Certification
A quand le nouveau référentiel HVE ?

Ariane Tilve
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Il devait entrer en vigueur le 1er octobre 2022, mais la Commission nationale des certifications environnementales (CNCE) a reporté l’application du nouveau référentiel au 1er janvier 2023. Qu’est-ce qui devrait changer ? À quand la nouvelle grille d’évaluation ? Quid des écorégimes et des crédits d’impôts liés à la certification ? La conseillère HVE de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Émilie Nicolaidis, nous donne quelques pistes pour tenter de comprendre.

A quand le nouveau référentiel HVE ?
Photo d'illustration

Pour rappel, la certification Haute valeur environnementale (HVE) correspond au troisième et dernier niveau de la certification environnementale, dont la grille d’évaluation est actuellement revue. Une révision souhaitée par le gouvernement et qui a surtout pour objectif de répondre aux exigences de la nouvelle Pac. Au 1er janvier 2023, il ne sera notamment plus possible de fournir une primo certification de niveau 3. L’accès au niveau 1, qui devait, lui, rester inchangé, devrait également être modifié, d’où la prolongation des concertations et le flou qui persiste sur le nouveau référentiel. « Les exploitants peuvent encore se certifier sur l’ancien référentiel, ou référentiel actuel devrait-on dire, avant la fin 2022. Cela leur permet d’accéder au crédit d’impôt - crédit d’impôt qui n’est pas garanti dans la nouvelle version de la HVE – mais ils ne pourront plus, dans ce cas, rentrer dans les écorégimes de la nouvelle Pac*, par le biais de cette certification », explique Émilie Nicolaidis. Quant aux exploitations déjà certifiées avant la date du 1er octobre 2022, elles pourront bénéficier du crédit d’impôt et des écorégimes jusqu’en 2023 puis elles auront à se mettre à jour à partir de 2024 si elles souhaitent toujours rentrer dans les écorégimes de la Pac après 2023. Les exploitations certifiées au 30 septembre 2022 garderont, pour leur part, la possibilité d’aller au bout de leur cycle de trois ans de certification. L’ancienne réglementation permettait en outre de choisir entre deux voies de certification. La voie A, fondée sur quatre indicateurs de résultats relatifs à la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et la gestion de l’irrigation, et la voie B, une approche plus systémique avec deux indicateurs calculés sur l’ensemble de l’exploitation. Cette seconde voie disparaît. Les exploitations qui souhaitent passer directement au nouveau plan de contrôle pourront stopper leur cycle de certification, avant terme, et repartir avec le nouveau référentiel. Elles commenceront alors un nouveau cycle de certification.

 

Une nouvelle grille d’évaluation qui se fait attendre

Si la nouvelle grille officielle d’évaluation n’est pas encore sortie, quelques points ont déjà été validés. Pour rappel, la certification HVE repose sur quatre points : la biodiversité, l’utilisation du phytosanitaire, la fertilisation et la gestion de l’eau, « sachant qu’une exploitation qui n’irrigue pas peut difficilement être jaugée sur ce point, précise la conseillère HVE. Les principaux changements concernent les seuils d’IFT et la fertilisation ». Côté phytosanitaire, les valeurs de référence des Indicateurs de fréquence des traitements phytosanitaires sont actualisées. Le mode de calcul change. Il n’est plus permis d’utiliser des agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de type 1. La non-utilisation de produits CMR de type 2 donnera, quant à elle, des points supplémentaires. « Sur le département, ces modifications sont tout à fait réalisables. Pour les éleveurs, cela ne devrait pas poser de problème. Il suffit d’être raisonnable dans les passages d’engrais, idem pour les IFT. Ce qui m’inquiète, ce sont les grandes cultures où les IAE (infrastructure agro-environnementale dit aussi éléments biodiversité, N.D.L.R.) sont rares, notamment. En viticulture, où les passages d’IFT sont nombreux, cela peut se révéler complexe. Rien d’impossible toutefois, il suffit parfois de tabler sur une certification en 2024 au lieu de 2023, par exemple, avec un accompagnement pour adapter ces pratiques ». Les outils de surveillance des parcelles pour la gestion des ravageurs, la collecte de données pour les statistiques nationales et/ou locales, seront valorisés. La comptabilisation des méthodes alternatives serait modifiée dans les nouveaux référentiels. Pour ce qui est de la biodiversité, les coefficients d’équivalence des infrastructures agro-écologiques (IAE) changent, avec la création d’un bonus de diversité pour un minimum de trois IAE différentes. Autres nouveautés, un critère d’obligation : pour être certifiées, les exploitations devront atteindre un certain ratio de surface IAE / surfaces arables ; un nouvel item concernant la taille des parcelles, pour les valoriser ; certaines grilles de notations sont modifiées. « La couverture automnale des sols est d’ores et déjà obligatoire, mais pour obtenir des points supplémentaires, il faut la laisser en place plus longtemps que les six semaines réglementaires de la Pac », insiste Émilie Nicolaidis.

