Viande bovine
La crise a bouleversé le marché

Cédric MICHELIN
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Hausse des achats à domicile, renationalisation de la consommation, explosion du steak haché, dégringolade des jeunes bovins : les conséquences de la crise actuelle sont multiples, selon l’Institut de l’élevage (Idele). 

La crise sanitaire actuelle a entrainé de profonds bouleversements des flux de commercialisation de la viande bovine en France depuis le début de l’année, dont certains pourraient être durables. C’est le principal enseignement qui est ressorti des analyses économiques présentées par l’Institut de l’élevage (Idele) fin 2020. Premier constat qui ressort de l’analyse de cette atypique année : les consommateurs privés de lieux de restauration pendant de longues périodes cette année se sont massivement reportés sur les achats au détail. « En cumul du 1er janvier au 30 septembre, les achats de bœuf à domicile (piécés et hachés, hors élaborés) ont progressé entre 2019 et 2020 de +5,5 % par rapport à l’année dernière et de +7,5 % en chiffre d’affaires », a expliqué Caroline Monniot du service Économie des filières de l’Idele. Sur neuf mois, l’évolution globale de la consommation, estimée cette fois par bilan, reste cependant négative, avec une baisse de 2,5 %. La situation est particulièrement contrastée suivant l’origine des produits. Les séquences récentes ont en effet plutôt bénéficié à la viande française, dont les achats ont progressé de +1,2 %, tandis que les importations affichaient une baisse de plus de 15 %.  « La fermeture des restaurants a surtout pénalisé la viande bovine importée qui est majoritairement commercialisée dans ces circuits », observe Caroline Monniot. À l’inverse, la viande bovine française (VBF) a bénéficié d’une demande soutenue en GMS et en boucherie. « En outre, on a assisté pendant cette période à une envolée du steak haché, qui est essentiellement produit en France, pour le frais en tous cas ».

L’envol du steak haché 

Le nouveau boom du steak haché est en effet un autre phénomène remarquable de cette année, ont constaté les experts de l’Idele. « C’est une tendance de fond que l’on constate depuis plusieurs années en grande distribution comme en restauration », observe Caroline Monniot. Lors du premier confinement, les achats de viande hachée en grande distribution ont connu un bond de 31 % en frais et de 57 % en surgelé, d’après l’institut Nielsen. « Même si la tendance s’est tassée lors du déconfinement, les ventes sont restées dynamiques, notamment en frais, et ont redémarré lors du couvre-feu et depuis le début du deuxième confinement », souligne l’analyste. Cette lame de fond est à double tranchant. « La consommation de haché n’a pas été freinée par la hausse des prix, ce qui montre l’intérêt des consommateurs pour cette catégorie », indique Caroline Monniot. Mais ce déplacement spectaculaire de la consommation tend à déséquilibrer la valorisation de la carcasse et aboutit à un appauvrissement économique. « Beaucoup de pièces à griller, qui étaient vendues en restauration, sont aujourd’hui vendues en haché, à un prix bien évidemment moindre. La hausse des prix du haché est aujourd’hui insuffisante pour compenser ce déséquilibre », estime la responsable du service Economie. Enfin, la chute de la demande extérieure risque également d’avoir des impacts durables sur la filière. « Si les exportations ont globalement mieux résisté que les importations, la chute de la demande extérieure a particulièrement affecté certaines catégories, en particulier celle des jeunes bovins (JB) », souligne Caroline Monniot.  Les débouchés traditionnels des taurillons finis, que sont l’Italie ou la Grèce où l’on apprécie cette viande maigre, ne sont plus acheteurs, entraînant une dégringolade des prix depuis le début de l’année (lire page 3). « Il faudrait trouver des pistes pour valoriser ces animaux sur le marché intérieur français, peut-être avec la restauration collective », conclut Caroline Monniot. « C’est un sujet d’actualité majeur pour la filière bovine française ».