Colza et moutarde
Insecticide : dérogation régionalisée obtenue

Berty Robert
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À la suite de l’interdiction du Phosmet, les producteurs de colza et de moutarde se posaient la question de poursuivre ces cultures, face à la menace constituée par les grosses altises. En ce début du mois de septembre, une alternative régionalisée leur est proposée. La Bourgogne Franche-Comté est concernée.

Insecticide : dérogation régionalisée obtenue
La larve de grosse altise met à mal depuis plusieurs années les cultures de Colza en Bourgogne-Franche-Comté (Crédit Réussir).

Quatre régions et un département viennent d’obtenir une dérogation concernant l’utilisation d’un insecticide afin de lutter contre les larves de grosses altises qui s’en prennent plus particulièrement aux cultures de colza et de moutarde. En Bourgogne Franche-Comté, dans le Grand-Est, l’Île-de-France, le Centre-Val de Loire et le département de l’Allier, les producteurs de colza et de moutarde vont disposer d’une période de 120 jours (du 15 octobre 2022 au 12 février 2023) durant laquelle ils vont pouvoir procéder à des traitements insecticides en cas d’attaques de larves de grosses altises. La dérogation dont ils bénéficient permettra le recours au Minecto Gold, basé sur la molécule de cyantranilipole.

Forte mobilisation

L’information est un véritable soulagement pour de nombreux producteurs qui s’interrogeaient sérieusement sur la pertinence de persévérer dans ces cultures, depuis l’interdiction du recours au Phosmet, officialisée en janvier dernier par un règlement européen. L’obtention de cette dérogation a été saluée par Arnaud Rousseau, président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux (Fop) et vice-président de la FNSEA : « C’est le résultat d’une très forte mobilisation syndicale, en lien très étroit avec Terres Inovia. […] Obtenir une telle dérogation est particulièrement difficile dans le contexte actuel, peu propice à de telles décisions, pourtant nécessaires en l’absence d’alternatives ». Plus largement la dérogation s’inscrit dans le cadre de discussions sur les modalités d’accompagnement des producteurs, à la suite de l’interdiction du Phosmet. Ainsi, en parallèle de cette problématique, les recherches en faveur de l’émergence de variétés de colza robustes sont aussi encouragées. La dérogation obtenue n’a pas un caractère permanent : elle devra être renouvelée chaque année, avec l’espoir, à l’horizon 2025, de l’autorisation de mise en marché du Minecto Gold. Mais rien n’est certain sur ce point.

Le risque réel d’un arrêt de culture

En Bourgogne Franche-Comté, et dans le contexte international qui incline à favoriser une hausse des productions agricoles telles que le colza, la nouvelle de la dérogation va sans doute inciter des producteurs à relancer une production qui s’était considérablement réduite ces dernières années, en raison d’attaques de ravageurs mais aussi de sécheresses ayant mises à mal les rendements. Par ailleurs, on comprendrait mal que la production de moutarde, dont la relocalisation est aujourd’hui fortement encouragée par les acteurs de la filière, se trouve entravée par une absence de solution alternative au Phosmet. Pour Gilles Robillard, président de Terres Inovia et agriculteur dans l’Yonne, la décision intervenue au début du mois ne peut être que saluée : « Dans notre région, précise-t-il, nous étions confrontés, ces dernières années, à des attaques très importantes de grosses altises, qui mettaient directement en péril la culture. L’arrêt du Phosmet sans alternative signifiait plus ou moins l’arrêt de la culture du colza ou de la moutarde dans les régions concernées par la dérogation ». Face à ce contexte, Terres Inovia a lancé une analyse afin de voir si des solutions, chimiques, mais aussi agronomiques, pouvaient émerger. « Nous explorons la voie du colza robuste, poursuit Gilles Robillard, qui consiste à mettre en œuvre des pratiques agronomiques permettant d’obtenir un colza dont le développement sera le plus fort possible, au moment de l’arrivée des insectes, fin septembre. Cela passe notamment par un travail du sol plus tôt afin de tenter de conserver de la fraîcheur, avoir une levée de la culture elle aussi plus tôt ». Au-delà de ces recherches, Gilles Robillard demeure conscient que ces leviers techniques et agronomiques ne sont, à ce jour, pas suffisants. On le voit encore dans la configuration de cette année : parvenir à un stade de levée suffisamment développé fin septembre sera difficile. Un travail avec les services de l’État a donc été engagé sur ce thème, dès le début de l’année 2022.