L’épineuse question des contrôles

Les audits initiaux sont donc censés, depuis le 1er octobre 2022, être réalisés sur la nouvelle grille d’évaluation. Étant donné le retard pris en la matière, la dérogation pour valider sa certification sur l’ancien modèle est donc prolongée. Un casse-tête, aussi, pour les organismes certificateurs. Qualisud, par exemple, ne veut certifier aucune exploitation avec le nouveau référentiel avant janvier 2023. L’Afnor attend, pour sa part, la publication des nouveaux textes. « Les textes ne sont pas suffisamment calés. Jusqu’ici, on parlait de mettre à jour le niveau 3, mais en remettant en cause le niveau 1, le ministère rebat les cartes du jeu. Tout ce qui concerne le niveau 1 devait être publié en janvier 2023, mais maintenant, il est difficile de donner une date avec certitude ». Finalement, le niveau qui pose le moins de problèmes est le niveau 2 qui concerne très peu d’exploitants de Saône-et-Loire. « Le niveau 2, ce sont des chartes environnementales comme Terravitis, la charte qualité Carrefour ou encore la charte D’Aucy. Ce sont des filières un peu particulières. Dans notre département, ceux qui ne font pas partie de ces chartes environnementales passaient, habituellement, directement du niveau 1 au niveau 3 ». Depuis son lancement en 2011, le nombre d’exploitations certifiées Haute valeur environnementale (HVE) connaît une croissance exponentielle avec une augmentation de 73 % en 2021. Le 1er janvier 2022, 24.827 exploitations étaient certifiées, dont 554 en Saône-et-Loire. Cette croissance est-elle menacée par le nouveau référentiel entré officiellement en vigueur le 1er octobre ? « En début d’année, je pense que nous aurons, au contraire, une ruée vers la certification pour rentrer dans les écorégimes de la Pac. En revanche, s’il n’y a pas de crédit d’impôts, il n’y a plus de soutien dans leur démarche, puisque la HVE est une reconnaissance de l’agriculture raisonnée, alternative aux produits phytosanitaires. Bien sûr, il y a d’autres avantages, comme l’exemption de Conseils stratégiques phytosanitaires (CSP) ou encore la valorisation en vente directe. La balle est également dans le camp des coopératives, dont les caves viticoles, qui devraient commencer à valoriser les produits HVE ».

Emilie Nicolaidis, conseillère HVE de la Chambre d'agriculture de Saone-et-Loire

*Les écorégimes de la Pac 2023 remplacent le paiement vert. Ils sont accessibles par la certification, les pratiques agricoles (diversité de l’assolement, non-labour des prairies permanentes) ou pour les exploitations qui disposent d’au moins 10 % d’infrastructures agro-écologiques (IAE) sur leur surface agricole utilisée (SAU).

Le gouvernement soutient la prolongation du crédit d’impôt

« Le gouvernement soutient bien la prolongation du crédit d’impôt HVE » (Haute valeur environnementale) dans le PLF 2023, indique l’entourage de Marc Fesneau, alors que le rapporteur Jean-René Cazeneuve (Renaissance) a défendu sa suppression lors de l’examen en commission des Finances. Ce crédit d’impôt de 2.500 €, rappelle la Rue de Varenne, est une aide dédiée « aux primo-accédants », qui n’en bénéficient que la première année, contrairement au crédit d’impôt de 4.500 € accordé aux agriculteurs en bio. Créé fin 2020 avec le plan de relance, ce soutien n’a été ouvert officiellement que début 2022. Selon le ministère, avec 10.000 nouvelles fermes HVE entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2022, « beaucoup d’aides » ont été octroyées dans l’année qui se termine, pour un coût total de 30 M€. Pour l’année 2023, poursuit le ministère de l’Agriculture, le crédit HVE concernera donc seulement les nouveaux certifiés, ainsi que les « retardataires » de 2022, pour un montant total estimé à 10 M€. Dans l’hémicycle, le gouvernement pourra compter sur le soutien d’une partie du groupe Renaissance, dont sa présidente Aurore Bergé, mais également sur celui d’Horizons, des Républicains ou encore Rassemblement national. À l’inverse, le Modem, La France insoumise, et le député Jean-René Cazeneuve ont à nouveau déposé des amendements de suppression. Si tel était le cas, « la fin du crédit d’impôt HVE est un arrêt de mort prononcé contre la démarche », s’alarme Jean-Jacques Jarjanette, président de l’association HVE Développement. Car la fin de ce soutien, rappelle M. Jarjanette, s’ajoute à la révision du cahier des charges officialisée fin juin. Un nouveau cadre qui a notamment divisé par deux le seuil de surplus azoté, « au risque de renchérir les coûts de revient, et d’éliminer une grande partie des exploitations ». laissant craindre sinon à un horizon plus lointain, une disparition du HVE « de façon lente et silencieuse », alors que les agriculteurs ne renouvelleront pas leur certification. Le crédit d’impôt, rappelle Jean-Jacques Jarjanette, avait été obtenu en 2020 grâce au soutien de la députée Marie-Christine Verdier Jouclas, alors élue LREM du Tarn et coprésidente du groupe vin de l’Assemblée. Une mesure qui avait déjà été instaurée contre l’avis de la commission des Finances.