EXCLU WEB / Quelle stratégie alimentaire européenne pour demain ?

Le Sénat a organisé, mi-mars, une rencontre interparlementaire consacrée à l’autonomie stratégique européenne, notamment sur le plan alimentaire avec en toile de fond la manière de concilier d’une part, la vocation exportatrice du continent et de l’autre, son exigence de souveraineté et de résilience. 

EXCLU WEB / Quelle stratégie alimentaire européenne pour demain ?

L’Europe à 27 est autosuffisante au plan alimentaire. Elle entend bien le rester. N’est-elle pas le premier exportateur de produits agricoles et agroalimentaires dans le monde ? Cependant, la guerre en Ukraine vient questionner cette autonomie. « La situation pourrait devenir préoccupante car l’Europe est de plus en plus exposée aux importations », s’est émue la présidente de la Commission économique du Sénat, Sophie Primas (Yvelines). « C’est le cas pour notre alimentation du bétail. Nous importons 90 % de nos besoins en protéines végétales dans ce domaine. 57 % de notre maïs provient d’Ukraine et un tiers de nos engrais viennent de Russie », a indiqué le député Julien Dive (Aisne). Pour Sophie Primas, l’Europe a été et reste toujours menacée par une concurrence exacerbée de la part de nombreux acteurs, tels que la Russie. « Une concurrence parfois déloyale », a-t-elle ajouté, citant les distorsions de concurrence comme le non-respect des normes sociales et environnementales. Se posent également les questions de l’adaptation de Farm to Fork aux réalités d’une guerre aux portes de l’Europe et la nécessité de poursuivre le commerce international sans entamer notre autonomie stratégique.

Clauses miroirs

Sur ces points, les avis divergent assez radicalement quant aux stratégies à adopter. Pour le député du Conseil national autrichien, Andreas Minnich, « il faut suspendre le Green Deal et se concentrer sur l’approvisionnement alimentaire pour éviter que d’autres conflits émergent ailleurs en raison de la crise alimentaire ». Si le parlementaire autrichien a en tête les émeutes de la faim en 2008, son alter-ego lituanien, Andrius Vyšniauskas, pense au contraire ne pas faire l’impasse sur la transition verte. « Ceux qui pensent qu’il faut la suspendre se trompent. Il faut au contraire honorer nos promesses d’une croissance verte », a-t-il asséné. Pour d’autres, préserver l’autonomie alimentaire passe par « une réorientation des aides PAC, une révision de Farm to Fork et la création de stocks alimentaires stratégiques », a plaidé le sénateur Franck Montaugé (Gers). Elle passe aussi « par la maîtrise de nos énergies […] Il faut redonner à l’agriculture son caractère stratégique, en produisant plus et en évitant les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement », a soutenu le député espagnol Celso Delgado, soutenu dans ses propositions par son homologue irlandais qui souhaite favoriser la production de biocarburants. Si tous s’accordent à vouloir éviter les émeutes de la faim, et si l’unanimité des intervenants se positionne sur la nécessaire mise en place des clauses miroirs, la Commission n’a, à ce jour, formulé que peu de propositions. Seulement s’est-elle, lors du sommet de Berlin le 11 mars, engagée à maintenir les marchés agricoles ouverts et à soutenir l’approvisionnement alimentaire en Ukraine.