EARL Ferrier, le Miroir
De l’herbe de qualité tous les jours pour les laitières de l'EARL Ferrier

En Bresse, l’EARL Ferrier conduit depuis trois ans ses vaches laitières en pâturage dynamique. Une technique encore peu répandue dans la région qui assure pourtant une valorisation optimale de l’herbe. Sans que cela n’engendre trop de travail supplémentaire.

De l’herbe de qualité tous les jours pour les laitières de l'EARL Ferrier
Laurent Ferrier et son salarié Anthony Terret qui assure la conduite du pâturage dynamique lorsque l’exploitant doit s’absenter.

Au Miroir, Laurent Ferrier élève un troupeau laitier de 55 montbéliardes sur une exploitation bressanne de 110 hectares à la limite du Jura. La surface compte 25 ha de maïs ensilage. 12 ha de blé étaient encore cultivés en 2019. Adepte d’une conduite à l’herbe, l’EARL pratiquait le pâturage tournant depuis de nombreuses années. En 2018, aidé par ACSEL Conseil Elevage, Laurent Ferrier et son salarié Anthony Terret se sont lancés dans le pâturage dynamique. « Avec le pâturage tournant, j’avais beaucoup de refus et du gaspillage. Les vaches restaient cinq jours dans la même parcelle, mais elles ne mangeaient que la petite herbe et pas la grande. J’étais obligé de faucher les refus. Il y avait du surpâturage », explique l’éleveur. Avec le pâturage dynamique, l’objectif était de « leur faire valoriser au maximum l’herbe présente et chaque jour leur mettre à disposition un volume d’herbe de qualité à manger pour une journée ». En pâturage dynamique, « la hauteur d’herbe idéale est de 10-12 cm et cette hauteur ne doit pas descendre en-dessous de 7 cm », font valoir Laurent et Anthony. A cette hauteur d’herbe correspond une quantité de matière sèche disponible par hectare ce qui permet de calculer le nombre d’ares à mettre à la disposition de chaque vache pour couvrir ses besoins quotidiens.

Une vingtaine de paddocks à disposition…

Les 55 vaches de l’EARL pâturent ainsi chaque jour un paddock de 70 ares. Et comme il faut en théorie 21 jours pour que l’herbe retrouve sa hauteur d’origine, les 15 hectares de pâturages sont divisés en 21 paddocks de 70 ares chacun. Chaque jour, les vaches changent de paddock. En pleine pousse, la hauteur d’herbe est mesurée une fois par semaine par le conseiller d’Acsel Anthony Grandmougin. Cette prise de mesures permet de donner l’ordre de passage des vaches dans les différents paddocks en fonction de l’état d’avancement de l’herbe. Quand la pousse est trop forte, c’est-à-dire lorsque l’herbe met moins de 21 jours à repousser et que certains paddocks dépassent 12 cm de hauteur d’herbe, alors ces derniers sont exclus de la rotation pour être fauchés plus tard. Ils peuvent aussi être attribués aux vaches taries qui valorisent mieux l’herbe au-dessus de 12 cm de hauteur. Les vaches tournent alors sur une quinzaine de paddocks .

« Avec le pâturage dynamique, nous avons davantage d’herbe disponible par rapport à la surface et cette herbe est mieux valorisée », fait valoir Laurent Ferrier. De fait, en faisant manger les vaches à une hauteur comprise entre 7 et 12 cm, l’ingestion d’herbe est optimale. « Si les vaches devaient brouter plus bas, alors elles auraient plus de mal à ingérer assez d’herbe », fait remarquer l’éleveur. En 2019, Laurent et son salarié sont même parvenus à ajouter les vaches taries au pâturage dynamique soit un total de 60 vaches nourries durant toute la saison sur 15 hectares seulement, font-ils valoir.

Fini le surpâturage et le piétinement

Grâce au pâturage dynamique, « il n’y a désormais plus de surpâturage ni de piétinement », observe Laurent Ferrier qui ajoute qu’il est aussi plus facile de faire pâturer par temps de pluie car en ne laissant les vaches séjourner qu’une seule journée par parcelle, elles n’ont pas le temps de piétiner, explique-t-il.

