FILIÈRES
Les producteurs de cerises et de fruits rouges en quête de solutions

Tandis que Drosophila suzukii ne cesse de gagner du terrain en France, l’interdiction du diméthoate, puis du phosmet, inquiète les producteurs de cerises et de petits fruits rouges des monts du Lyonnais (Rhône) et du Velay (Haute-Loire), durement impactés par ce ravageur.

Les producteurs de cerises et de fruits rouges en quête de solutions
La Drosophilla suzukii peut décimer une production du jour au lendemain. ©CTIFL Balandran

FILIÈRES / Tandis que Drosophila suzukii ne cesse de gagner du terrain en France, l’interdiction du diméthoate, puis du phosmet, inquiète les producteurs de cerises et de petits fruits rouges des monts du Lyonnais (Rhône) et du Velay (Haute-Loire), durement impactés par ce ravageur.

Les producteurs de cerises et de fruits rouges en quête de solutions

« Ce matin, ils n’étaient que 30 à être présents à la journée cerise de Bessenay… Ils étaient pourtant 100 il y a dix ans ! » Face à cette assemblée réunie à l’Inrae de Montpellier, Vincent Pestre, producteur de cerises dans le Rhône, avait du mal à cacher son inquiétude. Les chiffres énoncés par Alexandra Lacoste, directrice de l’AOP cerise et Raisin de table, n’ont fait que justifier cette émotion. Entre 2010, date d’arrivée de la Drosphila suzukii en France, et 2020, la filière a perdu plus d’un tiers de ses producteurs. Depuis, l’utilisation des insecticides les plus efficaces tels que diméthoate en 2016 et le phosmet en 2022, ont été interdits, laissant de nombreux producteurs sur le carreau.

« Cette mouche peut décimer une production du jour au lendemain », confie Nicolas Laurent, éleveur en polyculture élevage et producteur de cerises dans le Rhône. Les insecticides encore à disposition sont moyennement efficaces et demandent des cadences de traitement élevées. À l’inverse de la réduction des indicateurs de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT), souffle le professionnel, qui s’est tourné vers des produits biostimulants, mais qui déplore un tableau bien plus morose pour d’autres. Les vergers en pleine production continuent tant bien que mal, mais ceux qui détiennent de vieux vergers avec des variétés obsolètes préfèrent arracher sans renouveler. »

Fraises et framboises

Mais la cerise est loin d’être l’unique filière compromise par la fameuse mouche asiatique. Dans les monts du Velay (Haute-Loire), la production de fraises démarre en juin et s’étend jusqu’en septembre, période à laquelle la drosophile est la plus active. Selon Florence Assezat, responsable technique au GIE fruits rouges des monts du Velay, la pression exercée par le ravageur décimerait 20 % de la production chaque année. Ce chiffre regroupe en réalité plusieurs paramètres. Outre les fruits qui finissent jetés à la suite d’une piqûre, le ramassage doit être effectué tous les 3 jours, lorsque les fruits sont tout juste mûrs. Leur poids est donc moins important qu’à l’accoutumée. Les producteurs se plient également à un minutieux nettoyage des plants et parfois à de l’effeuillage. Autant d’heures supplémentaires liées à des mesures de prophylaxie à prendre en compte. Dans les vergers, la drosophile ne se contente pas des cerises et des fraises. La framboise fait également partie de son bol alimentaire favori. Mais la récolte quotidienne de ce petit fruit limite les pertes à une moyenne de 10 %. « Est-ce que la fraise protège la framboise ? C’est difficile à interpréter », s’interroge Isabelle Guérin, productrice dans les monts du Velay.

Comme pour la filière cerise, le filet insectproof est actuellement la solution la plus viable. Mais son coût en dissuade plus d’un. « Nous comptons moins de 10 % d’ha couverts et les aides sont limitées à 3 ha par exploitation », déplore Vincent Pestre. Et quand bien même l’investissement est possible, sa logistique sur le long terme ne convainc pas. « Nous ne possédons pas la main-d’œuvre nécessaire pour la plier et la déplier, et il est essentiel de ne pas oublier qu’à un moment, il faudra prendre en compte les calculs des gaz à émission de serre de nos vergers », assure Nicolas Laurent.

Pour tenter de s’y retrouver, à chacun ses méthodes. Si la prophylaxie est le premier réflexe adopté par tous, le piégeage à base de vinaigre de vin, d’eau et de sucre, arrive souvent en seconde position. Mais ses résultats semblent limités lorsque la mouche est en grande période d’activité. De son côté, Éric Pauchon a installé des filets insectproof de 4 m de haut autour d’une parcelle. Ces filets n’étaient pas collés contre les tunnels mais disposés à 20 ou 30 cm des tunnels afin que l’air circule. « Comme la drosophile ne vole pas très haut, cela en a arrêté une grande quantité », assure Florence Assezat. La technicienne place beaucoup d’espoir dans la lutte biologique par acclimatation, via des lâchers de Ganaspis cf. brasiliensis, une guêpe parasitoïde exotique.

Léa Rochon

Citation à valoriser : « Cette mouche peut décimer une production du jour au lendemain »