Prédation d’ovins dans le Charolais
La solidarité pour tenir

La semaine passée a été particulièrement meurtrière pour les troupeaux ovins dans le Charolais. En l’espace de six attaques, les éleveurs dénombrent déjà une cinquantaine de brebis tuées et une vingtaine de blessées. Sans oublier, le traumatisme pour les survivantes. Autant dire que la colère et l’incompréhension sont grandes sur le terrain. Heureusement, la solidarité joue à plein.

La solidarité pour tenir
Crédit photo : Faceboo Non aux loups dans nos zones d'élevage

Après 2020 et 2021, l’élevage de Saône-et-Loire est à nouveau victime d’attaques d’un grand prédateur. Depuis le 8 juillet, des troupeaux d’ovins du Charolais ont été attaqués à six reprises par un grand prédateur, sur les communes de Charolles, Champlecy et Viry. On dénombrait 11 ovins tués et 9 blessés, le 12 juillet dernier. Ces attaques ont fait l’objet d’un constat sur place par des agents de l’office français de la biodiversité (OFB). Les caractéristiques de la prédation amènent à ne pas exclure la responsabilité d’un loup. Plusieurs pièges photos ont été installés afin d’identifier l’auteur des attaques. De l’avis de tous, l’officialisation n’est qu’une question de temps…
La profession - chambre d’Agriculture, FDSEA, JA71… - et les services de l’État se sont immédiatement mobilisés pour accompagner les éleveurs prédatés dans le cadre du plan national « loup ». La direction départementale des territoires a mis à leur disposition des filets électrifiés afin de leur permettre de protéger leurs troupeaux la nuit. Ces protections ont été mises en place.
Le préfet a ainsi pu délivrer ce jour des premières autorisations de tir de défense simple aux éleveurs ayant protégé leurs animaux. Les lieutenants de louveterie ont été mobilisés dès le 12 juillet pour mettre en œuvre ces tirs et assurer la surveillance des troupeaux du secteur.

Frénésie de tuer

Malheureusement, le weekend prolongé du 14 juillet aura été encore plus sanglant. Deux nouvelles attaques, dont une sur la commune de Viry, porte le décompte macabre à 44 morts et 18 bêtes blessées. Tel un renard dans un poulailler, la frénésie de tuer (syndrome de l’over-killing) semble s’être emparé de ce loup « déviant », à n’en pas douter. Les éleveurs du secteur sont donc sous la menace permanente et n’en peuvent plus. Ce loup vient se rajouter à une situation déjà compliquée puisque le secteur a été ravagé par l’épisode de grêle très violent qui a endommagé nombre de bergeries. La profession fait son maximum pour accélérer les réparations (lire aussi en page 2).
La pression monte avec l’approche de la période des luttes. Dès lors se pose en plus la question des pertes liées, notamment pour les sélectionneurs, en particulier en race charollaise. Les pertes génétiques sont immenses.

Une solidarité bienvenue

La profession agricole cherche maintenant à être le plus efficace possible. La solidarité joue à plein. Une trentaine d’éleveurs se sont à nouveau réunis ce lundi pour témoigner de leur solidarité auprès des éleveurs prédatés et aussi pour s’organiser pour la suite. Bien que rajoutant une forte charge de travail à des éleveurs victimes de ce loup, de nombreux confrères sont venus donner un coup de main pour installer les filets, piège-photos… afin de faire avancer au plus vite ce dossier. Ce qui a déjà permis l’obtention de tirs de défense simple.
S’en rentrer dans tous les détails, la section ovine de la FDSEA a par exemple demandé aux Maires des communes de prendre des arrêtés municipaux pour contrôler toutes divagations d’animaux errants afin d’éliminer toutes suspicions "parasites" d’attaques. Une demande a également été faite à la Fédération nationale ovine (FNO) et son président, Claude Font a obtenu du préfet référent Loup, la mobilisation de la brigade Loup dès qu’elle sera disponible, étant déjà retenue dans un autre département nouvellement front de colonisation. De Josiane Corneloup, députée de la 2e circonscription, à Jérémy Decerle, députée Européen, tous les parlementaires du département ont été alerté de la situation dramatique en cours.

 

Loup « non exclu », quels indemnisations ?

Comme le prévoit le plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage, les éleveurs prédatés seront indemnisés des pertes subies. Le préfet rappelle aux éleveurs dont les troupeaux subiraient une attaque de type canidé de contacter sans délai l’OFB (tél : 06 20 78 94 77). La procédure de constatation sur place par les agents spécialisés de l’OFB et les dispositions à prendre par l’éleveur sont précisées sur le site internet des services de l’État : http://www.saone-et-loire.gouv.fr/que-faire-en-cas-deconstat-d-attaque-a9379.html

La commission prédation se démultiplie

Une commission prédation a été créée en septembre 2021. Elle est composée de la chambre d’agriculture, de la FDSEA et des JA, et a pour objectif d’améliorer la protection des troupeaux, d’informer et accompagner les éleveurs et de maintenir un dialogue constructif avec l’administration. La commission prédation travaille sur plusieurs axes à long et moyen termes.
À court terme, elle accompagne les éleveurs prédatés en leur apportant un soutien moral (visite des éleveurs attaqués, travail avec la MSA et le service de remplacement) et matériel (pose de pièges photos, filets, demande de Tir de défense simple (TDS), réponse à l’appel à projet protection des troupeaux etc.).
À long et moyen termes, la commission travaille sur deux notions différentes :
-    la reconnaissance de non-protégeabilité partielle des troupeaux (RNPP), qui est une reconnaissance sur une partie de l’exploitation seulement ;
-    la zone difficilement protégeable (ZDP), à l’échelle d’un territoire.
La RNPP permettra à terme d’obtenir le TDS sur l’ensemble des lots de l’exploitation, à condition que les moyens de protection nécessaires soient mis en place sur les lots/parcelles protégeables. C’est une demande individuelle, à renouveler chaque année auprès de la DDT. Pour cela, la chambre d’agriculture a été missionnée pour réaliser des études de vulnérabilité afin d’établir des critères qui serviront par la suite à reconnaître la non-protégeabilité partielle des troupeaux. Trois études ont été réalisées en 2021, quatre autres sont en cours pour 2022.
La notion de Zone difficilement protégeable (ZDP) permet aux éleveurs de la zone définie (par exemple le département), d’obtenir un TDS sans mettre en place les moyens de protection comme défini dans le Plan national d’action (PNA) loup, ni même sans être attaqué au préalable. Pour cela, la profession va se servir des études de vulnérabilité de la chambre pour démontrer que tout le territoire n’est pas protégeable.

À l'heure de notre bouclage, une réunion de la commission était prévue en Préfecture à Mâcon jeudi 21 juillet.