation. Il se montrait néanmoins confiant, en regardant Jean-Pierre Goron, pour trouver un juste équilibre pour bien se protéger de la faune migratrice. Ce dernier, directeur de la DDT71, a alerté les services ministériels pour obtenir des « soutiens de l’État », notamment pour aider les éleveurs, accouveurs, producteurs d’œufs et même l’aval qui subissent des pertes liées à l’influenza.
Plus délicat, Yves Séguy parlait de la « tendance de la maladie à devenir endémique », donc présent dans la faune sauvage locale toute l’année. Là, il demandait à la filière, et à l’AOP en particulier ce jour, « de revoir vos cahiers des charges pour devenir résilient face à l’influenza ». Anne Costaz confirmait à demi-mot : « il faut limiter le risque d’apparition de nouvelles maladies alors qu’il va falloir apprendre à vivre avec l’endémie » de grippe aviaire.
Pas de quoi rassurer donc les éleveurs. Ces risques « critiques » menacent de l’accouveur Béchanne, aux délais de livraison des poussins à rallonge jusqu’aux vides sanitaires plombant la rentabilité des éleveurs.

Le président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Bernard Lacour appelait donc chacun à bien mesurer « l’identité » que véhicule l’AOP volaille de Bresse pour la Saône-et-Loire toute entière. La volaille de Bresse est également une source de diversification pour certaines exploitations. « Nous sommes à un tournant », n’hésitait-il pas à prédire pour la filière volailles de Bresse, sachant les besoins de l’accouvoir de Béchanne et les difficultés à trouver un accord entre régions pour financer les travaux. Mais pour Bernard Lacour, il faut « s’appuyer sur l’intéressant travail du CIVB (lire en page HH) pour donner envie aux jeunes de devenir éleveurs de Bresse » mais en veillant à « un équilibre rémunération-épanouissement ».
Le président de la Société d’Agriculture de Louhans, Jean-Paul Tréboz ne pouvait qu’approuver ce discours lui qui œuvre à promouvoir la volaille de Bresse de longue date. « On sait que gustativement, nos volailles sont différentes et meilleure mais le client doit l’apprendre pour comprendre la différence de prix » aussi. Conseillère départementale, Mathilde Chalumeau réaffirmait le soutien sans faille du Département, « mettant justement dans l’assiette des collégiens » ce pan du « patrimoine » qu’est la volaille de Bresse. « Sans volailles de Bresse, la Bresse ne sera plus la Bresse », insistait Jean-Paul Tréboz bien décidé, comme tous, « à se remonter les manches », comme avait appelé le préfet Séguy.