Agriculture régionale
Evènement « Une étape fondatrice pour l'avenir de notre agriculture régionale »

Propos recueillis par Berty Robert
-

Mardi 27 juin, à Genlis, en Côte-d’Or, aura lieu la restitution de six mois de travaux menés dans le cadre du projet « Imaginer demain – Agir maintenant » consacré à une réflexion de fond sur l’avenir de l’agriculture régionale, à l’horizon 2040. Christian Decerle, président de la chambre régionale d’Agriculture, revient sur l’esprit qui entoure ce travail. Il ne s’agit pas d’une « baguette magique » ou d’une feuille de route rigide, mais d’une démarche qui veut favoriser l’approche collective de grands enjeux.

Evènement « Une étape fondatrice  pour l'avenir de notre agriculture régionale »
Pour Christian Decerle, la soirée de restitution des travaux du 27 juin doit être un moment fédérateur pour tout l’écosystème agricole.

Que va-t-il se passer le 27 juin à Genlis ?

Christian Decerle : Nous voulons être loyaux et fidèles à ce qui est ressorti des travaux. Nous voulons toucher un public le plus large possible. Le titre de la démarche, c'est « Imaginer demain, agir maintenant. Ensemble vers 2040 : des territoires dynamiques, des agriculteurs épanouis », le but n’est donc pas de brasser de l’air, mais d’être pragmatique. Cela intéresse évidemment tous les agriculteurs, mais aussi l’amont et l’aval de l’agriculture, l’enseignement professionnel, les médias… Ce sera une soirée largement ouverte, un espace de dialogue et de partage. J’espère qu’on y verra des agriculteurs et leurs familles, des jeunes, des vétérinaires… Celles et ceux qui sont liés au sort futur de l’agriculture. On va restituer les retours de plus de 2.200 questionnaires. On présentera les prémices de plan d’actions, fruits d’une réflexion ayant mobilisé en quelques semaines plus d’une centaine de personnes, mais ces derniers ne seront pas des schémas définitifs et rigides sortis de la tête d’on ne sait quel décideur. Il s’agira d’une liste qui pourra susciter l’intérêt des organisations professionnelles, sans les culpabiliser ou les accabler, et dont elles pourront se saisir. Nous mettrons ces propositions en débat, nous les soumettrons à un éventuel enrichissement. Les jeunes nous diront ce qu’ils ont pensé de tout cela puisqu’ils témoigneront dans le cadre de vidéos. Pour cette soirée, il n’y aura pas, d’un côté, des gens qui savent et, de l’autre, des gens qui écoutent. Il s’agira d’un point d’étape essentiel pour bien comprendre qu’on est tous embarqués dans une même aventure : celle de l’agriculture, de l’économie agricole, du poids et de la richesse qu’elle représente en BFC.

 

Comment est née la démarche « Imaginer demain – Agir maintenant » ?

C.D. : Le projet est né d’un échange au printemps 2022 avec la présidente du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté, Marie-Guite Dufay. L’idée s’est ensuite concrétisée avec les questionnements suivants : comment voyons-nous l’évolution de l’agriculture sur notre territoire et qu’est-ce qui nous paraîtrait souhaitable, utile, bénéfique ? A contrario, quels sont les schémas qui nous préoccupent et que nous ne souhaiterions pas voir s’installer ou devenir des marqueurs de l’évolution de l’agriculture ? J’ai senti qu’on pourrait s’appuyer sur les compétences internes à la Chambre régionale sous la houlette d’Anne Bronner, sa directrice, pour « orchestrer la machinerie » nécessaire à la réalisation de cette démarche et pour qu’elle ne se limite pas à un brassage d’idées vain, des choses que j’ai un peu trop vues par le passé… Il a fallu travailler durement, avoir une méthode rigoureuse, pragmatique, pas trop conceptuelle, avec des exigences, et être capable de faire une course de fond pour un travail qui réclamait du temps. Je salue l’engagement de nos équipes, des élus, mais également de nombreux agriculteurs et de tout un écosystème lié à l’agriculture qui se sont très largement impliqués dans le projet, s’y sont intéressés et se sont pris au jeu avec enthousiasme.

 

Que s’est-il passé en six mois ?

