Prix des broutards à l'export
Trois semaines pour remonter !

Cédric MICHELIN
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Après le lancement d’un appel à retenir les broutards en Saône-et-Loire puis dans tout le bassin des races à viandes (Brav), le ministre de l’Agriculture a réuni - le 16 octobre - éleveurs et exportateurs, pour faire cesser la baisse des prix.

Trois semaines pour remonter !
Le Ministre, Julien Denormandie fait le même constat que les éleveurs : avec 80 % de broutards Français en Italie, comment les Italiens arrivent à s'imposer face aux quatre principaux exportateurs ?

Après plusieurs semaines de polémique sur la baisse des prix des broutards, le ministre de l’Agriculture a réuni, le 16 octobre dans le Puy-de-Dôme, les éleveurs et les exportateurs. Une manière de siffler la fin de la partie, a espoir Emmanuel Bernard, le vice-président de la FNB (éleveurs de bovins viande, FNSEA) : « les pouvoirs publics se posent les mêmes questions que nous. Si le ministre avait été convaincu par les explications sur la baisse des prix (des exportateurs, NDLR), il ne serait pas allé sur le terrain ». Le 12 octobre, la tension était montée d’un cran avec l’appel à « retenir au maximum les broutards en ferme » lancé par la section bovine de Saône-et-Loire, la Fédération régionale bovine de Bourgogne Franche-Comté et enfin par le Berceau des races à viande du Massif central (Brav). Ce durcissement s’est concrétisé par au moins trois actions syndicales dans le Cantal – fief du président de la FNB –, une rencontre avec Sicarev dans la Nièvre et une action dans le Puy-de-Dôme le 15 octobre.
D’après les chiffres compilés par le "Berceau" (qui regroupe 22 départements), « depuis des semaines, un éleveur perd 150 € par animal vendu ». En moyenne, les broutards partent actuellement à 2,38 €/kg, affirme le Brav, bien en-dessous de « l’indicateur du coût de production national » (3,25 €/kg). Une baisse « incompréhensible et inacceptable », « totalement décorrélée des réalités du marché », estiment les éleveurs, pour qui « la demande du marché européen est là ». En particulier, « les exports vers l’Italie (première destination des broutards français, NDLR) sont stables par rapport à 2019 » ; en cumul depuis le début 2020, ils se situent à -1 % par rapport à 2019, selon la DGAL (ministère de l’Agriculture) et les Douanes.

Cotation italienne en baisse

« Les Italiens ont besoin de rentrer des bêtes » pour les engraisser, a rappelé Michel Joly, président de la Fédération régionale bovine de Bourgogne Franche-Comté, pour défendre l’appel à la rétention des animaux. « En plus, ils ont des méthaniseurs à faire tourner et ils ne peuvent pas attendre un mois », complète-t-il.
De l’autre côté des Alpes, la cotation au marché de Modène est en recul de 4 à 5 % par rapport à 2019 depuis plusieurs semaines. « Nous avons rencontré [les exportateurs français] – Deltagro, Eurofeder, Bevimac et Parma France – à plusieurs reprises cet été, ils n’ont fait que prendre la défense des Italiens », déplore Guillaume Gauthier, élu national de la FNB et président de la section bovine de la FDSEA de Saône-et-Loire. « Les exportateurs ne se battent pas pour défendre le broutard français, abonde Emmanuel Bernard. Si leur rôle se limite à fournir des broutards au prix voulu par les Italiens, nous allons nous poser des questions à la FNB : faut-il encore produire des broutards ou inciter à d’autres productions ? »

Trois semaines de délai

Lors de la réunion, le ministre de l’Agriculture a tout d’abord souligné les enjeux de valorisation des produits français dans leur ensemble. Et notamment les broutards à destination de l’Europe ou de pays-tiers. Il a également insisté sur le fait que la filière italienne dépend à 80 % des animaux maigres français.
La réunion s’est conclue sur l’objectif d’une revalorisation à « brève échéance », sous trois semaines, avec notamment des actions concrètes à présenter au ministère pour le prouver, pour ensuite mieux organiser cette filière. Pour Bruno Dufayet, président de la FNB, « le ministre a bien identifié le message d’alerte porté par la FNB. Pour les éleveurs insuffisamment rémunérés, il y a urgence à redresser la situation car la baisse des cours des broutards impacte de près de 30 % le revenu annuel par unité de main-d’œuvre sur les exploitations bovins-viande ». L’intervention du ministre vient à point pour couper court à la stratégie consistant à attendre que les trésoreries des éleveurs soient exsangues, obligeant les éleveurs à - encore -  brader leurs broutards.