EXCLU WEB / « La FNP favorable à des contrats négociés »

Cédric MICHELIN
-

La Fédération nationale porcine a tenu son congrès à Bourg-en-Bresse dans l’Ain les 9 et 10 juin dernier. Son président François Valy fait le point sur la crise du porc dont les éleveurs ne voient pas la fin.

EXCLU WEB / « La FNP favorable à des contrats négociés »

Guerre en Ukraine, explosion des prix de l’alimentation animale et des intrants, la situation des producteurs de porcs se complique-telle malgré les plans de soutiens ?

François Valy : Face à cette crise inédite par son ampleur et sa durée, les plans de soutiens de l’Etat et de l’Europe sont nécessaires mais temporaires ! Les acteurs de l’aval doivent maintenant assumer et prendre le relais des aides par le prix. Pour compenser les hausses vertigineuses des prix des intrants, des céréales et du soja, le porc devrait être rémunéré à plus de 2€/kg et non pas 1,85 € comme c’est le cas actuellement. Les éleveurs qui achètent l’intégralité des aliments nécessaires pour nourrir leurs animaux cumulent mois après mois des dizaines de milliers d’euros de déficit. Quant à ceux qui fabriquent une partie des aliments pour leur cheptel à partir des céréales produites sur leur exploitation, ils paient très cher le renouvellement des stocks de protéines. Leurs comptes sont au rouge alors qu’ils pourraient dégager des bénéfices en vendant leurs grains plutôt qu’en les réservant à leur élevage. 

Quelles seront les conséquences économiques pour la filière porcine ? 

FV : La production de porcs a baissé de 2 % en 2021. Elle diminuera encore de 2 % à 4 % cette année. Mais l’effet ciseau prix/charges dont sont à nouveau victimes les éleveurs, depuis la guerre en Ukraine, incite un grand nombre d’entre eux à réduire la voilure, voire à arrêter leur activité. En 2023, la production française de porcs pourrait fortement baisser.

La conjoncture ne semble pas favorable à un redressement rapide de la production porcine ?  

FV : Les cours du porc s’étaient redressés en mars mais après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les prix des céréales et des oléagineux ont explosé, accentuant l’effet ciseaux prix-charges qui dégrade les comptes d’exploitation des élevages depuis l’été 2021. Par ailleurs, la Chine est toujours engluée dans la crise de la Covid, les restaurants sont fermés, la production ne repart pas complètement et la Chine a réduit son import fin 2021. Aussi, les débouchés à l’export vers l’empire du Milieu sont très restreints puisque la viande de porc est essentiellement consommée hors domicile et une partie des volumes espagnols dédiés à l’export Chine se retrouve sur notre marché européen dont la demande ne repart pas comme d’habitude à cette période de l’année. Sur toutes les places européennes les prix du porc vif restent donc, au mieux, étals.

L’épée de Damoclès de la peste porcine 

La fièvre porcine africaine, maintenant à nos portes en Allemagne et en Italie, constitue-t-elle une menace supplémentaire ? 

FV : Oui, et à double titre. Tout d’abord parce que l’Allemagne ne peut toujours pas exporter de porcs en Chine. Aussi la production allemande engorge le marché européen. De plus, le foyer de fièvre porcine en Allemagne, en élevage, intrigue car il semblerait que des déchets de viande infectée aient pu être consommés par les porcs. D’où la nécessité de redoubler de vigilance en limitant les mouvements des populations autour et dans les élevages pour réduire les risques de contamination. 

A défaut de débouchés à l’export, quelles actions doivent être menées pour redonner de l’oxygène à la filière ? 

FV : A moyen terme, il faudra absolument développer les contrats entre OP et abatteurs en prenant en compte le coût de production, notamment celui de la castration ou de l’immuno-castration, dans le cadre d’Egalim2. Or, les abatteurs ne répondent pas aux offres de contrats ou alors à des conditions dérisoires alors que le prix de base reste désespérément bas à 1,70€/kg. Il faut aussi à moyen et long terme développer la contractualisation entre céréaliers et éleveurs. C’était le projet de Xavier Beulin, ancien président de la FNSEA que Christiane Lambert veut relancer. La contractualisation protégera les céréaliers de l’effet ciseau qu’ils redoutent tous et pour les éleveurs, elle atténuera la hausse des prix de l’alimentation animale. Un cinquième des céréales et 40 % des oléo-protéagineux produits en France ont leur débouché en alimentation animale ! Il s’agit donc d’un projet gagnant-gagnant et il faut agir vite. L’âge moyen des éleveurs est de 53 ans. Dans le contexte actuel, de nombreux producteurs proches de l’âge de la retraite ne vont pas trouver de successeur si leur activité est déficitaire. 


Que proposez-vous d’autre ? 

FV : Il faut renforcer encore la traçabilité de l’industrie charcutière en apposant notamment sur les produits transformés le logo Le Porc Français pour la « viande de porc né, élevé, abattu et transformé en France » où les trois quarts de la viande porcine produite est transformée. Ce logo est reconnu et demandé par les consommateurs et répond à leur souhait de « localisme ».

Enfin, il faut mettre un frein à la sur-transposition de la réglementation environnementale ou de bien-être animal. 

Allez-vous bientôt rencontrer le ministre de l’Agriculture ? 

FV : Après les élections législatives, la FNP va rencontrer le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, pour faire le point sur la filière porcine française et ses perspectives. Ce n’est certes pas le ministre qui peut faire augmenter le prix du porc, mais nous comptons sur sa vigilance quant à l’application de la loi Egalim 2 dans la filière porcine. 

Des jeunes s’installeront s’ils contractualisent une partie de leur production. La crise porcine est européenne. A terme, il serait scandaleux que la France devienne importatrice nette de viandes de porcs alors que nous avons une filière d’excellence !