Implantation du soja
Quand et comment se passer du glyphosate

Françoise Thomas
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Lancé en 2016 dans un contexte de développement de la culture de soja, le projet Socrate a depuis vu son intérêt doublement justifié par sa recherche autour d’une conduite sans glyphosate. Mené sur cinq ans et désormais terminé, la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire peut en livrer les éléments de conclusion.

Quand et comment se passer du glyphosate
L’intérêt du semis direct (parcelle à droite) de ne pas stimuler le sol entraine un rapport de un à dix sur la quantité d’ambroisie levée (parcelle à gauche).

L’objectif du projet Socrate (pour Soja et coopération dans la recherche et l’adaptation technico-économique et environnementale) était de déterminer la pertinence et les conditions de succès d’une culture de soja en semis direct. L’expérimentation effectuée de 2016 à 2020 a été menée en six essais sur Fontaines, Baudrières et la Chapelle-Thècle.

Les implantations ont été positionnées « volontairement sur les situations les plus compliquées, spécifie bien Antoine Villard, c’est-à-dire en limon battant, donc en sol froid et qui se réchauffe doucement ». Ces essais sur de grandes parcelles visaient tout autant à parfaire les connaissances sur la conduite du soja en cours de développement dans le secteur qu’à « sécuriser la présence d’une légumineuse dans les systèmes de culture ».

Les freins à la réussite

La problématique de départ était celle de simplifier au maximum l’implantation du soja, puis est apparue entre temps la perspective de l’interdiction du glyphosate ; or traditionnellement, le soja est implanté après un maïs et demande un passage de glyphosate pour nettoyer la parcelle.

La principale difficulté résidait alors dans la maîtrise des adventices et donc dans le fait de conserver des parcelles les plus propres possibles. « C’est pour cela que nous avons travaillé sur le fait de positionner une interculture », rappelle le conseiller grandes cultures de la chambre d’agriculture 71, soit dans un blé, détruit au rouleau hacheur au moment du semis de soja.

« Les limites de l’exercice apparaissent si les parcelles se salissent en raison d’une mauvaise implantation du blé, à cause d’un excès d’eau au moment du semis, par exemple », reconnaît cependant Antoine Villard. Cela peut être des matricaires, renouées, chénopodes qui ne seraient alors pas assez levées au moment du passage du rouleau et qui ne seraient donc pas détruites au moment de l’implantation. « Ainsi, c’est bien la réussite de l’interculture qui conditionne celle du semis direct du soja ensuite ».

Quant au calendrier à respecter, « il ne faut donc pas se précipiter à semer tôt » le semis direct ne permettant pas de réchauffer le sol. S’il faut se tenir prêt à semer début mai, « on peut attendre jusqu’à mi-mai si les conditions météo le nécessitent ».

Rendement préservé

Antoine Villard précise que « la biblio recommande comme interculture du seigle fourrager avec un peu de féverole pour l’apport d’azote, même si sur le soja ce n’est pas forcément le plus intéressant ». Dans le cadre de ce projet, les conseillers chambres n’ont « pas pris cette option pour l’investissement supplémentaire que cela représente ». Ainsi tous ces essais ont été conduits avec du blé en interculture.

En termes de bilan de récolte, si les sojas peuvent potentiellement un peu moins lever (de l’ordre de 10 %), le potentiel de rendement est malgré tout préservé. Ceci grâce notamment à la moindre présence d’adventices dans la parcelle avantageusement concurrencée par le couvert de l’interculture.

En conclusion, la conduite de soja en semis direct donc sans recours au glyphosate peut tout à fait se tenter. Les conditions de réussite sont une implantation dans des parcelles pas trop envahies par les adventices ; le broyage des pailles lors de la récolte du précédent maïs, suivi rapidement de l’implantation du blé (en octobre/début novembre) ; un semis direct du soja en mai avec destruction mécanique du blé au rouleau hacheur.

Dans les systèmes classiques avec travail du sol, d’autres expérimentations du programme ont démontré que le désherbage mécanique (une herse étrille) associé au désherbage chimique (en post-levée précoce) donne des résultats très satisfaisants.

Le tout mécanique présente ses limites dans les parcelles très envahies.

Plus du double en dix ans

L’implantation de soja se poursuit en France, avec, en moins de dix ans, des surfaces cultivées multipliées par 2,5. Ainsi, en 2020, les 186.000 ha de soja implantés ont produit 490.000 tonnes, soit plus de 14 % de plus que l’année précédente. En Saône-et-Loire, la tendance est identique avec une augmentation des surfaces implantées depuis 2014, pour se chiffrer à près de 10.000 ha en 2020 et 2021.

Un intérêt pour cette culture qui s’explique notamment par le développement des sources de protéines végétales en local ou par une conduite de culture nécessitant peu d’intrants, dont l’azote.

Le projet Socrate a par ailleurs permis de confirmer qu’en année sèche, la présence du blé au sol joue en plus un rôle de mulch favorable.