Zéro herbicide
Un vrai choix à assumer

Régis Gaillard
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C’est en 2019 que les Chambres d’Agriculture ont calculé le coût du passage au zéro herbicide dans 18 domaines du Val de Loire, de la Vallée du Rhône, de la Bourgogne, du Beaujolais, du Bordelais, du Cognaçais, de l’Hérault et de la Champagne. Avec, à la clé, des résultats particulièrement instructifs.

Un vrai choix à assumer

Pour ce qui est de notre région, le travail a été effectué par la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire en étroite collaboration avec le BIVB. L’étude a été réalisée à l’échelle du vignoble Mâconnais. Quatre cas types ont été détaillés pour être représentatifs du vignoble.

Quatre cas type

À savoir, dans le premier cas, un système coopératif avec 100 % des raisins livrés en cave coopérative, une surface de vignes de 12 hectares, une densité de 7.600 ceps par hectare et un écartement des rangs faible (1,3 m entre rangs). Avec, côté production, 84 % en appellations régionales et 16 % en appellations communales, le rendement moyen étant de 61 hectolitres par hectare. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un système mixte avec livraison au négoce de 50% en raisin et 50% en moût. La surface est de 8 hectares, la densité de 7.600 ceps par hectare et l’écartement de 1,3 m entre rangs. Avec, côté production, 84 % en appellations régionales et 16 % en appellations communales, le rendement moyen étant de 61 hectolitres par hectare. Dans le troisième cas, il s’agit d’un système avec 75% du volume vendu au négoce et 25% en bouteilles. La surface est de 8 hectares, la densité de 7.600 ceps par hectare et l’écartement de 1,3 m entre rangs. Avec, côté production, 80 % en appellations régionales et 20 % en appellations communales, le rendement moyen étant de 60 hectolitres par hectare. Dans le quatrième cas, il s’agit d’un système avec 50% vendu au négoce et 50% en bouteilles. La surface est de 6 hectares, la densité de 7.600 ceps par hectare et l’écartement de 1,3 m entre rangs. Avec, côté production, 60 % en appellations régionales et 40 % en appellations communales, le rendement moyen étant de 59 hectolitres par hectare.

Pertes de rendement

Les différentes hypothèses de perte de rendement sont issues d’observations sur des exploitations ayant réalisé des changements de pratiques d’entretien des sols à la suite de l’arrêt du désherbage chimique (en particulier lors d’une conversion à l’agriculture biologique), surtout dans les premières années. L’expérience de systèmes en transition de pratiques montre un retour à un rendement d’équilibre qui reste généralement inférieur à celui de départ après acquisition de la technique (entre deux et trois ans). Ces hypothèses permettent de tenir compte de la mortalité des ceps qui augmentera plus ou moins selon la maîtrise technique du viticulteur et sont liées au contexte d’exploitation et au niveau de performance des pratiques d’entretien des sols. Dès lors, la perte de 10% de rendement a été retenue car réaliste. La perte de 10% est effective pour la période de transition des pratiques de travail du sol. Les chutes de rendement les plus importantes sont liées à la destruction de l’enracinement superficiel par des labours trop profonds combinés à un enherbement mal maîtrisé et/ou une fertilisation insuffisante dans des sols limités en matière organique et éléments minéraux. Par ailleurs, sur les parcelles les moins adaptées pour le travail sur le rang, le risque de blessure voire d’arrachage de ceps augmente davantage la baisse potentielle de productivité. Cette hypothèse n’est cependant pas prise en compte dans les calculs tant sur le rendement que sur les frais de complantation. Quel que soit le niveau de baisse des rendements, le retour à une production au plus près de la productivité initiale des vignobles dépendra de l’investissement technique, financier et de formation des vignerons ou de leurs salariés. Parallèlement, l’accompagnement des vignerons dans leurs efforts de changements de pratiques devra être une priorité pour la filière viticole.

Augmentation conséquente du temps de travail

Dans le premier cas, la hausse du temps de travail est estimée à 98h, soit 8h de plus par hectare. Dans le deuxième cas, on arrive à une augmentation de 123h, soit 15,4h de plus par hectare. Dans le troisième cas, c’est + 75h, soit 10h de plus par hectare. Enfin, dans le quatrième cas, c’est 45h de travail supplémentaire, soit 8h de plus par hectare. Dans tous les cas, un travail manuel (pioche) semble inévitable afin d’éliminer les adventices qui ne sont pas détruites mécaniquement. En outre, une main d’œuvre hautement qualifiée est mobilisée pour ces opérations mécaniques. Côté investissements, tout dépendra du stade d’anticipation parcouru par l’exploitant. Cela prendra la forme d’interceps, de griffes, de tondeuses, d’outils divers de travail sous le rang….

Une réelle charge financière

Lorsque l’on choisit de passer au zéro herbicide, l’impact financier est donc plus ou moins important selon sa structure. Ainsi, pour le premier cas, il y a une augmentation des charges totales par hectolitre de 12%. À cela vient surtout se rajouter dans le même temps une perte de rendement de 10% qui peut donc faire varier considérablement la facture finale selon le niveau de valorisation de chacun.

Quelqu'il soit, le coût d’entretien du sol avec herbicides est de 744€ par hectare. Le seul coût d’entretien du sol après arrêt des herbicides passe à 914€ par hectare. Soit une évolution de 23% et une hausse de 170€ par hectare. Dans le deuxième cas, l’augmentation des charges totales par hectolitre est de 15%. Le coût d’entretien du sol passe de 893€ par hectare à 1.426€ par hectare. Soit une évolution de 59% et une hausse de 533€ par hectare. Dans le troisième cas, l’augmentation des charges totales par hectolitre est de 12%. Le coût d’entretien du sol passe de 988€ par hectare à 1.248€ par hectare. Soit une évolution de 26% et de 259€ par hectare. Dans le quatrième cas, l’augmentation des charges totales par hectolitre est de 11%. Le coût d’entretien du sol passe de 1.249€ par hectare à 1.270€ par hectare. Soit une évolution de 2% et de 21€ par hectare.

Des coûts difficiles à répercuter

Evidemment, une telle hausse de charges ne peut être directement et rapidement absorbée. Toutefois, quelques pistes d’adaptation ont été étudiées. A savoir augmenter la valorisation pour compenser l’augmentation du coût de production à l’hectolitre, sensibiliser le consommateur à la qualité environnementale « Zéro Herbicide » pour l’acceptation du prix de la bouteille et optimiser les équipements matériels par les solutions Cuma ou copropriété. Sans oublier le rôle des politiques publiques, des acteurs du conseil et de la formation dans l’accompagnement à la transition.