Crise ukrainienne
Danger sur la prochaine récolte mondiale de grains ?

Selon l’analyse de FranceAgriMer, le déclenchement d’un conflit majeur entre la Russie et l’Ukraine va menacer l’approvisionnement en engrais indispensables pour assurer la sécurité alimentaire de la planète. 

Danger sur la prochaine récolte mondiale de grains ?

Lors du conseil spécialisé "grandes cultures" du 16 février, avant la déclaration de Poutine reconnaissant les séparatistes pro-russes ce lundi 22 donc, FranceAgriMer s’est penché sur la crise ukrainienne et l’approvisionnement en engrais des pays importateurs de fertilisants. Jusqu’à présent, les prix des hydrocarbures et des engrais augmentaient mais l’approvisionnement des marchés n’était pas remis en cause.

Cependant, si la crise ukrainienne s’envenimait, le conflit pourrait s’étendre sur les marchés des fertilisants, alertait FranceAgriMer, entraînant alors une potentielle pénurie d’engrais. Le développement des cultures n’étant plus assuré, la sécurité alimentaire de la planète pourrait en souffrir, selon l’analyse de FranceAgriMer.

Situation délicate

La Biélorussie et la Russie font en effet partie du cercle restreint des pays exportateurs d’engrais de la planète. La Russie occupe une part importante des marchés intermédiaires des engrais azotés, intermédiaires et finis. Plus de 40 % des exportations mondiales de potasse sont bélarusses et russes. Aucun autre pays exportateur d’engrais n’est en mesure de prendre le relais si la Russie et la Biélorussie sont dans l’impossibilité d’abonder les marchés en fertilisants.

Pour le moment, la commercialisation des céréales dans le bassin de la Mer Noire et dans la mer d’Azof n’a pas été affectée par les exercices navals russes. Le détroit de Kertch reliant les deux mers n’a pas été fermé au trafic maritime. Par ailleurs, l’Ukraine a déjà vendu 17,6 Mt de blé, soit 76 % du disponible exportable, 15,5 Mt de maïs (45 %) et 5,6 Mt d’orges (96 %). Le pays exporte la quasi-totalité de ses céréales depuis ses quatre principaux ports donnant sur la Mer Noire. La Russie est dans une situation plus délicate. Ses exportations sont fortement taxées (67 $/t en blé et 49,70 $/t en maïs) et le pays dispose encore d’importantes quantités de grains invendues. Il doit encore expédier plus de 17 Mt de grains pour tenir ses objectifs de campagne.  

Boycotts et sanctions

Les compagnies d’assurance n’ont pas attendu que le conflit russo-ukrainien s’arme pour passer à l’offensive. Comme la navigation de cargos dans le bassin de la Mer Noire devient risquée, les montants des primes d’assurance sont devenus exorbitants. L’Algérie, qui avait privilégié l’origine russe et ukrainienne plus compétitive pour importer du blé aux dépens de la France, voit sa stratégie commerciale chamboulée. 

À moyen terme, le conflit russo-ukrainien pourrait impacter les échanges commerciaux de céréales, surtout avec les boycotts et sanctions financières à venir. Or le bassin de la Mer Noire concentre 30 % des échanges commerciaux de blé et de maïs de la planète. Ces derniers jours, le marché mondial du blé est approvisionné par l’Australie et l’Argentine. Sur le marché du blé fourrager, l’ile-continent est concurrencée en Asie par l’Inde.

En Europe, les conditions de cultures ne suscitent aucune inquiétude. Cependant, le marché de l’orge et du blé dur reste tendu. Confrontée à une rude sécheresse l’été dernier, la Turquie (1,5 Mt) est devenue le troisième pays importateur d’orges loin derrière la Chine (12,5 Mt) et l’Arabie saoudite (6,6 Mt). Le retour de la Niña au Brésil n’inquiète pas outre mesure le ministère américain de l’Agriculture (USDA). Son intensité devrait être plus atténuée que l’hiver passé (été austral). Aussi la safrina (75 % de la production de maïs brésilien) pourrait être faiblement affectée. En revanche, la sécheresse pénalise la première récolte de maïs brésilienne. Aussi, l’USDA a réduit d’un million de tonnes ses prévisions (114 Mt).