C.D. : Nous avons diffusé six questionnaires. Celui destiné aux agriculteurs a été diffusé par les réseaux de la MSA, que je remercie, dans toutes les exploitations agricoles de BFC. Nous nous sommes aussi appuyés sur les réseaux de conseil, l’industrie agroalimentaire, le secteur forestier, en travaillant avec l’ensemble des acteurs du monde agricole, mais également Vitagora, les associations… Nous avons ouvert grand la porte des questionnements à des acteurs qui, parfois, ne se privent pas d’être assez incisifs envers nous. L’analyse des questionnaires donne des informations factuelles. Le rendu que nous allons faire le 27 juin sera tout aussi factuel. Nous nous sommes attachés à ce que l’analyse des questionnaires soit la plus objective possible. Le fait que 2.200 questionnaires aient été renseignés, c’est très significatif. La démarche n’est pas passée inaperçue. On a obtenu une « photographie » assez large du ressenti sur le terrain. On y trouve à la fois ce qui fait l’essence du monde agricole : la capacité à se dire que, même si on est confronté à des difficultés, l’année prochaine sera meilleure, mais on voit aussi des alertes sérieuses sur le sentiment d’écrasement face à la complexité administrative qui fait perdre le sens du métier. Les agriculteurs demandent du respect pour leur travail. On sent dans les questionnaires ce besoin de respect, de reconnaissance du travail des femmes et des hommes de la terre. Les gens n’ont pas peur de travailler, mais il faut arrêter de les dénigrer ! Nous avons aussi organisé une journée de travail à Dijon fin mars, qui a réuni une centaine de personnes alors que nous en attentions 60. Elle a permis d’aboutir à des visions de consensus pour répondre à la manière dont on voit l’agriculture à court, moyen et long terme. Six groupes de travail se sont réunis entre le 4 et le 25 mai. Ils ont mobilisé 122 personnes. En parallèle, avec l’encadrement de l’Institut Agro Dijon, nous menons actuellement une analyse des politiques publiques agricoles des départements de BFC pour pouvoir les comparer et voir comment on peut les articuler les unes avec les autres, dans l’objectif d’accompagner au mieux les transformations auxquelles l’agriculture doit faire face. Il s’agit de réfléchir aux pistes d’amélioration dans le cadre du projet 2040. Il faut aussi rappeler que notre démarche a été suivie par deux personnalités politiques importantes : le député européen roumain et ancien commissaire européen chargé de l’agriculture et du développement rural, Dacian Ciolos, et Julien Denormandie, ancien ministre de l’Agriculture. L’Inrae et l’enseignement supérieur agricole (institut Agro Dijon) ont été des garants techniques qui ont validé nos méthodes de travail et l’avancée des travaux.

 

Quelles devraient être les suites à donner selon vous ?

C.D. : Il faut qu’il y ait une appropriation, une adhésion, ce qui n’exclut pas la possibilité d’un regard critique. Mais tout cela ne sera que ce que l’on veut bien en faire, collectivement. Il ne faut pas que cela devienne un énième rapport sur les sujets agricoles qui ne servirait à rien. Le but, c'est de mettre en mouvement une dynamique multipartenariale. On voulait tenter, avec humilité, de mettre en place un chantier fournissant une belle occasion de mettre du dialogue et de créer des rencontres entre la plupart des organisations professionnelles agricoles, auxquelles je tenais à associer l’enseignement professionnel agricole pour mobiliser les jeunes, et les acteurs concernés par cette question de l’avenir de l’agriculture dans notre région. Comme toujours, lorsqu’on prend une initiative, vous avez des gens que vous n’attendiez pas et qui vous surprennent très positivement. Dans ce chantier, nous n’avons jamais perdu de vue l’impératif de laisser la possibilité à toute personne d’émettre un avis, d’apporter une contribution. C’était très important à nos yeux. Pour autant, je ne crois pas au « Grand soir » et à la métamorphose de l’agriculture de BFC, mais j’ai détecté, dans ce travail, une volonté collective de nombreux acteurs, et notamment de beaucoup d’agriculteurs, de dire des choses très concrètes sur leur métier, leur avenir, leurs espoirs, mais aussi leurs difficultés et, quelques fois, leur souffrance. On n’est pas sur quelque chose de confidentiel : c’est suffisamment conséquent et argumenté pour être pris au sérieux, notamment par les élus politiques, l’administration, les décideurs.

 

Soirée « Imaginer demain - Agir aujourd’hui », mardi 27 juin de 18 heures à 21 heures à la salle Agora de Genlis, rue de Cessey.

La démarche en chiffres

Dans le cadre du projet « Imaginer demain – Agir maintenant », le monde agricole de BFC au sens large était appelé à répondre à un questionnaire destiné à mieux connaître ses attentes, ses difficultés et ses espoirs. 2245 réponses ont été obtenues :

- 1.812 agriculteurs ont répondu

- 37 opérateurs économiques

- 284 conseillers

- 74 organisations professionnelles agricoles

- 12 représentants de la filière forêt-bois

- 26 associations environnementales

Deux invités d’honneur

La soirée du 27 juin, qui sera suivie d’un buffet convivial, donnera aussi l’occasion aux participants d’entendre deux personnalités d’exception invitées :

– un grand coach sportif en la personne d’Olivier Krumbholz, sélectionneur de l’équipe de France féminine de handball. Il livrera son expérience sur l’intérêt et la force d’un collectif, conjugué à la performance individuelle. Un thème propice à l’établissement de parallèles avec la volonté d’établir une vision pour une agriculture diversifiée. « Pour moi, explique Christian Decerle, l’agriculture ne pourra pas faire face aux défis qui l’attendent sans une vision partagée, au sein du milieu agricole bien sûr, mais aussi, plus largement, avec les collectivités ».