Au quotidien, le pâturage dynamique n’engendre pas davantage de travail que le pâturage conventionnel, assure Anthony. Le changement de parcelle se fait en même temps que l’éleveur va chercher les vaches pour la traite. Il suffit d’ouvrir les bonnes barrières. Au retour de la traite, les vaches vont directement dans le nouveau paddock qui leur est destiné. D’ailleurs, « elles n’ont pas du tout envie de retourner dans le paddock qu’elles viennent de pâturer », fait remarquer le salarié. Autre avantage pratique, « on n’a plus besoin de se poser la question de savoir s’il reste de l’herbe », révèle Laurent. « Quelle que soit la hauteur d’herbe de la parcelle dans laquelle elles ont séjourné, on sait qu’elles iront dans une nouvelle parcelle ».

Interrompre le maïs…

Les deux saisons de pâturage dynamique n’ont pas altéré le niveau de production du troupeau qui demeure à 8.500 – 9.000 litres de lait par vache et par an, indique l’éleveur. En revanche, la qualité du lait a un peu perdu en taux. « Pour les maintenir, il faudrait faire davantage ruminer les vaches », confie Laurent. Mais avec de la si bonne herbe, ce n’est pas évident de faire ingérer de la fibre à des vaches, poursuit l’éleveur qui ne tient pas non plus à investir dans de la luzerne…

Pour la campagne 2020, les deux éleveurs envisagent d’interrompre la distribution d’ensilage de maïs et d’herbe pendant le pâturage dynamique. Jusqu’alors, les vaches en recevaient encore environ 5 kg de MS d’une ration mélangée à l’auge, mais cette marchandise était en partie gaspillée, déplore Laurent. L’objectif serait que l’herbe puisse couvrir les besoins des vaches laitières en production. « Pour atteindre le potentiel de mes vaches, il faudrait complémenter. Mais le lait produit en plus ne couvrirait pas la charge supplémentaire d’alimentation », confie l’éleveur. Préférant raisonner sur le coût alimentaire, Laurent Ferrier se dit prêt à accepter de produire un peu moins de lait. D’ailleurs, dans sa quête d’autonomie par une meilleure valorisation de l’herbe, l’éleveur a fait baisser ce poste de 150 €/1.000 litres de lait produit à 110 €/1.000 litres. « La marge est là ! », fait-il valoir. Et malgré ces économies en aliments, les vaches mangent bien, poursuit-il. « Le DAC est là pour optimiser le concentré à la bonne vache laitière et au bon moment. On a diminué le niveau de la ration mélangée à 25 kg de lait et on complète au DAC ce qui évite tout gaspillage », complète Laurent Ferrier.

15 hectares consacrés au pâturage dynamique

Situés à proximité du bâtiment des laitières, les 15 hectares de pâturage dynamique sont divisés en 21 paddocks de 70 ares desservis par un jeu de chemins d’accès munis de trois points d’eau alimentés par une canalisation enterrée. Ces prairies ont été ensemencées de mélange multi-espèces (fétuque, deux types de ray-gras, deux espèces de trèfles, pâturin, chicorée) ainsi que de deux essais avec des mélanges suisses implantés depuis deux ans. Ce couvert est plus précoce qu’une prairie permanente, fait remarquer Laurent Ferrier. Il faudra le renouveler tous les cinq ans environ. Les parcelles en pâturage dynamique ne sont pas plus fertilisées qu’elles ne l’étaient en pâturage tournant. Elles le sont moins qu’un ray gras, fait remarquer Laurent Ferrier. Les refus sont régulièrement fauchés à 10 cm de hauteur. Idéalement, il faudrait aussi passer une ébouseuse estime l’éleveur.

La surface pâturée est délimitée par un réseau de clôtures électriques sur secteur. Il faut compter environ 10 km de fil et 3 ou 4 jours de montage, informent Laurent et Anthony qui confient utiliser un quad, les clôtures étant démontées tous les hivers.

Un outil de pilotage du pâturage

Pour assurer le suivi du pâturage dynamique, l’éleveur adhère au service « optimisation de la conduite du suivi du pâturage » avec ACSEL Conseil Elevage. Conçu par le contrôle laitier du Jura, cet outil qui utilise le logiciel pâturNET permet de noter toutes les données quotidiennes : parcelles, effectifs, complémentation, hauteurs herbe, interventions (fauche, fertilisation, ébousage), affourragement en vert et valorisation du pâturage. Pour faciliter la transmission des données, Anthony Terret utilise l’application sur smartphone « paturAPP ». Ces données sont valorisées par leur technicien Anthony Grandmougin qui leur laisse un compte-rendu à chaque passage leur permettant d’ajuster la conduite du pâturage. En fin de saison, un bilan complet est établi en lien avec la production de lait.