Désherbage
Zasso XPower en démonstration à Rully : la future fée électrique des vignes étroites ?

Cédric MICHELIN
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Jeudi 14 octobre dernier, le Vitilab et la société Richy – distributeur de New Holland sur notre département – organisaient une seconde demi-journée de présentation et démonstration du désherbeur électrique Zasso XPower XPS sur l’une des parcelles expérimentales de la chambre d’agriculture à Rully.

Zasso XPower en démonstration à Rully : la future fée électrique des vignes étroites ?

Une alarme retentit tout à coup au bout d’un rang de vigne large à Rully. Un gyrophare s’allume aussi pour prévenir l’allumage imminent de la génératrice de courant électrique. Le petit tracteur de 90 chevaux ne peine nullement à tracter ce désherbeur électrique XPower XPS d’1,2 tonne. Ces lamelles conductrices s’abaissent lentement jusqu’à effleurer le sol et entrer en contact avec les herbes. Le tracteur avance et soudain un léger sifflement se fait entendre, très discret, mais ressemblant à celle des lignes à haute tension parfois. Entrainée par la prise de force de 24 kW, la génératrice XPower XPS vient d’entrer en marche pour délivrer 8.000 volts, limités volontairement par le constructeur aux 6.000 volts nécessaires pour être efficace. Efficace pour « griller les herbes » sur deux bandes de 50 cm de large sous les rangs de vignes. En ce 14 octobre, sous un beau soleil et sur des sols bien secs, de légers panaches de fumées se dissipent rapidement au-dessus des herbes tout juste « électrocutées ».

Laurent Bouhier de chez Richy, concessionnaire New Holland pour toute la Bourgogne et le Jura, rappelle que ce modèle a déjà été testé et commercialisé. Il avait d’ailleurs été présenté au Sitevi 2019. Son principe de fonctionnement a été inspiré par les problématiques de désherbage urbain, à la base en Amérique du Sud et au Brésil. L’entreprise Zasso s’est ensuite implantée en Suisse pour développer son désherbeur en Europe maintenant usiné en Allemagne (Aix-la-Chapelle), gage de qualité. Cet interang/intercep est actuellement utilisé en arboriculture car pouvant aller jusqu’à 4 mètres de largeur.
Alors pourquoi faire maintenant des démonstrations dans notre vignoble constitué de vignes étroites en Bourgogne ? Car le XPower pourrait bientôt être décliné dans une version adéquate avec la série N de New Holland et descendre donc sous la largeur actuelle minimum de 1,6 m.

Jusqu’à trois mois sans repousse ?

Une heure après un premier passage, les résultats commencent à être visibles à l’œil nu. Mais surtout, ils le seront encore plus concrètement après la « nécrose » des cellules végétales « sous une dizaine de jours ». Car le courant électrique qui les a traversées « a fait exploser toutes leurs cellules », en surface comme dans leurs racines. Laurent Bouhier l’assure : le désherbage est ainsi durable dans le temps et on peut compter jusqu’à « trois mois » avant de voir les herbes repousser. Guillaume Paire, conseiller chambre d’agriculture et responsable du Vitilab, vérifiera ces résultats avec l’aide de Florent Bidaut sur la parcelle d’expérimentation de Rully, car pour eux, « de nombreux paramètres peuvent jouer comme la vitesse de repousse ou les espèces présentes », sans remettre en question cette prouesse.

Le bois des vignes en isolant

Même s’il est nécessaire de respecter un périmètre de cinq mètres autour lorsque le XPower est en fonctionnement, le courant électrique conserve sa particularité physique d’emprunter le plus court chemin entre l’anode, l’électrode positive, et la cathode, l’électrode négative. Les plantes qui se trouvent en contact direct et entre les deux conduisent alors le courant électrique fatal pour elles. Mais pas d’inquiétude pour les pieds de vignes qui sont eux isolés avec leur bois ligneux. L’arc électrique entrant dans le sol pourrait également dégrader une partie des graines d’herbes indésirables qui s’y trouvent. Les essais d’Arvalis semblent en revanche indiquer que les populations de vers de terre ne sont pas affectées. « L’électricité est moins traumatisante pour eux que le labour ou la chimie ».

Pas de pièce d’usure

La génératrice de courant se déclenche dès que le tracteur atteint les 1 km/h mais le débit de chantier est autour de 3 km/h en moyenne, maximum 4 km/h. « Si c’est très enherbé sous le rang, il faut passer plus lentement », conseille Laurent Bouhier. Les lamelles métalliques conductrices ne sont que très peu usées et sont à changer que tous les deux-trois ans.
Évidemment, il est déconseillé de passer lorsqu’il pleut, éviter les flaques d’eau et les fils releveurs à terre éventuellement qui pourraient alors causer des surtensions. Sur la console installée dans la cabine du tracteur, il est facile de vérifier ces paramètres et d’autres. À l’inverse, il est aussi déconseillé de passer lorsque le temps est « trop sec » car le « sol » ne conduirait pas alors suffisamment le courant électrique.
À la fin du désherbage, toujours muni de bottes isolantes, le conducteur doit effectuer un test avec un voltmètre pour s’assurer qu’il ne reste pas d’électricité résiduelle. Si quelques vignerons semblent déjà intéressés par la solution, surtout ceux ne s’étant pas encore équipé de matériel de désherbage mécanique, une quinzaine de vignerons sont venus voir la démonstration. Tous espèrent que ce matériel soit un jour éligible à des aides « agroéquipements » prévu normalement pour « se passer » de glyphosate.