GRANDES CULTURES
AGPB : les céréaliers inquiets pour 2023

Dans leur conférence de presse de rentrée, les dirigeants de l’Assemblée générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) se sont inquiétés des perspectives pour 2023, en raison de nombreuses incertitudes qui pèsent, notamment sur les engrais.

AGPB : les céréaliers inquiets pour 2023
Si le prix du blé a été multiplié par 1,5 ces derniers mois, celui de l’engrais azoté a triplé. ©DR

« Notre plus grande crainte, c’est l’effet ciseaux », a alerté Éric Thirouin, président de l’AGPB, le 8 septembre dernier. Même si l’année 2022 est relativement bonne en blé et en orge, les céréaliers craignent que les cours jusqu’à présent assez élevés ne viennent à baisser dans les prochains mois. En face, ils ne pourront pas forcément baisser leurs coûts de production en raison de prix des intrants et des carburants toujours élevés. D’ailleurs, en ce moment, les marges sont assez faibles entre les premiers et les seconds. « Il faut compter environ 280 €/tonne de blé au départ de l’exploitation quand nos coûts de production avoisinent 260 à 275 €/tonne », a-t-il expliqué. « Tout dépendra de la manière dont les cours vont se comporter », a-t-il ajouté, y compris ceux de l’engrais. Car si le prix du blé a été multiplié par 1,5 ces derniers mois, celui de l’engrais azoté a triplé. « Pour une exploitation de 150 ha, l’agriculteur qui dépensait environ 28 000 euros d’engrais il y a un an en dépense maintenant 95 000 », a précisé Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l’AGPB. D’ailleurs, les agriculteurs ne savent pas s’il y aura assez d’engrais pour l’an prochain car avec la hausse des prix de l’énergie, les fabricants pourraient fermer des lignes de production. La rareté faisant augmenter les prix, les céréaliers y regarderaient à deux fois avant d’acheter des engrais. Ce qui pourrait impacter la quantité et la qualité des prochaines récoltes tant en blé qu’en orge. « Il n’existe pas d’alternative à un manque d’engrais », a souligné Cédric Benoist. Déjà, les problèmes de disponibilité se font sentir auprès des organismes stockeurs : « Quand ils commandent 1 000, ils reçoivent 150-200. La campagne morte saison a commencé avec deux mois de retard », a-t-il ajouté.

L’Omnibus en toile de fond

Les cours et les engrais ne sont que quelques-uns des paramètres que les céréaliers doivent tenter d’intégrer dans une planification toujours plus complexe. Prenant acte de la validation du Plan stratégique national français (PSN) de la prochaine Pac, les responsables de l’AGPB ne digèrent pas les velléités de l’administration de régenter leur activité. Ainsi, celle-ci leur demande de respecter l’année civile pour le semis d’orge de printemps. « Certains sont tentés d’avancer ces semis de quelques semaines, notamment en raison du changement climatique. Mais ces pratiques ne rentrent pas dans les cases administratives et l’agriculteur, au bout du compte, se retrouve pénalisé », a expliqué Éric Thirouin. Il ne décolère pas non plus contre les atermoiements du gouvernement sur le dossier de l’assurance récolte. En guise d’ultimatum, il a indiqué que si les règles de l’Omnibus n’étaient pas appliquées, « ce n’était pas la peine » de faire la réforme, soulevant une incohérence dans le message des pouvoirs publics qui d’un côté disent « entendre les attentes des agriculteurs sur la gestion des risques », et de l’autre « font une réforme qui reconduit l’existant ». « Si l’État n’est pas au rendez-vous, ce sera un échec grave pour le monde agricole », a-t-il insisté. De même s’est-il déclaré « ulcéré et dégoûté » par les propos tenus par le député écologiste Julien Bayou, encourageant les actes de destruction des réserves d’eau agricoles. Enfin, l’AGPB souhaite mettre en place une contractualisation entre les grandes cultures et les éleveurs « avec des prix lissés sur trois ans », a-t-il annoncé. L’association spécialisée de la FNSEA espère avoir un coup de pouce fiscal sur ce point lors de la loi de finances 2023 qui passera bientôt au Parlement. Un amendement est en cours de rédaction au sein du ministère de l’Agriculture.

Christophe Soulard